DAOUD, CONTRE-ENQUÊTE

Transcription du texte de l’une de mes vidéos ici sur YouTube

Après la précédente vidéo d’introduction au sujet Daoud contre-enquête, pour comprendre ce qui a conduit Kamel Daoud à commettre son prix Goncourt, nous allons passer en revue ses sept livres précédents et leur contenu. Car c’est en ces premiers ouvrages qu’il s’est révélé, c’est là qu’on trouve le fond et l’évolution de sa vision du monde et de son comportement face au monde, qui l’ont amené finalement à produire ce livre où sa trahison ne prend même pas la peine de se masquer, sinon en se glaçant d’un vernis de fausse littérature, travaillée par une maison d’édition, Gallimard, experte en production de livres à prix. Autrement dit, de livres pleins de casseroles qui font beaucoup de bruit sur le moment, au profit immédiat de ce marchand et de ses écriveurs dociles. Ecriveurs volontiers recrutés ces temps derniers parmi les Arabes doués d’allégeance au pays de leurs anciens colons, restés d’autant plus nostalgiques de leurs colonies perdues que l’islam constitue désormais une part importante de la culture hexagonale, à leur très grand dépit. Parmi ces auteurs à prix littéraires recrutés en Afrique du Nord pour prêcher aux Français la supériorité de la culture française « de souche », comme disent les fachos, citons notamment Ben Jelloun et Sansal, ou plus récemment arrivés sur le marché, Slimani et Daoud.
Dans un premier temps, nous allons nous appuyer beaucoup sur des citations de ceux de ses premiers livres que j’ai pu me procurer, afin de bien baliser le chemin sur lequel Daoud se déplace, ou le plus souvent, piétine. Et pour ses deux dernières productions, Le peintre dévorant la femme et Houris, forts de ce que nous aurons relevé dans ses précédents livres, nous livrerons notre analyse, dévoilant le fonctionnement et les intentions de Daoud.

Mais avant de commencer la recension de ses livres dans leur ordre chronologique de publication, gardons en tête trois citations tirées de Meursault, contre-enquête dans l’édition 2014 d’Actes Sud :
p. 46 « On a là des aveux, écrits à la première personne »
p.57 « Le monde entier assiste éternellement au même meurtre en plein soleil, personne n’a rien vu (…) Quand même, il y a de quoi se permettre un peu de colère, non ? Si seulement ton héros s’était contenté de s’en vanter sans aller jusqu’à en faire un livre ! (…) c’est son talent qui rendit son crime parfait. »
p. 118 « Moi je parle trop, je crois. C’est le grand défaut des meurtriers que personne n’a encore punis. »
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Et maintenant, reprenons du début, avec ce titre qui, a posteriori, a des allures d’AVEU de la part de son auteur :

La Fable du Nain (Oran, Dar El Gharb, 2003)
N’ayant pas trouvé ce livre, je vous en lis ce résumé donné parYamina Bahi, de l’Université d’Oran :
« La Fable du nain est un récit qui met en scène deux personnages : d’un côté, le héros-narrateur
protagoniste central de l’histoire ; et de l’autre, un Nain surnommé « ZimZim » par ce même pro-
tagoniste. Ce dernier est victime des fourberies et tortures orchestrées par le gnome diabolique
investi de tous les vices. Ce lutin use des stratagèmes les plus espiègles pour enrayer la personnalité
de ses victimes. Dès lors, le narrateur subit une dépossession insoutenable, marquée par l’annu-
lation de soi et le consentement au déclin. Le personnage aliéné et agité quitte, de la sorte, son
emploi et ses proches pour se reclure dans sa chambre d’appartement et ce, dans le but de pour-
chasser l’être vil et sordide qui le hante jours et nuits. Mais au fur et à mesure que la traque évolue,
il se rend compte que le Nain fait partie de lui, car il incarne sa part sombre et malicieuse. »

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Le deuxième titre de Daoud, Ô Pharaon (Oran, Dar El Gharb, 2005), est également introuvable en France aujourd’hui. Même la bibliothèque de l’Institut du Monde Arabe l’a retiré de son catalogue de prêt. Pourquoi ? Daoud et ses soutiens préfèrent ne pas avoir à assumer un ouvrage qui révèle son ISLAMISME, ses MASQUES ET MENSONGES. Il y prend parti pour les islamistes de la décennie noire, qu’il appelle des « maquisards », « qualité qui n’était admise que pour les Combattants de la Guerre anticoloniale » précise Abdellali Merdaci, docteur en linguistique et professeur de littérature comparée, qui note dans le journal Algérie 54 que ce roman est également homophobe. Dans un autre article sur Daoud, ce professeur évoque « sa défense véhémente des groupes islamistes de l’Ouest algérien », avant qu’il ne soit repéré en France par Pierre Assouline pour des chroniques où, en pleine attaque dévastatrice d’Israël à Gaza, en 2014 (opération Bordure protectrice), il se disait non-solidaire des Palestiniens. Récupéré par Saint-Germain-des-Prés comme Algérien disant du mal des arabes et du bien des Israéliens, il réécrit son Meursault contre-enquête et le publie en France chez Actes Sud (Françoise Nyssen, ministre de la culture de Macron) après avoir fait revoir et valider son récit par les ayant-droits de Camus. Dans sa première version le texte de Daoud, une commande d’éditeurs algérois ainsi que de leurs auteurs, qui l’avaient déjà retravaillé, comportait une critique parfois violente de Camus. Les ayant-droits ont fait enlever des passages, Daoud s’est plié à leur volonté et le livre est devenu un hommage à Camus.
Soutiens de Daoud : Assouline, BHL, Finkielkraut, Onfray, Valls…
Le 15 décembre 2024, sa plus jeune sœur, manifestement intelligente et sûre d’elle, témoigne sur la chaîne de télévision algérienne One de ses mensonges quant à la prétendue misère de son enfance. « On avait une grande maison, une villa avec un jardin, notre père était gendarme et gagnait bien sa vie, on était de la classe moyenne, on ne manquait de rien et on a tous et toutes fait des études supérieures, notre père y tenait beaucoup, pour les filles comme pour les garçons. Maintenant nous travaillons et nous avons de bons postes de cadres. » dit-elle en substance. Le retrait de ce livre, Ô Pharaon, des librairies et bibliothèques, s’inscrit bien dans la falsification de sa biographie par Daoud, qui, de même qu’il a menti sur son enfance et sa famille pour se donner une aura de petit miséreux né dans un monde obscur et ayant accédé à la lumière par son seul mérite, alors que toute sa parenté et toute sa fratrie serait demeurée inculte, s’est également employé à gommer son passé islamiste pour aller, comme je le disais dans l’une de mes précédentes vidéos, d’un fascisme à l’autre – nous verrons qu’il conforte lui-même cette analyse en répétant dans ses chroniques qu’islamisme et extrême-droite française s’équivalent. Aujourd’hui Daoud épouse toutes les thèses de ce Rassemblement national qu’il comparaît jadis à l’islamisme, preuve que le même esprit du mal continue son œuvre à travers lui. Notons que ce livre empreint d’islamisme a été publié en 2005. Quand Daoud prétend avoir abandonné l’islamisme en 1988, on peut en douter !

