De mes rêves, de Matzneff et du sadisme, de la traduction…

Ces dernières nuits, j’ai fait deux très bons rêves de réunion de mon être, qui a été brisé – c’est pourquoi mon écriture l’a été aussi, mais en traduisant Homère je suis en train de la réunir – la preuve notamment par ce texte écrit l’autre jour, Rapport d’une guerrière, et aussi du fait que j’ai commencé à retourner à mon roman. Quand je pense que l’avocat de Gallimard a osé dire au tribunal, devant moi, entre autres mensonges, que mon livre Forêt profonde était mauvais, alors que je les attaquais pour plagiat, plus exactement pillage. Quelle défense minable et saloparde.

Je fais de très bons rêves, mais j’ai fait aussi, ces derniers jours, un cauchemar. Un chien, un de ces molosses dégénérés faits pour tuer, me poursuivait, visiblement « amoureux » de moi. Chaque fois que, épuisée, je m’arrêtais pour souffler, il s’accrochait à moi, et je sentais sa gueule baveuse (rien d’autre de son corps, heureusement). C’était extrêmement immonde, mais il y avait quelques gens qui voyaient ça, et même s’ils ne faisaient rien pour l’empêcher, je me disais qu’au moins cela me protégeait un peu de la mort. Finalement j’ai réussi à appeler un vétérinaire pour qu’il le pique. Il est arrivé et l’a fait, en lui injectant le produit directement dans la gueule. Un instant j’ai été étonnée que le chien se laisse ainsi faire, mais l’instant d’après j’ai pensé qu’en effet il était habitué à la soumission, c’était une bête dressée, et bête. J’ai éprouvé un immense soulagement. C’était donc un très bon rêve aussi, en fait.

Avec la sortie d’un livre de Francesca Gee, victime de Matzneff comme Vanessa Springora, on revoit des photos de ce dernier dans ces années-là. Le gars a des allures et des poses de fille, dirait-on en langage ancien. Faux langage, car les filles n’ont ni ces allures ni ces poses. En fait il ne s’agit pas de féminité ni de masculinité, mais de préciosité. Je suis sûre que Sade avait aussi de ces allures. Des gens qui ont de ces allures, le milieu littéraire en regorge. Elles s’expriment plus ou moins physiquement, mais dans la tête, la façon de parler et de penser, elles sont omniprésentes, chez les hommes et chez les femmes. C’est pourquoi je souffrais quand je me retrouvais au milieu de ces gens, c’est pourquoi je les fuyais. Cette préciosité est le signe d’un détraquement de la vie en eux, d’un détraquement de la sexualité, d’un détraquement de la pensée. Matzneff est pédophile, mais pédophile n’est pas un diagnostic suffisant. Cette pédophilie vient de ce détraquement d’esprits et de corps incapables de vivre des vies d’hommes et de femmes, des vies d’humains vivants, de les vivre pleinement. La pédophilie n’est qu’une des dérives possibles de ce détraquement, qui crée avant tout du sadisme. Matzneff est sadique avant d’être pédophile, sa pédophilie n’est qu’une des expressions possibles du sadisme. Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue.

Il m’est arrivé par le passé de rire en lisant Sade, comme en lisant Kafka. Rire, contre les systèmes morbides qu’ils décrivent. Le rire est salvateur parce qu’il arrache au mal, il en détache au moins une partie de l’être, mais il est plus facile de rire à la lecture ou à la vision du mal que de rire à l’épreuve du mal. C’est là qu’il faut sérieusement apprendre à rire, les juifs en savent quelque chose.

J’ai lu quelques vers de ma traduction de l’Iliade à O. Il a dit « c’est très beau, vraiment très beau ; on dirait du Reyes, mâtiné d’Homère ». J’ai ri. En fait il ne lit pas le grec donc il ne peut pas vraiment comparer, mais bien sûr il a raison, toute traduction est l’œuvre de l’auteur·e de la traduction, et le miroir n’y est pour rien si c’est notre visage qui s’y reflète. C’est donc à l’auteur·e de passer à travers, et de là, de s’unir à l’auteur·e du texte d’origine. Un texte traduit ne sera jamais le texte d’origine, mais du moins il peut témoigner d’une union plus ou moins heureuse avec lui. Traduire Homère m’apprend aussi à me réunir.

