Parlons guerre, avec Marc Eichinger

En ce 11 novembre, et tandis que se poursuit le procès des attentats du 13 novembre, écoutons l’agent de renseignement Marc Eichinger dire, d’après son expérience de terrain, ce qu’est la guerre aujourd’hui, et éclairer ainsi, notamment, les sources réelles du terrorisme – celles qui ne seront pas mises en question au cours du procès.
D’abord dans cet entretien général :

puis plus précisément à propos du rôle du Qatar :

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Houellebecq multiplagiaire, Macron également infect, et sport pour rester debout

Deux heures à la salle hier, et pas une courbature ce matin. Tapis de course, rameur, elliptique, vélo, et pour finir une séance de yoga, parmi d’autres sportives et sportifs en train de faire leurs propres exercices au sol. Aux heures où j’y vais, dans la journée, il y a comme à toute heure surtout des jeunes femmes et des jeunes hommes, mais aussi quelques hommes de mon âge qui viennent entretenir leur musculature, je trouve cela touchant. Mais pour l’instant je n’y ai pas vu de femme au-dessus de quarante ans. Allez-y mesdames, cela fait tant de bien !

J, 25 ans, ce matin, en colère et révolté contre les annonces de Macron : « Il veut rendre les gens serviles et cons. Lui-même est incapable de faire son travail. Toujours s’en prendre aux plus affaiblis, jamais rien contre les riches fraudeurs. Plus jamais il n’aura ma voix, même contre n’importe qui au deuxième tour. Je n’ai jamais éprouvé une telle aversion pour quelqu’un. » Sa peine fait peine. Pour lui, pour toute la jeunesse sacrifiée par des bandes de vieux dominants. Cette jeunesse-là, qui ne veut ni être dominée ni dominer, a raison, et l’Histoire lui donnera raison.

J’ai découvert hier soir par hasard que Houellebecq était en fait un serial plagiaire. Je connaissais la peu reluisante affaire du plagiat de plusieurs articles de Wikipédia dans son roman La carte et le territoire. Mais j’ignorais qu’il avait piqué ce titre à Michel Lévy, auteur d’un recueil de nouvelles portant ce titre, que lors d’une rencontre il avait offert à Houellebecq. Et j’ignorais qu’il était accusé de plagiat pour son roman Soumission par le romancier El Hadji Diagola, auteur de Un musulman à l’Élysée, dont il avait envoyé le manuscrit à Gallimard et à Flammarion, éditeur de Houellebecq, histoire d’un prof musulman nommé Mohammed devenant président, comme ensuite chez Houellebecq. J’ai trouvé des articles sur cette affaire dans la presse belge et dans la presse africaine, rien en France ; et apparemment tout cela, depuis, a été étouffé. Voilà qui me dégoûte autant que les manœuvres de Macron. Se servir des plus humbles – là les contributeurs bénévoles de Wikipédia, dont il est interdit de vendre le travail gratuit, et un auteur tunisien puis un auteur sénégalais peu connus, faire toujours plus d’argent sur le dos de « ceux qui ne sont rien », ceux qui sont trop honnêtes pour appartenir à des réseaux assez mafieux pour pouvoir prospérer impunément sur le crime… Oui je parle de crime pour le plagiat, car je le sais pour l’avoir vécu, le plagiat est vécu comme un crime par ses victimes, un crime d’autant plus aggravé quand elles sont piétinées par une justice incapable de défendre ceux qui se retrouvent la proie de réseaux puissants.

Mais dans ces affaires le pire est la vision de la laideur morale de certains hommes. Comment peut-on vivre à ce point dénué d’honneur, je l’ignore. C’est aussi cette laideur qu’expose Macron, ad nauseam.

Plus que jamais il est bon, il est salutaire, d’entretenir, dans le sport, l’innocence et la joie du corps. Afin de rester debout malgré ce monde de couchés, de « forts » qui ne sont forts que parce qu’ils sont couchés, soumis à leur mafia.

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Ne pas se fier aux apparences

Ce matin je me suis fait gentiment refouler d’un atelier d’écriture au motif qu’il s’adressait à des personnes qui ont déjà acquis « un certain niveau ». Pour éviter de me faire remarquer, je n’avais pas dit, et je n’ai pas dit, que j’étais écrivaine ; seulement que j’avais déjà fait quelques ateliers, et que je pensais que ça devrait aller. La gentille animatrice visiblement ne m’a pas crue, et sans m’interdire son atelier – puisque j’étais prête à payer – m’en a consciencieusement découragée, en m’encourageant plutôt à m’inscrire à son atelier pour débutants, où l’on fait plein de « petits exercices ».

J’étais intéressée, je suis intéressée par les ateliers d’écriture (j’y ai participé deux fois, et j’en ai animé moi-même pour des lycéen·nes, et aussi pour des adultes, deux fois), par ce qui s’y passe. Mais de toute façon ce qu’elle m’a dit de sa méthode, sur laquelle je l’ai quand même interrogée, ne m’a pas donné envie de m’inscrire, en fait, ni à l’un ni à l’autre de ses ateliers. Peu importe donc, mais il y a tout de même une leçon dont nous devons sans cesse nous rappeler, c’est de ne pas estimer autrui sans savoir, sur des apparences ou des a-priori. C’est aussi une leçon de Breaking Bad, que je viens de terminer.