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Je n’ai pu me procurer non plus, pour cette recension, son livre suivant, marqué par le CARACTERE OBSESSIONNEL de Daoud :
La Préface du nègre, Le Minotaure 504, et autres nouvelles (Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2015) Recueil de nouvelles parues précédemment à Alger, éditions Barzakh, 2008
Notons simplement que dans la présentation française de ce recueil on lit que les personnages y sont « égarés dans le labyrinthe de leurs obsessions ». Voilà qui est suffisamment parlant, comme nous allons le voir dans la suite.

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Passons maintenant à
Mes indépendances, chroniques 2010-2016 (Éditions Barzakh et Actes Sud, 2017), INTERMINABLE RABÂCHAGE DE HAINE ET DE MEPRIS DU PEUPLE ALGERIEN ET DE L’ALGERIE
Et notons déjà que sa dédicace : «  à ma femme, debout dans mes orages », paraît assez inquiétante et révélatrice, sachant que Daoud a été condamné pour violences conjugales. Pour le reste, je me contenterai de citer certaines phrases tout aussi révélatrices de ce choix de chroniques.
p.16 « Ma méthode était la recette vicieuse du paresseux appliqué »
p.303 « Qu’est-ce que réussir et rire pour moi si je le fais sur une île déserte, une salle vide, là où les miens, mes ancêtres, mes descendances ne me regardent pas, ne partagent pas avec moi le pain ou le sein ? On ne recommence pas sa vie après une fuite, on continue seulement de fuir. Ceux qui sont partis sont souvent détruits ou torturés par l’impossibilité de revenir et l’impossibilité d’arriver ailleurs, définitivement, pleinement. »
p.333 « Les salafistes de la France sont l’extrême-droite, ceux de l’Algérie sont, eux, des islamistes. »
p.346 : dit qu’en Algérie « Les gens sont morts, un mort gouverne » Ce « mort » est Bouteflika, plus d’une fois pris à partie dans ses chroniques, ce qui semble montrer que la liberté d’expression ne se porte pas si mal que ça en Algérie.
p. 356 : « vue de Paris, l’Algérie n’intéresse pas le marché éditorial. Sauf quand elle fait la guerre » – c’est donc aussi pour intéresser Paris que Daoud est entré en guerre, non contre la France mais contre l’Algérie.
p.373 « le monde dit arabe est le poids mort du reste de l’humanité »
p.446 « Vous voulez lire l’avenir de certains peuples ? Regardez le présent qu’ils font subir à leurs femmes. » Valable aussi pour l’avenir de Kamel Daoud, alors ?
p. 447 « Le FN est comme les islamistes chez nous » (plusieurs fois dans les chroniques)
p.505 « L’islamisme est un fascisme. »

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Meursault, contre-enquête (1re éd. Barzakh, 2013 et Actes Sud, 2014)
p.8-9-10 « Dès le début, on comprenait tout : lui, il avait un nom d’homme, mon frère celui d’un accident. Il aurait pu l’appeler “Quatorze heures” comme l’autre a appelé son nègre “Vendredi”. Un moment du jour, à la place d’un jour de semaine (…) pour qu’il rejoue son propre décès par balle tirée par un Français ne sachant quoi faire de sa journée et du reste du monde qu’il portait sur son dos (…) Ce qui me fait mal, chaque fois que j’y pense, c’est qu’il l’a tué en l’enjambant, pas en lui tirant dessus (…) et le livre a eu le succès que l’on sait. Et donc, par la suite, tous se sont échinés à prouver qu’il n’y avait pas eu meurtre, mais seulement insolation (…) Du coup, le meurtre est un acte absolument impuni (…) tout le monde s’est mis de la partie pour faire disparaître à la hâte le corps de la victime » Voilà un passage à retenir pour quand nous arriverons au personnage d’Aube dans Houris, ce personnage auquel il a lui aussi donné le nom d’un moment du jour, ce personnage représentant donc comme l’Arabe de Camus une personne réelle qu’il a tuée en l’enjambant, comme il dit.
p.11 « nous étions seulement deux frères, sans sœur aux mœurs légères comme ton héros l’a suggéré dans son livre » Et comme Daoud l’a suggéré aussi avec le personnage d’Aube dans Houris.
p.14 « là, je te mens, comme je me suis menti à moi-même pendant longtemps. La vérité est que l’Indépendance n’a fait que pousser les uns et les autres à échanger leurs rôles. » De fait, Daoud a manifestement voulu devenir Camus, comme le montrent certaines de ses photos posées à la façon de Camus, prendre sa place d’auteur gagnant le succès en tuant un personnage dépouillé de son nom.
p. 15 « Depuis des siècles, le colon étend sa fortune en donnant des noms à ce qu’il s’approprie et en les ôtant à ce qui le gêne »
p.30 « Tu veux que je te divulgue mon secret (…) Voilà, c’est là-bas, à Hadjout, qu’une nuit terrible, la lune m’a obligé à achever l’œuvre que ton héros avait entamée sous le soleil (…) Une fosse que je creuse sans cesse. Mon dieu, comme je me sens mal ! »
p.41 « Toi, tu veux retrouver un cadavre, alors que moi, je cherche à m’en débarrasser. Et pas d’un seul, crois-moi ! »
p.47 « il ne l’a pas nommé, parce que sinon, mon frère aurait posé un problème de conscience à l’assassin : on ne tue pas un homme facilement quand il a un prénom. »
p.48 « J’ai tué moi aussi »
p.53 « Je m’en souviens, j’avais ressenti une étrange jubilation à la voir souffrir réellement, pour une fois. Pour lui prouver mon existence, il me fallait la décevoir. C’était comme fatal. Ce lien nous a unis plus profondément que la mort. »
p.56 « Sa vie ? S’il n’avait pas tué et écrit, personne ne se serait souvenu de lui. »
p.60 « La voix de l’imam qui vocifère à travers le haut-parleur » (adhan)
p.61 « Leur marmaille grouillant comme des vers sur mon corps »
p.64 « ton héros ne ressemble en rien à l’autre, celui que j’ai tué » Puis il raconte qu’il a tué un homme, d’une balle dans le ventre et l’autre dans le cou, ajoute avoir pensé que puisqu’il n’était pas musulman, ce n’était pas interdit, puis que comme il y avait une guerre, ce n’était pas un assassinat. p. 68 « A l’époque, on tuait beaucoup (…) Durant cette période étrange, on pouvait tuer sans inquiétude » p.73 « et je sus que j’étais piégé dans un plus grand rêve, un déni plus gigantesque, celui d’un autre être qui fermait toujours ses yeux et qui ne voulait rien voir, comme moi. » p.75 « c’est une malédiction, un piège ».
p.77 « Un certain goût pour la paresse s’installe chez le meurtrier impuni. Mais quelque chose d’irréparable aussi : le crime compromet pour toujours l’amour et la possibilité d’aimer. J’ai tué et, depuis, la vie n’est plus sacrée à mes yeux. Dès lors, le corps de chaque femme que j’ai rencontrée perdait très vite sa sensualité, sa possibilité de m’offrir l’illusion de l’absolu. À chaque élan du désir, je savais que le vivant ne reposait sur rien de dur. Je pouvais le supprimer avec une telle facilité que je ne pouvais l’adorer – ç’aurait été me leurrer. J’avais refroidi tous les corps de l’humanité en en tuant un seul. »
p.79 « Généralement, on dort mieux après l’aveu. »
p.82 « je rêve d’en commettre un » (livre)
p.91 « je voulais être condamné »
p.99 il dit avoir appris à lire « pour retrouver un assassin ». Eh bien, c’est ce que nous sommes aussi en train de faire.