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D’une histoire de sous-marins à une histoire d’art

L’Australie s’est donc engagée sur la voie d’être une colonie américaine. Si la Chine et les États-Unis se cherchent noise, ils pourront se battre via l’Australie – les EU préfèrent toujours faire la guerre ailleurs que chez eux. Ils ont tout gagné, les Australiens ! S’ils veulent perdre toute autonomie c’est leur droit, l’ennui c’est que ce forçage américain, pour ne pas dire cet acte de guerre à l’encontre de ses alliés-mêmes, qui non seulement chipe un contrat en douce, mais surtout installe ses grosses fesses yankees à la place d’une entente diplomatique française nuancée en cours depuis des années, est une menace pour l’équilibre du monde entier.

Biden ferait mieux de réfléchir à cesser de donner au monde le sentiment que les États-Unis sont prêts à tout pour éliminer toute sorte de concurrence. Ce genre de comportement finit mal. Mais voilà une occasion de se détacher un peu mieux des États-Unis, trop enclins à vouloir non des alliés mais des soumis, et de renforcer les liens intra-européens et les liens avec d’autres puissances, comme l’Inde (tous au yoga !) et aussi de chercher de meilleures relations avec des proches comme la Russie ou la Turquie, entre autres. Qu’enfin un jour on sorte de cette logique d’une puissance mondiale prédominante qui fait tout pour ne pas perdre sa place, que ce soit aujourd’hui les États-Unis, demain la Chine ou autre, pour développer des ententes mondiales générales et souples.

Je constate que L’Obs, Libé et Charlie Hebdo en ont fait le moins possible sur cette affaire. Les malheureux doivent avoir mal aux genoux, à force d’embrasser ceux des États-Unis. Ce sont les mêmes qui s’obsèdent du péril islamiste, en effet réel et immonde, comme s’ils en avaient absolument besoin pour servir à occulter d’autres périls encore plus graves, parce qu’autrement plus puissants. Que l’Afghanistan soit tombé entre les mains des islamistes semble être une aubaine pour eux, qui ne parlent jamais du Qatar, financeur d’islamistes et islamiste lui-même, en plus d’être esclavagiste – comme on l’a vu lors de la construction des équipements pour la coupe du monde de football – mais, contrairement à l’Afghanistan, riche, et nous achetant les plus beaux immeubles de Paris et son club de foot, entre autres. Voilà qui suffit à montrer clairement, avec la soumission aux États-Unis d’une pensée dominante représentée par ces journaux, que le parti de ces communicants, loin d’être celui de la liberté ou de la fraternité, est tout simplement celui de l’argent.

Agamemnon, dans l’Iliade, est le roi le plus antipathique qui soit, même si de temps en temps Homère lui accorde un regard bienveillant. Faisant mine d’être un grand guerrier mais toujours à l’abri pendant la bataille, se croyant inspiré par Zeus mais se trompant gravement dans ses analyses des situations, faisant mine de partager les gains mais gardant la majeure part pour lui, faisant mine d’être le protecteur de son armée mais l’emmenant à la boucherie, etc. La figure typique de l’homme qui fait mine d’être ce qu’il n’est pas et de vouloir autre chose que ce qu’il veut, exactement comme pas mal de princes d’aujourd’hui, dans toutes sortes de domaines. C’est l’appât du gain qui attire ceux qui le suivent. L’appât du gain, qu’il s’agisse de gain financier ou de gain symbolique, détruit la liberté des citoyens comme celle des créateurs, et leur génie ou leur talent propre. J’ai vu hier soir une pièce de théâtre merveilleuse, dont j’avais vu la première version avant la pandémie, première version déjà merveilleuse. Tout ce qui est du génie propre de ses créateurs y reste génial, tout discours rapporté la déparerait et l’affaiblirait. J’ai vu aussi, dans une émission de Taddéi, un écrivain transformé en faussaire. Naufrage. Il n’y a pas de bon gain à n’être pas gratuit.

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L’Australie et le « contrat du siècle »

« Canberra n’est ici qu’un petit pion dans la stratégie américaine vis-à-vis de la France et surtout de l’Union européenne. »

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Pourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible

Romain Fathi, Flinders University

Si la création de la nouvelle alliance AUKUS – Australie, Grande-Bretagne, États-Unis – représente un « coup dans le dos » porté à la France, une « trahison » impensable « entre alliés », l’annulation unilatérale par l’Australie du contrat d’achat de sous-marins français constitue, quant à elle, un camouflet pour la diplomatie française.

Mais cette annulation était-elle si inattendue ? La réponse est non, et ce pour plusieurs raisons historiques, culturelles et diplomatiques.

Les enjeux du contrat pour la France

Rappelons d’emblée les enjeux de ce fameux « contrat du siècle », dont l’accord de principe a été entériné entre Paris et Canberra en avril 2016, avant une signature officielle en décembre de la même année. Fer de lance de cette politique stratégique, la France devait doter l’Australie de sous-marins Barracuda à propulsion diesel-électrique pour un montant de 34 milliards d’euros, engageant Naval Group sur une durée de 25 ans.