Les hommes sexistes, dont les religieux, devraient eux aussi méditer cette leçon.

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D’Edgar Poe à « Breaking Bad », couleurs du jour

technique mixte sur papier 10×16 cm

D’après mes statistiques, ma traduction de La Chute de la Maison Usher, d’Edgar Poe, est téléchargée au moins une centaine de fois par semaine (soit en passant par la note, soit par lien direct, trouvable en ligne mais non décompté par Analytics) ; je n’ai pas compté semaine après semaine, mais elle a dû être téléchargée plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de fois depuis 2016. Il existe bien des façons d’être lu pour un auteur, que ce soit Poe, moi-même ou autre. Et je serai heureuse, le moment venu, de reprendre mes traductions.

Je l’ai déjà dit, je ne peux plus lire les livres qui sortent ces dernières années en librairie – trop fabriqués, y compris le dernier Goncourt dont j’ai lu quelques pages ; mais je dois accompagner ce constat de celui qu’aucun, aucune des jeunes que je connais n’en lit non plus jamais, même parmi ceux et celles qui lisent. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas la littérature, c’est que cette littérature, si c’en est, ne leur dit rien. Ce qui n’a rien d’étonnant si l’on songe qu’elle est choisie, fabriquée voire trafiquée, vendue et promue par des vieux de chez vieux, je veux dire des affairistes du vieux monde de chez vieux monde.

Je ne souhaite pas viser les jeunes, je ne vise personne quand j’écris, j’écris gratuitement, c’est la meilleure façon. S’il m’arrive de viser tel ou tel succès auprès de tel ou tel public, je me plante et c’est bien fait, car je n’ai nulle envie de réussir ainsi. Je ne suis pas une commerciale, je vis dans mon temps mais ma création n’a pas vocation à fonctionner dans ce temps plutôt que dans un autre.

Ces derniers jours, je suis accro à la série Breaking Bad, que j’avale à raison de plusieurs heures par jour – je commence la dernière saison. Bien que je trouve détestable le personnage de Walter White, qui partage explicitement ses initiales avec celles du poète Walt Whitman, je ne peux qu’admirer son génie de la chimie et sa recherche intransigeante de la pureté dans sa discipline. Comme j’admire le vouloir bien-faire du personnage de Jesse Pinkman, sa jeunesse, son humanité profonde, sa pure vie.

Il n’y a pas grande différence pour moi entre regarder plusieurs heures par jour une excellente série comme Breaking Bad et traduire plusieurs heures par jour l’Iliade ou un autre excellent texte. J’aime me donner à fond dans ce qui m’intéresse. Pour ce qui est d’écrire, inutile d’en parler, c’est ma vie, autant que respirer, manger, bouger, aimer… une fonction vitale que j’exerce aussi quand je n’écris pas, un mode d’être qui peut ressembler, surtout dans les débuts, à une drogue dont on veut et dont on ne veut pas se défaire, et qui peut devenir, qui est devenue pour moi, la plus grande liberté, du moment où elle se détache du désir de publier chez un éditeur. Ce qui perd Walter White, c’est le désir de faire de son talent un produit. Et ce qui le perd, perd aussi ceux qui consomment son produit – comme la littérature fabriquée aujourd’hui perd les esprits de ceux qui la lisent (encore que cette littérature soit loin d’atteindre la pureté du crystal de Walter White). Même si elle a pu être vendue comme un produit, ma littérature n’a jamais été un produit, mais de la pure vie.

Une infirmière qui était venue chez moi il y a six ans y est revenue par hasard aujourd’hui, pour quelqu’un d’autre. Elle ne m’a pas reconnue, mais a reconnu aussitôt mes peintures sur les murs (plusieurs ont changé, mais le style demeure) et en a déduit qu’elle était déjà venue. Voilà qui me plaît. Breaking Bad aussi, avec White et Pinkman, a ses couleurs. Ce que nous sommes, nous le faisons, ce que nous faisons, nous l’habitons, et notre façon de l’habiter participe à faire le monde.

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Vivre

Tout de suite à cette entrée de l’hôpital Cochin, un bâtiment sur lequel est écrit « Chambre mortuaire ».
Plus loin, dans l’une des chambres doubles d’un autre bâtiment, sur l’un des lits un vieil homme très maigre, raide, bouche ouverte, aussi immobile qu’un mort quoique encore vivant.
Près de l’autre lit, un jeune homme torse nu, athlétique, en pleine splendeur malgré le pansement qui lui barre l’épaule, sortant juste de la salle de réveil après une opération réparant une blessure de sport, va et vient, frais et vigoureux comme un lion en pleine forme.

Ce qui importe c’est de vivre, tant qu’on est vivant. Disant cela j’enfonce une porte ouverte, mais ce sont justement les portes par lesquelles il faut passer. Aux morts conviennent les portes fermées, et laisser derrière elles les morts, sans chercher à passer par elles, est ce qui convient aux vivants. Chaque porte fermée que nous essayons d’ouvrir nous ôte de la vie. La seule porte qui vaille, oui, elle est ouverte, et il ne tient qu’à nous de la franchir, jour après jour.

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