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Mois : janvier 2022
Des VIP chez les pauvres (encore le racisme de classe)
Juliette Binoche, qui n’est pourtant pas la VIP la plus antipathique, déclarant, à propos du film Ouistreham, « il faut être disponible à la différence de l’autre », ou, avec Emmanuel Carrère, « ne pas voir ces gens, c’est ne pas les respecter », fait, avec le même Carrère et trop souvent, Florence Aubenas, du racisme de classe comme M. Jourdain de la prose. « Ces gens », c’est-à-dire les pauvres, sont donc, à leurs yeux, différents du reste de l’humanité. Binoche ne devrait pas s’enfoncer, et enfoncer le film et ses comparses qui le signent, en ajoutant qu’elle sait ce que c’est que de faire le ménage puisque, dans son enfance, sa mère donnait cinquante centimes aux enfants pour qu’ils participent de temps en temps aux tâches, en mettant Vivaldi à fond.
Le racisme de classe est partout répandu, et si commun qu’il passe souvent inaperçu. Tout le monde n’est pas aussi grossièrement raciste envers les pauvres que Macron insultant obsessionnellement (racismes et sexismes sont presque toujours obsessionnels) ceux « qui ne sont rien », « les alcooliques », « les feignants », « les illettrées », ceux qui coûtent « un pognon de dingue », ceux qui n’ont qu’à « traverser la rue », ceux qu’il a « très envie d’emmerder », etc. (Et qu’Emmanuel Carrère, grand soutien de Macron, soit le réalisateur de ce film, est significatif).Le racisme de classe sournois s’invite souvent au cinéma, parfois de façon tout à fait visible, souvent sans qu’on le remarque, comme dans le film Illusions perdues où seule la bourgeoise est belle et « classe », comme s’il n’y avait pas de filles du peuple élégantes et splendides et comme s’il n’y avait pas de bourgeoises épaisses et vulgaires.
Le classisme passe souvent inaperçu, comme tous les racismes (y compris le sexisme, qui est un racisme de genre) jusqu’à ce qu’on les débusque. Ils passent inaperçus parce qu’ils sont la pensée dominante, en vérité une non-pensée, une vision toute faite et rancie du monde. Je le rappelle dans Une chasse spirituelle, jadis les bourgeois parisiens allaient le dimanche, en guise de promenade, voir comme au zoo les pauvres et les pauvresses gardées enfermées à la Pitié-Salpêtrière, de même que Charcot y mit en scène les prétendus « hystériques », femmes et hommes du peuple, devant des parterres de messieurs en redingote. Pour la bonne cause, bien sûr, en pensant certainement que « ne pas voir ces gens, c’est ne pas les respecter ».
Aujourd’hui les transports sont plus rapides, on peut bien se déplacer, pour le spectacle, jusqu’à Ouistreham, et en faire un spectacle. Histoire d’entretenir son statut de VIP, et de pouvoir continuer à faire entretenir sa maison par « ces gens », avec leur « différence » qui les assigne à nettoyer votre merde. Oui, c’est ça, votre fascisme, que vous ne voyez pas, pauvres prosateurs. Vous voyez, nous aussi, qui ne sommes rien, nous vous regardons, et nous vous voyons.
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« Journal d’une prof » (pdf)
« C’était bien parti pour mal finir, et cela finit mal, comme on le verra à la lecture de ce journal de prof. Cela finit à l’Académie où l’on me morigéna et me menaça, cela finit dans le bureau du proviseur où l’on m’enjoignit aussi de me taire, cela finit au commissariat de police avec une plainte déposée contre moi, cela finit à l’hôpital avec un cancer récidivant, cela finit avec un départ de l’Éducation nationale en forme de non-retour. Mais cela finit aussi avec un merveilleux souvenir au cœur, celui de mes élèves bien-aimés et du travail que nous accomplîmes ensemble. »
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« Puisse ce témoignage à vif contribuer à trouver des voies pour améliorer l’enseignement en France, et avec lui, le sort des élèves et des enseignant·e·s. »
Ma rentrée littéraire : voici ce Journal, précédé d’une introduction :
Journal d’une prof
Bonne lecture !
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le vivant autonome
Fatiguée par la troisième dose de vaccin, j’ai passé la journée immobile à regarder des vidéos sur le running. Ce matin encore ma montre, qui capte l’état de mon corps pendant mon sommeil, me dit de ne pas m’entraîner, que j’ai besoin de repos. Je suis très contente de cette Polar Ignite 2, mon cadeau de Noël, ma première montre cardio, qui me révèle des choses sur le fonctionnement de mon corps que j’ignorais. C’est extraordinaire à quel point la vie se fait sans nous, en nous. Que nous ayons seulement quelques notions de biologie ou que nous la connaissions très bien, nous n’en sommes pas moins inconscients, à chaque instant, de tout le fantastique univers qui, en nous, nous tient en vie, fonctionne par lui-même. En révélant par exemple la variabilité cardiaque, une notion que je ne connaissais pas, ma montre me renseigne sur mon propre état, sans pour autant que je puisse consciemment le réguler, seulement l’aider par exemple en me mettant au repos quand les indices baissent. Tout ce que nous pouvons faire pour interagir avec ce corps autonome, indépendant de notre conscience – en agissant par l’exercice, l’alimentation, les soins… constitue un échange d’amour, dans lequel l’Autre, qui est en nous-même, est reconnu comme partenaire précieux et ne peut être forcé, au risque de tout détruire. Je continue à m’émerveiller de ce que j’appelais l’autre jour cette terra incognita. « Je suis plus près de vous que votre veine jugulaire », dit Dieu dans le Coran (50,16). La prière est un exercice, spécialement la prière islamique, et l’exercice peut être prière, oui, l’exercice est prière, au fond.