Il s’agissait pour la France de développer un partenariat clef avec la nation la plus importante du Pacifique Sud, partenariat qui aurait dû sceller une entente étroite et durable sur un demi-siècle, renforçant ainsi le maillage diplomatique, stratégique et militaire français dans un espace au cœur de toutes les convoitises.

Ce plan, à la fois judicieux – car il proposait une troisième voie diplomatique pour la région, libérée de l’étau sino-américain – et ambitieux – car il entendait donner une force de projection inédite à la France (et dans son sillage à l’Europe) dans la zone Indopacifique – comprenait cependant deux faiblesses qui auront eu raison de lui et des ambitions françaises.

Les États-Unis dans le Pacifique

Premièrement, il convient de rappeler que si l’Océanie demeure à ce jour le plus petit continent en termes économiques et démographiques, les États-Unis le contrôlent et le surveillent depuis 1945. Ils disposent d’un réseau de bases militaires dans toute la région, y ont des territoires en propre, des associations politiques anciennes et un État de leur fédération.

Profitant d’un tout relatif recul de leur présence dans le Pacifique sous l’administration Obama (dont Joe Biden était le vice-président), la Chine a considérablement durci sa politique expansionniste dans la zone, ce qui a à son tour suscité, ces trois dernières années, un revirement américain.

Et c’est ici que la carte australienne entre dans la partie. Les Américains souhaitent l’annulation du contrat passé par Canberra avec la France et son remplacement par un contrat passé avec Washington – ce qui leur permettra d’assurer leur mainmise sur une flotte de sous-marins qu’ils auront construits eux-mêmes. Les États-Unis retournent ainsi à la doctrine du « avec nous ou contre nous » initiée en 2001 : ils ne peuvent plus, dès lors, tolérer de troisième voie dans le Pacifique. Cette inflexibilité américaine ne peut que conduire à une escalade des tensions entre Washington et Pékin ; en outre, elle se traduit par un comportement inamical des États-Unis à l’égard de leurs alliés, à commencer par la France.

L’Australie britannique à la recherche d’un grand frère

Deuxièmement, le Quai d’Orsay et l’Élysée ont été victimes de leur propre méconnaissance de l’univers mental des Australiens en croyant pouvoir inverser à leur profit plus de deux cents ans d’histoire diplomatique australienne.

Rappelons ici que l’Australie contemporaine est issue d’une colonie de déportation pénitentiaire établie par les Britanniques en 1788. D’autres colonies sont progressivement établies, puis celles-ci s’unissent en 1901, toujours au sein de l’Empire britannique, donnant à l’Australie la structure fédérale qu’on lui connait aujourd’hui. Les premières lois votées par le jeune Parlement interdisent alors l’entrée sur le sol australien aux personnes déclarées non blanches, en réalité les personnes non anglo-saxonnes.

Au cours de la Première Guerre mondiale, les troupes australiennes se battent au sein de l’armée britannique qui les contrôle de bout en bout. L’Australie étant un loyal sujet de Sa Majesté, Elizabeth II demeure à ce jour son chef d’État. De 1788 à 1941, la sécurité de l’Australie est entièrement assurée par la Royal Navy et quelques petites frégates australiennes.

Coup de tonnerre en 1941 : les Britanniques abandonnent le verrou militaire constitué par Singapour et de facto tout engagement à l’Est de cette zone, prenant de court les Australiens qui, horrifiés, se retrouvent sans défense face au risque de voir les Japonais déferler sur le Pacifique. Persuadée (à tort, de toute évidence) de l’imminence d’une invasion japonaise, l’Australie met en place une ligne d’abandon de son territoire septentrional et de repli de sa population tout en appelant officiellement l’Amérique à son secours via les ondes radiophoniques.

Or après l’humiliation de Pearl Harbor, les États-Unis recherchent des bases dans le Pacifique. Résultat : entre 1942 et 1945, une personne sur dix se trouvant sur le sol australien est un GI américain. Originellement britannique, l’Australie s’américanise alors pour le plus grand plaisir des Australiens, qui transforment leurs habitudes culturelles, de consommation et surtout leur politique diplomatique. Quatre-vingts ans plus tard, le tournant de 1941-1942 structure encore profondément les choix géostratégiques australiens.




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Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Australiens font tout pour continuer à bénéficier de la protection des États-Unis. Le pays ne compte en effet que 8 millions d’habitants et Canberra décide en conséquence d’engager une politique emblématique surnommée le « peuplement ou la mort » en ouvrant ses frontières aux non-Anglo-Saxons à partir de 1945 et aux « non-Blancs » dans les années 1970.