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Zabor ou les psaumes (éd Barzakh et Actes Sud, 2017) OBSESSION AMOUREUSE POUR UNE JEUNE FEMME « DÉCAPITÉE »
dans Meursault contre-enquête : « Le meurtre qu’il a commis semble celui d’un amant déçu par une terre qu’il ne peut posséder ». En lisant Zabor, on éprouve le fort sentiment que le livre qu’il a commis ensuite, Houris, semble celui d’un amant déçu par une femme qu’il n’a pu posséder.
p.46 « un jour je vais retrouver tout ton corps et te le rendre, ô voisine décapitée » (à Djemila, qu’il voudrait épouser)
p.52 « je veux sauver cette femme, lui rendre son corps »
p.58 « Est-ce que j’aime cette femme ? Oui. Je me sens coupable quand j’évoque son sort et je sais que, pour elle, écrire ne suffira jamais à l’arracher à la mort et à lui redonner un corps entier. À vingt-quatre ans, elle est (…) condamnée à vivre comme une décapitée en ne montrant que sa tête par la fenêtre. Je la sauverai non pas en écrivant mais en lui racontant une histoire qui réparera sa décapitation »
p.71 « (je suis responsable des vies des gens que je croise quotidiennement et je peux les sauver en écrivant, tous, sauf une femme que je ne peux protéger qu’en échangeant mon corps contre le sien et en remédiant à sa décapitation) »
p.86 « Le début d’un conte : une femme décapitée »
p.87 « Pourquoi cette femme m’occupa-t-elle l’esprit »
p.88 «  j’avais un faible pour les femmes prisonnières » et « j’aperçus une femme aux longs cheveux noirs, au visage comme posé sur une épaule invisible, comme détaché du cou par un foulard. » et « Dès la répudiation, sa tête est tranchée, séparée de son corps »
p.89 « Elle était une impasse par où chacun avait envie de passer ! Corps piétiné, ouvert, soldé, qui ne pouvait servir à aucune noce, seulement à l’infidélité ou à la traque. Son sort était un bûcher. »
p.112 : « je devins un enfant méchant chez moi, et lâche dehors. »
p.142 : « À quoi se résument les journées d’une femme décapitée ? Je ne peux l’imaginer. Une sorte d’obscurité, sans langue ni écriture. Quelque chose m’échappe dans ce que j’éprouve pour elle. »
p.143 «  Le seul moyen de sauver les femmes décapitées des Mille et Une Nuits, c’est de leur rendre leur propre corps »
p.161 « J’espère sauver cette femme enterrée vivante, cette fois par ma chair entière et pas seulement par mes cahiers. Djemila n’a pas besoin d’un conte mais d’un homme qui puisse retrouver son corps. »
p.202 : « En résumé, pour sauver une personne en écrivant, il faut lui restituer son histoire, la lui faire boire comme une eau sacrée, doucement, en lui penchant la tête pour que le souvenir ne l’étouffe pas. »
p.236 «  Mon père est mourant et cette fin du monde m’exalte, comme si la mort d’un être pouvait signifier la liberté d’un autre. Et si j’étais en train d’écrire pour le tuer, et pas pour le sauver ? » Voilà la question que l’on peut aussi se poser sur ce qu’il a voulu faire à Saâda Arbane.
p.38 : « selon la légende toujours, j’étais un monstre sournois, caché dans le corps d’un eunuque. Ô, Ibrahim, versant d’Abraham, c’est à mon tour de poser la lame souriante sur ta gorge »