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Macron, la REM, la merde
« Jupiter » a « très envie de les emmerder », une grosse envie de chier, donc, sur une partie de ses concitoyens, qu’il déclare d’ailleurs déchus de leur citoyenneté. La vérité sur eux-mêmes sort de la bouche des adultes restés au stade anal, centrés sur leur impérieux ego et la puissance de leur caca. Poupée, anale nationale est au pouvoir sous le masque de Macron, comme elle le fut sous celui de Trump, comme elle l’est sous le masque de Zemmour et de bien d’autres, dans la lignée du père Le Pen et de ses petites phrases en forme de grosses merdes. Le racisme de Macron est une racisme de classe, dirigé contre le peuple, les gens humbles, « ceux qui ne sont rien », qu’il n’a cessé, depuis cinq ans, d’insulter, de stigmatiser, de violenter symboliquement et à l’occasion de mutiler physiquement. Son quinquennat restera comme une des choses les plus lamentables qui soient arrivées à la France.
On peut déplorer le mouvement antivax, et je le déplore grandement. Mais de quel esprit tordu faut-il être pourvu pour songer un instant à vouloir « emmerder » des gens pour les soumettre ? Le management par le harcèlement n’est pas de la politique mais une perversion indécrottable, c’est le cas de le dire, comme Macron le prouve en réitérant son mépris quelques jours après un mea culpa public. Sado et maso, un anneau sur chacune de ses mains. Soit il ne maîtrise pas du tout sa parole, soit sa sortie est volontaire, et d’un sadisme – et d’une bêtise – encore plus graves.
Le problème sanitaire n’est pas seulement celui du covid, c’est aussi celui de la santé mentale déplorable de trop de réputés premiers de cordée. Mauvaise santé qui a pour corollaire et reflet le complotisme de réputés derniers de cordée, rendus paranos à force de ne pouvoir faire confiance aux cinglés qui gouvernent. Après le petit Macron, le petit Attal reprend pour sa com le verbe emmerder de son maître. Voilà où nous en sommes : la REM est donc le nom en verlan de la merde ? Triste spectacle en tout cas que celui des lécheurs de chaussures de luxe merdeuses s’affairant à répandre leur salive pour entretenir un brillant bien dégoûtant.
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Journal des jours
Le jour se lève,
la nuit fut belle.
Dans la cour, lumière des fenêtres.
Les chambres, les cuisines, s’allument.
Mon corps est chaud du petit déjeuner.
Mon cœur bat, mes yeux regardent : musique, danse.
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J’ai trouvé par hasard un cours d’aérobic sur Youtube. Cette gym dansante, effrénée, en musique, m’a mise en joie. Avec le temps, mon yoga quotidien s’est déplacé dans la journée : au début, c’était tous les matins au lever ; puis ce fut tous les matins vers midi ; et maintenant c’est le soir un peu avant de me coucher. À midi, il m’arrive encore de faire une séance de yoga, plus sportive que le soir. Mais maintenant, à cette heure, c’est plus souvent des séances d’autres exercices de fitness, renforcement musculaire ou cardio training selon différentes techniques. J’aime varier, m’entraîner de temps en temps avec des bandes élastiques et de petits haltères, ou bien à la barre avec une danseuse (toujours en ligne), ou encore désormais avec l’aérobic donc, et je veux me remettre un peu à la danse orientale aussi. Tous ces jours-ci je ne vais pas à la salle de sport, à cause du covid que nous avons eu à la maison, mais si mon dernier test reste négatif je serai vaccinée (troisième dose) avant la fin de la semaine et je pourrai y retourner, travailler au tapis de course, au rameur et à d’autres machines. Je pourrai aussi retourner courir dehors, quelques jours après. Dimanche, deuxième jour de la nouvelle année, j’ai fait un bon tour à vélo, notamment sur les pavés des quais de Seine, en portant mon vélo dans pas mal d’escaliers, près de onze kilomètres dans la douceur des températures, c’était génial.
Le sport rend heureux, l’activité manuelle aussi. Je continue à fabriquer avec mes fils colorés et mon crochet des petites choses utilitaires, pour offrir et pour moi, disques démaquillants et lavettes pour la vaisselle, tout cela remplaçant avantageusement les cotons et éponges qu’on achète et jette, et qui polluent. Je commencerai à faire des vêtements quand je me serai procuré des fils adaptés, rien ne presse. La vie est pleine et pleinement heureuse. La liberté aussi.
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Bonne année, que votre vie continue dans la beauté !
En ce premier jour de 2022, j’ai fait ce matin une bonne heure de yoga Iyengar, pour travailler la technique en détail, et cet après-midi, partie marcher, j’ai eu soudain envie de courir, et j’ai couru un moment, comme j’étais, en jeans, baskets de ville et manteau.
Ce soir, commençant à regarder sur le site d’Arte la série Escale fatale, j’y ai entendu cités ces mots de Rûmî, dont je ne me souvenais pas : « Ne t’inquiète pas si ta vie est sens dessus dessous, car qui te dit que le sens auquel tu étais habitué est meilleur que celui des temps à venir ? »
Moi j’aime le monde d’aujourd’hui, malgré tous ses problèmes et tous ses drames, parce que c’est le monde dans lequel je vis.
Laissons les marchands d’espoir ou de désespoir à leur commerce, et cueillons le jour.
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