Membre fondateur en 1951 de l’ANZUS (une alliance avec les États-Unis et le voisin néo-zélandais), l’Australie devient la clef de voûte du système de défense anti-missiles et d’écoute américain dans le Pacifique pendant la Guerre froide, ce qui fait d’elle une cible privilégiée pour Moscou en cas de guerre nucléaire. Et elle accueille toujours sur son sol des bases américaines majeures et opérationnelles qui la désignent depuis longtemps aux yeux de Pékin comme un satellite de Washington.

La doctrine diplomatique des « great and powerful friends »

L’annulation du contrat géant avec Naval Group, si elle est brutale, n’est donc pas totalement inattendue, d’autant plus que les Australiens avaient selon eux manifesté leur mécontentement auprès de Paris à plusieurs reprises. La perception en France d’un revirement de stratégie est en réalité une démarche cohérente pour l’Australie, en droite ligne avec 200 ans de tradition diplomatique australienne soutenue par la population locale.

Soyons clairs : l’alliance proposée par la France, si elle était louable, n’en demeurait pas moins insolite et inhabituelle. Ce moment n’aura été qu’une parenthèse. Les fortes tensions avec la Chine de ces trois dernières années ont fait revenir durablement l’Australie dans le giron américain.

Il faut ici souligner que la diplomatie australienne repose tout entière sur la doctrine des « grands et puissants amis ». Jusqu’en 1942 lors de la ratification du Statut de Westminster par le Parlement australien, les décisions diplomatiques du pays étaient prises à Londres puisque l’Australie était un dominion. Depuis 1945, ces mêmes décisions sont toujours prises en accord avec Washington. L’Australie a suivi les Américains en Corée, au Vietnam, en Irak – 1990 puis 2003 – et en Afghanistan. En dépit de contingents très modestes mais logiques au regard d’une faible population, le soutien australien permet aux États-Unis de déguiser leurs actions en coalition internationale.

Entre sécurité et souveraineté, le choix est fait pour l’Australie

Dans ces conditions, comment Paris a-t-il pu penser pouvoir bouleverser cette fidélité, et retourner cette mentalité coloniale si puissamment ancrée en Australie ?

Le projet militaire et diplomatique de la France avec l’Australie était une magnifique ambition mais reflète aussi malheureusement une méconnaissance de ce que les Australiens conçoivent comme les principaux enjeux de la région de l’Indopacifique. La France souhaite maintenir la paix dans la région, l’Australie pense à tort ou à raison qu’une guerre est hautement probable entre la Chine et Taïwan – et donc entre la Chine et les Américains, auxquels les Australiens apporteraient leur soutien.

Pour la France, la souveraineté est l’alpha et l’oméga de toute action internationale, dans une tradition gaulliste partagée par l’ensemble de l’échiquier politique français. Cette notion de souveraineté est un cadre d’action qui s’impose pour de nombreux officiels français. Or, l’Australie n’a jamais été véritablement souveraine au sens où nous concevons et comprenons cette notion. Elle ne le souhaite pas non plus car ce qui compte pour les Australiens n’est pas tant la souveraineté que la sécurité, imaginaire ou réelle. À cet égard, la France n’a ni l’envergure ni les capacités militaires des États-Unis pour « amarrer » l’Australie à sa politique indopacifique.

La spoliation des terres aborigènes et la situation géographique même de l’Australie incitent ses citoyens à se penser assiégés depuis 1788. Dès cette époque, on y crie que les Français veulent envahir le continent, puis on s’y alarme des velléités russes, japonaises, et enfin chinoises. L’imaginaire de l’invasion demeure prégnant.

Ce complexe de Massada affaiblit considérablement la possibilité de devenir une nation autonome non alignée, l’Australie recherchant avant tout la protection, quitte à enrager des alliés qu’elle transforme en adversaires. L’histoire dira si l’Australie a fait le bon choix. Les Australiens sont en tout cas convaincus qu’il n’y en a pas d’autre possible. En attendant, Canberra s’isole de toute évidence dans le Pacifique en ayant franchi un point de non-retour par le renforcement de la trans-opérationnabilité de ses armements avec ceux de l’armée américaine.

Après avoir été brièvement tentés par le multipolarisme, les États-Unis font machine arrière et dépoussièrent le vieux bloc anglo-saxon qui par le passé a su nuire à l’Europe continentale et notamment à son développement politique. Il ne faut donc pas se tromper de cible : Canberra n’est ici qu’un petit pion dans la stratégie américaine vis-à-vis de la France et surtout de l’Union européenne.