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Le peintre dévorant la femme (Stock, 2018)
Sur le thème de l’érotisme vu comme une chasse et un cannibalisme.
Extrêmement chi*nt.
Sur Picasso, p.36 « Il viole d’abord la femme et puis après on travaille », confiait Marie-Thérèse » – l’une de ses compagnes qu’il a draguée alors qu’elle avait 17 ans et lui 54, ce qui semble ravir Daoud, comme cette histoire de viol et de cannibalisme. Il en parle au début du livre, et ensuite, Picasso et ses peintures, il n’a pas grand-chose à en dire. Alors il donne dans le verbeux, comme dans ses autres livres. Il pisse de la copie, comme le chroniqueur qu’il fut pendant des années, devant remplir ses feuillets tous les jours et les remplissant de redites.
Même là, au musée Picasso, il y va de son ressassement anti-islam, pendant des pages. Comme ces antivax qui, quel que soit le sujet dont on parle, disent, si ça s’est mal passé, si ça a mal fini « je parie qu’il avait été trois fois vacciné ». C’est une obsession, une maladie, exactement comme l’antisémitisme. Antivax, antisémite, antiislam… Pour eux, quoi qu’il arrive, c’est la faute aux vaccins, ou la faute aux juifs, ou la faute aux musulmans. Bonhomme, t’as demandé à passer une nuit au musée, qu’est-ce que t’as à penser, là, à ce moment, à cet islam avec lequel tu te manges la tête ? Oui tu es cannibale, et c’est toi-même que tu manges, avec ta haine !
Il parle du cru et du cuit. Pitié, encore cette rengaine usée ! On me l’a tant sortie, quand j’ai publié mon premier livre. Les intellos, c’est-à-dire les intellectuels médiocres, les demi-savants demi-pensants, bêlent tous la même chose, et Daoud bêle maintenant avec les moutons de Saint-Germain-des-Prés, tout en crottant, de son autre côté, contre les moutons qui bêlent à la mode islamiste. Bêtise. Fatigue.
Si j’avais eu le livre sous forme numérique, j’aurais compté le nombre extrêmement abusif de fois où il emploie les mots « cannibale » et « proie ». Pour parler d’érotisme. Entre deux ressassements sur l’islam. Cela veut dire quoi ? Qu’il est resté ce qu’il fut, adolescent, à l’âge où les pulsions sexuelles prennent forme : un islamiste, de ceux qui terrorisent et tuent. S’il avait été élevé dans une autre culture que celle de l’islam, il serait devenu pareillement terroriste et assassin en esprit, en s’appuyant sur n’importe quelle autre idéologie. Parce qu’ainsi est sa pulsion sexuelle. Morbide.
Il lui est donné l’occasion de passer une nuit seul au musée Picasso pour en faire un livre, et voilà le genre de question qu’il se pose – il en fait un chapitre : « une femme peut-elle être imam ? » La vérité c’est que les peintures, il s’en fout. Il radote sur l’islam qui l’obsède, comme l’avare de Molière, ou le Melmoth de Maturin, devenus vieillards, n’ont plus que leur argent pour passion. Il n’est pas si vieux, Daoud, mais il a déjà cette maladie de vieux, il a peur que l’islam lui prenne son son bien qu’il gagne à la sueur de son clavier au service de patrons occidentaux racistes. Puis il revient à son autre hantise, le corps, et il donne pour titre à l’un de ses chapitres « Le corps supplicié ». Oui, on a compris, ça lui plaît, ça. Et aussi, comme il l’écrit, « sa crucifixion, immobilisation, putréfaction ».
Daoud s’onanise de mots, de vanité, mais ça n’efface pas le réel, ça n’efface pas le fait que son goût du corps supplicié l’a conduit à être condamné pour coups et blessures sur sa première femme, elle qu’il frappa à coups de pommeau de canne, la laissant ensanglantée, un pan de son cuir chevelu arraché, où ses cheveux ne peuvent repousser. Il a beau faire des phrases, il a beau écrire « j’ai pressenti, étrangement, comment un homme pouvait manger une femme, réellement, dessiner son crime, le confesser et être admiré pour ce cannibalisme », même s’il réussit à se faire admirer de ses maîtres pour son cannibalisme – car dans leur monde seuls les maîtres ont le droit d’être cannibales, mais on admet aussi celui des indigènes, ces sauvages que les maîtres, se rêvant eux-mêmes grands fauves, fantasment – tout cela ne l’absout pas du cannibalisme qu’il a commis sur la vie de Saada Arbane.

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Houris (Gallimard, 2024)
Dès les premières phrases, immédiate constatation : ce n’est pas, comme prétendu, la jeune femme qui parle. Aucune jeune femme ne parle comme ça. Personne, en fait, ne parle comme ça. Ce n’est pas parler, ça. C’est faire des phrases. Cette narratrice n’est que le cache-sexe d’un narrateur qui ne sait pas du tout faire parler sa narratrice. Autrement dit, impossible d’entrer dans le texte. C’est comme s’il avait tendu une bâche sur l’eau. Il voudrait que ça marche, qu’on y marche, mais il n’y a moyen ni d’y marcher ni d’y nager. C’est de la fausse eau, ses phrases, et de la fausse terre. Ça luit comme le plastique, mais ce n’est rien de vivant, ça sert juste à couvrir quelque chose qu’on veut couvrir : la vérité.
Quelle vérité ? Le fait que Kamel Daoud a volé la vie de Saâda Arbane pour remplir ses phrases. Tout ce que, de sa vie intime, Saâda Arbane a confié à sa psychiatre, la femme de Kamel Daoud, cette femme, l’a livré à cet homme, et cet homme s’en est servi pour remplir son livre. Puisqu’il faut bien, comme les colonnes de journaux, remplir les pages des livres, quand on prétend être écrivain alors qu’on ne sait ni quoi dire ni écrire. Kamel Daoud est une bâche posée sur la littérature, une bâche qui rabâche, tissée de religion si refoulée et de sexe si mal vécu qu’ils n’arrêtent pas de se défouler à travers ses phrases, et que lui, Daoud, ne sait faire de ses phrases que des bâtons pour battre les femmes, pour battre les gens du peuple, pour les anéantir comme dans ses obsessions de cannibalisme (dans Le peintre dévorant la femme) et dans sa lâcheté plusieurs fois revendiquée (dans Zabor). Daoud n’est pas un auteur qui crée, il est un écriveur qui se défoule. Ce n’est pas seulement qu’il commet des espèces de plagiat en reprenant tel texte ou en s’emparant comme d’une proie de la vie d’une femme, pour la déchiqueter et la faire souffrir – s’il n’avait pas cette volonté de supplicier, pourquoi aurait-il pris expressément des détails très privés de la vie de Saâda Arbane ? A-t-il fantasmé sur cette belle jeune femme à la gorge tranchée comme le narrateur de Zabor fantasme obsessionnellement sur une belle jeune femme « décapitée » ? S’est-il vengé de son refus vigoureux de lui donner son histoire comme, dit-il, Meursault par son crime semble s’être vengé de n’avoir pu posséder une terre qu’il désirait ? A-t-il, selon sa propre expression dans Meursault contre-enquête, commis son livre comme on commet un crime ? Le bonhomme n’est pas le crabe le plus fûté du panier, on lit à livre ouvert dans sa méchante âme dont les pinces n’arrêtent pas de gigoter. Quand il en pince pour quelqu’un, c’est pour lui faire du mal. Du mal à l’âme, et du mal à la chair. Daoud se complaît dans les descriptions des souffrances physiques de Saâda Arbane, la rescapée d’un égorgement. Je survole le texte, je ne veux pas participer à son voyeurisme, il ne m’entraînera pas là-dedans, lui qui doit se complaire à y entraîner lectrices et lecteurs. Il a jeté une bâche sur le nom de Saâda Arbane, il l’a privée de son nom comme Camus a privé l’Arabe de son nom, il l’a appelée Aube, comme, disait-il, Camus aurait pu appeler l’Arabe “Quatorze heures” ou Defoe a appelé son nègre “Vendredi”. « Un moment du jour, à la place d’un jour de semaine (…) pour qu’il rejoue son propre décès (…) Ce qui me fait mal, chaque fois que j’y pense, c’est qu’il l’a tué en l’enjambant, pas en lui tirant dessus (…) et le livre a eu le succès que l’on sait. Et donc, par la suite, tous se sont échinés à prouver qu’il n’y avait pas eu meurtre, mais seulement insolation (…) Du coup, le meurtre est un acte absolument impuni (…) tout le monde s’est mis de la partie pour faire disparaître à la hâte le corps de la victime. » Voilà, c’est lui-même qui le dit. « On a là des aveux », comme il dit dans Meursault, contre-enquête. Et tout se passe comme il le décrit : le meurtre qu’il a commis en commettant son livre est « un acte absolument impuni ». Parce que Daoud a trouvé la recette pour ça : se transformer en Meursault. En colon. Impuni s’il tue un ou une indigène. Daoud entre les lignes accuse même Camus, ou le soupçonne, d’avoir réellement commis un crime dont il a fait un livre qui a fait sa gloire. Alors Daoud a suivi le même chemin. Le chemin de ceux qui ont réussi, comme dit son ami Macron. Il a juste oublié que s’il y a toujours autant de colons en esprit en France, il n’y a plus de colonisés en Algérie. S’il se peut que ses amis islamistes ou lui-même aient commis des crimes impunis dans la décennie noire, l’Algérie est sortie de la décennie noire. Et Saâda Arbane, sa rescapée, même privée de voix, a su donner de la voix, parler, et confier sa parole à une autre femme forte, l’avocate Fatima Benbraham, qui va défendre ses droits. Et le seul fait que Saâda Arbane ait parlé annule déjà la malédiction de l’éternel retour du meurtre impuni. Au lieu de se mettre à l’heure de la vieille France coloniale, Kamel Daoud aurait pu se mettre à celle des peuples qui avancent, à celle de son peuple et de sa nombreuse jeunesse à qui il faut de l’encouragement, et non pas le mépris qu’il ne cesse de lui manifester, par ses écrits, par ses interventions dans les médias, et par cet acte vil commis sur une jeune femme de son pays, incarnation même de la résilience et de la victoire de la vie sur la mort. Kamel Daoud s’est placé lui-même dans le camp de la mort. Qu’il y reste, les vivants ont mieux à faire : vivre.

