Retour à l’Odyssée, donc. L’espèce de représentation théâtrale dans l’agora se poursuit et prend fin aujourd’hui. Après des échanges féroces, il me semble qu’Homère glisse un peu d’humour dans la parole de ses personnages. Voici Télémaque qui appelle ses ennemis mortels « aimables prétendants » (j’aurais pu traduire aussi doux prétendants, mais je préférais avoir deux pieds de plus dans le vers). Et puis Léocrite disant de Pénélope, à propos d’un éventuel retour d’Ulysse, qu’elle « ne se réjouirait pas, quoiqu’elle en ait Très envie » ne verse-t-il pas, avec la grossièreté que nous connaissons maintenant aux prétendants, dans l’allusion sexuelle ? Après la bataille de mots, chacun a envie de se détendre ou de se recueillir, c’est ce que nous verrons la prochaine fois en nous dirigeant doucement vers le départ en mer avec Télémaque.
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« Eurymaque, et vous tous, aimables prétendants,
Je ne vous supplierai ni ne vous en parlerai plus :
Les dieux et tous les Achéens savent ce qu’il en est.
Donnez-moi juste un vaisseau rapide et vingt compagnons
Pour mener à bien un voyage çà et là :
Je veux aller à Sparte et dans la sablonneuse Pylos
M’informer sur le retour de mon père parti
En écoutant quelque mortel ou plus encore
La renommée que Zeus porte parmi les hommes.
Si j’entends dire que mon père est vivant et revient,
Alors, malgré ma peine, j’attendrai encore un an.
Mais si j’entends dire qu’il est mort, qu’il n’existe plus,
Alors je retournerai dans ma chère terre natale
Lui élever un tombeau, lui rendre les honneurs funèbres
Avec faste, comme il convient, puis marier ma mère. »
Ayant ainsi parlé, il s’assoit. Alors se lève
Mentor, compagnon de l’irréprochable Ulysse,
Lequel en partant lui avait confié toute sa maison,
Pour qu’on obéisse au vieillard et qu’il fasse constamment
Bonne garde. Plein de sagesse il prend la parole et dit :
« Écoutez maintenant, gens d’Ithaque, ce que je vais dire.
Qu’aucun roi porteur de sceptre ne soit désormais bon,
Aimable et bienveillant, que son cœur n’incline à la mesure,
Qu’il soit plutôt pénible, qu’il agisse en criminel,
Puisque nul ne se rappelle le divin Ulysse
Dans ce peuple sur lequel il régna doux comme un père !
Je ne reproche pas aux arrogants prétendants
De commettre leurs violences, dans leur esprit mauvais ;
Car ils risquent leur tête en dévorant par la violence
La maison d’Ulysse, qui ne reviendra pas, croient-ils.
Mais c’est contre le peuple que je m’indigne maintenant,
Vous tous qui restez assis sans rien dire, sans vous lever
Pour arrêter quelques prétendants, vous qui êtes en nombre. »
Ainsi lui réplique Léocrite, fils d’Evenor :
« Malfaisant Mentor, esprit insensé, qu’as-tu dit ?
Tu les pousses à nous arrêter? Il serait difficile
De combattre des hommes si nombreux autour du festin !
Et Ulysse l’Ithacien reviendrait-il en personne
Dans l’intention de chasser de son palais les brillants
Prétendants en train de festoyer dans la salle à manger,
Sa femme ne se réjouirait pas, quoiqu’elle en ait
Très envie, de son retour, car c’est une mort indigne
Qu’il subirait, en s’attaquant à un si grand nombre.
Tu as donc parlé à tort. Mais allons ! Dispersons-nous,
Chacun à ses affaires ! Mentor et Alithersès,
Des proches de son père, aideront Télémaque à partir.
Mais je crois qu’en fait il va rester à Ithaque attendre
Des nouvelles, sans jamais accomplir son voyage. »
Ainsi parle-t-il, et l’agora se rompt aussitôt.
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le texte grec est ici
ma traduction du premier chant entier là
à suivre !
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