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Pour une nouvelle gauche forte et ouverte

[Ce texte a été publié aussi dans le journal canadien Le Devoir, ici]

La création du Nouveau Front populaire a constitué un fantastique élan de renouvellement de la gauche. Ce souffle, il ne faut pas le perdre. Dans l’immédiat, l’heure est à empêcher une victoire totale de l’extrême-droite fasciste qui achèverait l’entreprise de destruction de la République entamée par Macron. Désistements, reports de voix, le nécessaire doit être fait. Et il sera moins rude à faire s’il est accompli dans la perspective et la préparation d’un second grand combat : la recomposition d’une gauche exigeante, large et rassembleuse, sans compromissions morales, sans clientélisme, sans oubli de cette large partie du peuple qui, abandonnée de tous, s’est laissée tomber dans la haine et a embrassé le RN comme on creuserait sa tombe.

Toutes les bonnes volontés qui se sont magnifiquement levées après l’annonce de la dissolution sont les graines d’une nouvelle forêt à pousser. Notre pays ne se réduit pas à ses villes et à ses banlieues. C’est tout son territoire qu’il faut faire revivre en y implantant de nouveau une gauche active, une gauche qui aime et défende la France dans toutes ses composantes populaires. Telle est la vocation de la gauche. Travailler avec le peuple, sans le clientéliser ni l’embrigader à la suite d’un chef, mais dans une dynamique réellement démocratique.

Les grands mouvements populaires de ces dernières années, Nuit Debout, les Gilets jaunes, ont montré cette aspiration du peuple de France à se manifester dans sa réalité, tout autre que les représentations qu’en donnent les médias et les politiciens qui s’appuient seulement sur une ou deux de ses composantes. Ces mouvements ont été écrasés et rendus à l’invisibilité où le bloc bourgeois a toujours voulu maintenir le peuple. Écrasés par les violences d’un État de plus en plus méprisant et policier. Et retournés dans l’impuissance parce qu’ils n’étaient pas assez soutenus par une structure politique, par une gauche structurée, possédant les moyens de la combativité.

Ils ont fini invisibilisés, mais les êtres de chair et de sang qui les ont fait advenir et vivre sont toujours là. Force qui ne demande qu’à être ravivée et soutenue par une gauche réelle, animée par l’amour de la vie, l’amour du pays, la recherche du respect d’autrui, le dialogue sans feinte ni calcul machiavélique. Bref, l’exact inverse de ce que le bloc bourgeois impose, malheureusement secondé en cela par une partie de la gauche à la dérive, carburant à la haine, au culte du chef, aux coups bas, aux provocations indignes.

Cette partie de la gauche qui a abandonné les valeurs de la gauche, il faut s’en séparer. Ce qui vaut pour la vie privée vaut dans la vie politique, il n’y a d’autre solution aux relations toxiques que la séparation. Les séparations sont douloureuses, on a toujours quelque chose à y perdre, mais ce quelque chose en définitive vaut d’être perdu, quand la toxicité est devenue irréparable.

Oui, recomposer et reconstruire la gauche, avec tout le peuple de France, la faire vivre et grandir sur le terrain. Y mettre le temps qu’il faudra y mettre, mais sans tarder. Se mettre à l’œuvre tout de suite, ou tout de suite après le 7 juillet. Macron s’est sabordé lui-même, ses pulsions destructrices s’étant retournées contre lui. C’est ce qui attend aussi Mélenchon, dont nous voyons à l’œuvre la même mécanique autoritariste, le même égo boursouflé, les mêmes pulsions destructrices qui ne peuvent mener qu’à une issue fatale : renfermement suivi d’effondrement.

Oui, recomposer et reconstruire une gauche ouverte, ouverte à toutes ses composantes de bonne volonté, ouverte au dialogue, à la synergie, à l’invention. Ouverte aussi à l’Europe et au monde, ouverte à la conversation et au travail avec d’autres gauches de l’Europe et du monde. Une gauche réorientée non pas principalement sur telle ou telle partie du monde mais sur l’ensemble de la planète, l’ensemble de l’humanité et de tout l’ordre du vivant que les dérives mortifères d’un libéralisme débridé menacent. Une gauche en travail, comme une femme en train d’enfanter. Une gauche nourricière aussi, généreuse, partageuse, morale, apporteuse de bien-être matériel et mental. Une gauche joueuse, rêveuse, inventeuse, curieuse. Déterminée, invincible et joyeuse de l’être.

Du principe mortel de la non-altérité dans les esprits fascistes et fascisants

Nous vivons un moment décidément abject. Les médias, surtout d’extrême-droite, ne cessent de parler des juifs, comme dans les pires moments de l’histoire. Une instrumentalisation des juifs, même si elle fait mine de les soutenir, insupportable. Et oui, le pire revient. Une petite fille violée par des petits garçons parce que juive : voici que même des enfants sont infestés par cette infecte maladie qu’est l’antisémitisme. Et comme dans les autres racismes, le fait de considérer l' »autre » comme un objet se couple avec le fait de chosifier aussi les femmes, cet « autre sexe ».

Paraît en ce moment dans Libération une enquête sur une enfant métis (ce n’est pas anodin, pas plus que son statut d’enfant de pauvre, adoptée par trafic), qui fut violée pendant dix ans au moins par de grands bourgeois, patrons de presse, avocat, médecin, écrivain… Et l’on apprend qu’en février dernier une Rom, enceinte de sept mois et mère de famille, a été abattue par un raciste, pour la seule raison qu’elle était Rom. Ces affaires font moins de bruit, mais elles sont pourtant profondément liées : qui les nazis voulaient-ils exterminer ? Les juifs, les tziganes, les racisés – et les homosexuels, avec leur « autre sexualité ». Voilà ce qui hante et menace le pays en ce moment, et que les discours dédiabolisants n’empêchent pas de se manifester.

Les derniers propos aux relents transphobes et xénophobes de Macron à propos de « changer de sexe en mairie » et d’« immigrationnisme » s’inscrivent dans ce grand renfermement de l’esprit à l’altérité. L’autocrate est autocentré. Macron et Mélenchon, autoproclamés remparts contre l’extrême-droite, sont malheureusement des figures autocrates et autocentrées, prêtes à faire perdre le pays tout entier, jusqu’à leur propre camp, si leur échappe la centralité de leur position, qu’ils cultivent jusqu’à l’aveuglement. Au soir de la dissolution, alors que tout le monde était consterné par l’irresponsabilité de cette décision, Mélenchon déclara que Macron avait eu raison de dissoudre l’assemblée. L’avare de Molière déclare vouloir pendre tout le monde, voire mourir lui-même, s’il ne retrouve pas sa cassette. Sa cassette est son trésor, son idole, son seul alter ego. C’est en elle, l’image brillante et supérieure qu’il se fait de son être, qu’il s’enferme, tel Sade vu par Man Ray, embastillé en lui-même.

Cette logique de la non-altérité, qui fonde l’extrême-droite et dans laquelle s’engouffrent nombre de nos compatriotes, cette logique nécessairement sadique et criminelle mais également suicidaire, est le fondement de ces maladies mortelles que sont le sexisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et les autres racismes, le classisme. Elle s’exprime partout sous la forme du sexisme ; sous toutes ses formes à l’extrême-droite ; de façon particulièrement aiguë dans le classisme chez Macron ; et dans la branche mélenchoniste de LFI, sous couvert d’anticolonialisme, par des haines aux relents antisémites et racistes. Ne pas l’admettre et le combattre serait plomber l’élan fantastique du Nouveau front populaire, qui est l’exact contrepoison de tous les replis sur soi qui menacent le vivre-ensemble et tout simplement le mouvement de la vie, qui est ajustement perpétuel, écologie physique et écologie de l’esprit, entre ses formes heureusement diverses et variées.

Le mental au marathon, cette odyssée

On parle beaucoup du mental dans le sport, mais qu’est-ce donc, à vrai dire ? Les Grecs de l’Antiquité, inventeurs de l’athlétisme, devaient en savoir quelque chose. Et j’en ai trouvé une extraordinaire illustration dans l’Odyssée.

« Sur ces mots, Athéna aux yeux brillants s’élance, s’en va à Marathon et dans Athènes aux larges rues ».

Dans ce passage de l’Odyssée, la déesse, sous les traits d’une jeune fille portant de l’eau, vient indiquer le chemin à Ulysse – comme, dans une course, une bénévole
distribue de l’eau aux coureurs et leur indique le chemin. Ulysse rejoint alors la maison du roi Alkinoos, dont le nom signifie « Esprit puissant ».

N’est-ce pas extraordinaire ? C’est le seul moment où la ville de Marathon est évoquée dans l’Odyssée. Athéna va de Marathon à Athènes comme le fera, des siècles plus tard, le tout premier marathonien. Et vous allez voir, cette épopée peut être lue comme une métaphore du rôle du mental dans le marathon.

Au moment de passer entre les piliers qui soutiennent « les hauts plafonds » d’Esprit puissant, d’où « descend la lumière », et de franchir le seuil, Ulysse a le coeur agité, nous dit Homère. Bref, il est stressé comme un coureur au moment de passer entre les piliers de l’arche de départ. Ulysse « aux mille épreuves », comme l’appelle alors Homère, s’engage alors dans cette maison du mental qui va lui permettre de terminer enfin son périple et d’arriver chez lui.

Mais avant d’aller plus loin, rappelons que dans son odyssée, son long voyage de dix ans pour rentrer à la maison après la guerre de Troie, Ulysse est soutenu par Athéna. Athéna est la déesse de la pensée, et aussi de la stratégie guerrière et des arts. Dès le début de l’Odyssée, elle apparaît à Télémaque, le fils d’Ulysse, sous l’apparence du roi Mentès, un vieil ami d’Ulysse. Mentès venu, dit Homère, « aiguiser dans son esprit [l’esprit de Télémaque] courage et hardiesse ».
Un peu plus tard et à plusieurs reprises, elle apparaît sous l’apparence de Mentor, autre vieil ami d’Ulysse, qui, en son absence, s’occupe de sa maison et de l’éducation de son fils. Or ces deux noms, Mentès et Mentor, peuvent être interprété comme « Mental », comme on l’entend très bien puisque le mot grec, qui signifie d’abord « âme, force de vie », est passé en français. Voilà : Athéna, qui accompagne Ulysse dans tout son périple, représente en fait son mental.

Ulysse apparaît dans l’Odyssée au moment de son passage chez Esprit puissant. Le début de ses aventures seront racontées par lui en flash-back. Le passage chez Esprit puissant représente en quelque sorte le moment où le marathonien est réputé devoir mobiliser particulièrement son mental pour pouvoir finir sa course, quelque chose comme le fameux mur du trentième kilomètre. C’est aussi un moment de ravito : avant de continuer, il demande à manger pour reprendre des forces. Esprit puissant lui donne à manger, et comme il s’appelle Esprit puissant, on peut comprendre qu’il ne lui donne pas seulement des nourritures terrestres pour son corps, mais aussi une nourriture spirituelle pour son mental.

Jusque là, Ulysse a résisté au chant des Sirènes et à tous les obstacles qui auraient pu lui faire renoncer à continuer sa route. Il arrive au pays d’Esprit puissant en naufragé, complètement épuisé. Pour cette partie finale du trajet, il a donc besoin de l’aide d’Esprit puissant, dont les navires, nous dit Homère, naviguent par la seule force de l’esprit.

L’Iliade, qui précède l’Odyssée, était le récit de la colère d’Achille, lors de la guerre de Troie à laquelle Ulysse participe. Le très illustre Achille est le meilleur guerrier et le meilleur coureur de tous les Grecs. On l’appelle Achille aux pieds rapides. Mais Ulysse est aussi un excellent athlète, et il va le prouver avant de repartir de chez Esprit puissant. En effet, une compétition d’athlétisme y est organisée la veille de son départ. « Ils commencent par une épreuve de course à pied », nous dit Homère. « Tous ensemble ils s’envolent à toute vitesse, soulevant la poussière. » Vient ensuite l’épreuve de lutte à mains nues, puis celle du saut, celle du lancer du disque, celle du pugilat.
Les athlètes s’adressent alors à Ulysse et l’invitent à la compétition, disant « car il n’est plus grande gloire pour un homme que celle qui se fait avec les pieds et avec les mains ». « Allez, viens, lui disent-ils, et disperse les soucis de ton coeur. » Ulysse proteste d’abord qu’il est épuisé, puis il saisit un disque beaucoup plus lourd que celui avec lequel les autres ont concouru, le fait tourner, le lance ; la pierre vole à toute allure au-dessus des têtes et atterrit beaucoup plus loin que celle des autres concurrents. Athéna, sous l’apparence d’un autre humain, le félicite et lui remonte ainsi le moral. Il reconnaît qu’il est affaibli pour la course, du fait qu’il n’a pas pu se nourrir suffisamment pendant son trajet. Mais il se vante d’être excellent au tir à l’arc – et il le prouvera une fois de retour chez lui, comme on le sait, en étant le seul à pouvoir tirer la corde de son arc puissant, et en éliminant tous les prétendants.

Ainsi donc Ulysse n’est pas le plus rapide à la course, mais il est endurant, et il en viendra à bout, de son interminable course à travers les mers. Grâce à son mental, figuré par le fidèle soutien d’Athéna et les vaisseaux d’Esprit puissant. Après plus de douze mille vers, l’épopée donne les honneurs du dernier vers à Mental, le fidèle ami d’Ulysse, apparition d’Athéna, nous dit Homère, par le corps et la voix.

Quant à ce qu’est réellement le mental, Homère l’illustre par ces mots, lorsque Athéna s’élance de l’Olympe pour aller soutenir Ulysse : « Sur ces mots, elle attache à ses pieds de belles sandales divinement dorées, qui sur les eaux fluides la portent, et comme le ferait le vent, sur les terres immenses ».
En cette année olympique, on notera aussi que la porte d’Esprit puissant porte un anneau d’or. Athéna, esprit rapide comme l’aigle ou la chouette en chasse, qui « s’élance tel un oiseau à perte de vue plongeant », dit Homère, esprit stratège aussi, conceptrice de plans, et protectrice de celles et ceux qui s’illustrent par les pieds ou les mains, est la personnification de ce mental qu’il nous faut rechercher dans le sport, dans la course à pied, au marathon. Homère montre qu’avec sa baguette d’or, Athéna, notre mental, peut changer un moment de misère en moment de beauté, comme elle change Ulysse de mendiant épuisé en bel homme rayonnant, au moment de la reconnaissance finale.

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Nouveau front populaire : face au précipice

Heureusement, je cours. Comment ne pas tomber malade, sinon, à ne rien pouvoir faire que lire la presse, scroller sur X, à la recherche de parole sur ce qui se passe, sur la catastrophe en cours, sur l’espoir en cours aussi ? Comment ne pas désespérer quand ce contre quoi on a alerté de son mieux depuis un quart de siècle finit pourtant par arriver ? La victoire de l’extrême-droite, si elle n’est pas encore acquise à l’assemblée, si elle peut y être encore repoussée, a quand même eu lieu dans les urnes le 9 juin, et dans les esprits, depuis, n’a fait que gagner encore, gagner quasiment toute la droite, dont une grande partie de ce qui reste de la macronie. Macron avait déjà marché dans les pas du RN avec ses lois scélérates ; le 9 juin au soir, en leur ouvrant un boulevard, il a sauté des deux pieds dans leur trace nauséabonde, sans aucune chance que cela puisse lui porter bonheur. Ces sept dernières années cauchemardesques nous auront donc menés, sans surprise mais avec une immense tristesse quand même, là, tout au bord du précipice.

La haine que Macron s’est acquise dans le peuple à force de le mépriser et de piétiner la démocratie a poussé massivement le peuple au suicide politique. Son omniprésence condescendante, verbeuse et pleine de fausseté, on l’a vécue comme un harcèlement. Et les gens harcelés finissent souvent par se suicider. En réponse à sa politique et à sa personnalité insupportables, une partie du peuple s’est livrée à la haine, aux pulsions morbides. En dissolvant brutalement l’assemblée, sans laisser le temps aux forces politiques de se préparer à de nouvelles élections, Macron exécute une vengeance collective sur le peuple de France, parce qu’il a poussé une partie de ce peuple à se venger de ses mépris, de ses violences, en votant contre cette démocratie qui les bafoue. Cercle vicieux.

Heureusement, pendant que je cours, j’évacue un peu l’énorme peine qui nous est tombée dessus. L’énorme peine pour notre pays et pour nos enfants. Et je suppose que tous ceux qui, à gauche, ont eu le réflexe de se réunir et finalement de s’unir, en courant eux aussi d’une certaine façon, en courant au secours de notre démocratie et de nous tous, dans l’urgence, ont trouvé eux aussi le geste salvateur pour ne pas sombrer dans le désespoir ou, comme on l’a vu à droite, dans la folle farce. Qu’ils et elles en soient remerciées encore ! Et que nous sachions accompagner ce mouvement, ce sursaut, avec semblable dignité ! Il en va de la survie de notre société, de notre paix, de notre citoyenneté.

Rien ne va être facile. Quelle que soit l’issue, le 7 juillet prochain, il faudra s’atteler à réparer ce qui aura été détruit, peut-être aussi ce qui continuera à être détruit. Combattre inlassablement, par la vie, les forces de destruction. Je ne sais plus qui, parmi tous ceux que j’ai pu lire ou entendre ici ou là, a dit qu’il fallait penser à ce que nous pourrions dire à nos enfants ou à nos petits-enfants, plus tard. Comment nous avons réagi, personnellement. Oui. On dit souvent « l’histoire jugera ». Mais qu’est-ce que l’histoire, sinon ce qui passe de nous à travers notre descendance ? Chez Homère, comme le dit Athéna à ses personnages « au cœur magnanime » : agis bien, noblement, et loin dans le futur, ta descendance sera fière de toi.

texte écrit le 14 juin 2024 et proposé à Libération, qui n’a pas donné suite

« Body positive »

À la salle de sport, je vois toutes sortes de corps. Quelques jeunes hommes et femmes athlétiques, mais surtout des corps « ordinaires », c’est-à-dire variés, de différentes corpulences et différents âges. Je trouve très bien que personne n’ait honte de son corps, cela me rappelle ma lointaine jeunesse sur les plages nudistes, dans le Sud-Ouest où notamment beaucoup d’Allemands et autres Nordiques de tous âges et toutes formes passaient tranquillement de bonnes heures nus sur le sable et dans l’eau. Aujourd’hui cela rejoint le mouvement du « body positive », qui vient contrebalancer les diktats de la mode, par exemple en faisant défiler aussi des mannequins obèses, handicapés, âgés, etc., bref, représentatifs de la diversité humaine.

Ce qui est mieux à la salle de sport, ou partout où l’on fait de l’exercice, c’est que toutes ces personnes, dont je suis, ne se contentent pas d’accepter d’avoir des corps différents des canons de beauté en vogue, mais veulent aussi, comme les jeunes athlètes, entretenir et développer leur forme et leur beauté particulière. Et cela pas seulement à coup de fringues et autres maquillages, mais dans leur « corps et âme », dans leur corps vivant, en l’exerçant, en le faisant réellement vivre.

Je songe à cela après avoir vu dans Le Parisien un article, que je ne peux lire car réservé aux abonnés, sur une mannequin de 61 ans qui pose notamment pour une marque de lingerie. Elle a un beau visage, mais son corps est nettement marqué par le temps. C’est très bien qu’elle, comme d’autres, expose la différence et la vérité de son corps. Mais je trouve qu’il serait bon que dans ce mouvement de body positive, on montre aussi des corps exercés, joliment sculptés malgré les handicaps ou l’âge. J’ai 66 ans, je n’ai jamais laissé mon corps s’écrouler, pas plus que mon esprit, mais j’ai dû tout de même réagir à la pente naturelle qui l’amollissait en me mettant plus sérieusement au sport. Je ne prétends pas que tout le monde doive en faire autant, je dis seulement que celles et ceux qui choisissent cette voie doivent aussi être représentés, afin d’encourager éventuellement d’autres personnes à s’engager dans ce chemin de réparation et de bien-être profond.

Il ne s’agit pas que de l’esthétique du corps, encore qu’il soit agréable de se voir des formes harmonieuses, il s’agit surtout de la façon dont on se sent dans un corps tonique, fort, souple, agile, et de garder au mieux, en avançant en âge, toutes ces qualités naturelles de la jeunesse. Cela dans une époque où les corps sont très dégradés, et de plus en plus tôt, par la sédentarité et la malbouffe. Il s’agit de ne pas se laisser aller au déclin physique, ni au déclin cognitif, mais de rendre hommage à la fantastique machine corps-cerveau qui nous a été donnée, tout au long de notre vie.

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Guerre en Ukraine : les illusions perdues des têtes mal faites

Honte sur Poutine. Que les peuples réfléchissent aux conséquences de mettre au pouvoir des revanchards, et aussi à celles de laisser s’envenimer chez eux des situations sans agir pour les régler pacifiquement. L’Ukraine n’est pas le premier ni le seul pays du monde dont les populations sont divisées, voire se déchirent pour une raison ou une autre, au risque de finir par constituer une menace mortelle générale, en l’absence de réel travail pour une pacification ; et la Russie n’est pas le premier ni le seul pays du monde aux visées impérialistes, se permettant de manipuler voire d’écraser d’autres peuples au nom d’une vision mégalomaniaque, paranoïaque et vénale de l’histoire.

Honte sur ceux qui défendent l’Ukraine non pour les Ukrainiens mais par calcul, par la même volonté de prolonger l’hégémonie occidentale qui les a fait entrer en Irak ou en Libye notamment, et honte sur ceux qui baissent les yeux devant Poutine qui ne règne que par l’abus. Honte aussi sur les va-t-en guerre qui, au risque d’enflammer le monde entier, voudraient envoyer les jeunes au casse-pipe pour servir leurs calculs, dans la vieille logique des planqués derrière la chair à canon.

Les illusions perdues de Zelensky sur ce qu’il appelle « le monde civilisé » ne sont que le reflet de son aveuglement et d’une paresse intellectuelle qui lui a fait chercher l’appui de puissants plutôt qu’un règlement de la situation dans son pays. Que l’Europe réfléchisse aussi à sa propre situation. Accepter la protection d’un puissant, c’est aussi risquer de se faire instrumentaliser. La seule guerre qui vaille, pour les peuples comme pour les individus, c’est de lutter pour la liberté, tant par la recherche d’harmonisation avec les peuples extérieurs que par celle de l’harmonisation des peuples intérieurs. Seuls les esprits honnêtes et courageux peuvent mener à bien cette guerre, spirituelle.

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