Par le passé, l’Australie n’a fait que passer d’une influence à une autre. Canberra n’a jamais fait cavalier seul, consciente qu’elle ne faisait pas le poids sur la scène internationale. Cependant, et c’est cela qui paraît aberrant et incompréhensible aux yeux de Paris, elle ne souhaite pas non plus s’en donner les moyens en développant ses propres systèmes de défense autonomes. Paradoxalement, et au-delà des discours nationalistes, Canberra semble incapable de se penser « australienne », c’est-à-dire en possession d’un destin propre et indépendant au XXIe siècle.

Au contraire, l’Australie se voit encore et toujours comme une île à la recherche d’un protecteur et à ses yeux, la France ne peut tenir ce rôle entre la Chine et les États-Unis. C’est donc à la fois un manque de confiance en soi, un manque de moyens et surtout un manque d’investissements et de développement d’industries stratégiques propres qui condamne aujourd’hui l’Australie à un rôle de nation-enfant.The Conversation

Romain Fathi, Senior Lecturer, History, Flinders University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Remèdes pour la liberté

Pour son bureau à l’Élysée, Emmanuel Macron a choisi la Marianne d’un artiste (ou à peu près) américain qui signe Obey. Tout un symbole à méditer, à l’heure du coup bas des sous-marins et de l’alliance Aukus. Quand nous cesserons d’accepter d’enlaidir notre capitale des tulipes d’un autre de ces artistes (ou à peu près) américains, cadeau financé par ceux à qui il s’impose, et autres démonstrations de soumission de notre pays aux États-Unis, nous aurons le droit de critiquer le peu de soutien de l’Europe. En attendant, ce peu est mieux que rien. Puisse-t-il participer à réveiller les Européens.

J’ai enregistré une vidéo de mon texte Rapport d’une guerrière. Et j’ai d’autres idées à réaliser en ligne. Je ne suis pas du genre à obéir, moi, au système dominant, même si comme les États-Unis par rapport à la France, il a de plus gros bras que moi. Nous avons un cerveau, et ses possibilités ne se mesurent pas en termes de taille. Mieux vaut être petit et libre qu’enflé et prisonnier.

En me tendant mon traitement anticancer, le pharmacien m’a dit « vous ne prendrez pas cette cochonnerie toute votre vie, vous en serez bientôt libérée ». Cette cochonnerie nécessaire me fatigue beaucoup certains jours, mais j’aime à penser que lorsque je n’aurai plus à la prendre, dans deux ans, je rajeunirai, en retrouvant mon fonctionnement hormonal naturel, et alors sans doute, je courrai mieux, et je travaillerai mieux. Certains remèdes sont difficiles à prendre, mais la sortie du problème qu’ils promettent en vaut la peine.

J’ai feuilleté très rapidement le dernier livre de Mona Chollet en librairie, et je suis tombée juste sur un passage où elle dit que c’était son compagnon qui payait seul leur loyer. C’est tellement consternant. Et cohérent avec sa vulgarisation de l’image de la sorcière comme emblème de la féminité. Qu’une femme, ou des femmes, prétendent donner des leçons de libération des femmes alors qu’elles sont elles-mêmes si peu émancipées, c’est le même phénomène que celui des religieux célibataires qui donnent des leçons de couple : mensonge et hypocrisie. C’est la clé numéro 1 : les femmes qui continuent à penser plus ou moins confusément que c’est à l’homme principalement de payer ne seront jamais libérées. Pas plus que ne seront libérées la France ou l’Europe si elles continuent à penser plus ou moins confusément que c’est aux États-Unis de régenter le monde.

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Cherbourg en 27 images

Avec une pensée pour tous ceux et celles qui auront perdu leur travail après le mauvais coup de la rupture de contrat pour les sous-marins que Cherbourg devait construire pour l’Australie. Américains et Anglo-saxons ont toujours fait passer affaires et autres intérêts avant toute chose, et leur manœuvre est là bien risquée pour l’équilibre planétaire. La veille de l’annonce de cette rupture de contrat, j’ai posté des photos du sous-marin Le Redoutable sur Instagram, on peut aller les y voir.

À Cherbourg les gens sont très gentils, on mange très bien (poissons, fruits de mer), le Cité de la mer est fantastique et à visiter absolument, il y a aussi un très intéressant musée de peinture, et des plages à proximité, à pied ou à vélo.
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Un peu trop sans doute de boutiques abandonnées en ville




Partout des ports, dans cette immense rade


Retour d’un bon dîner au restaurant en amoureux :-)



Les aquariums de la Cité de la mer sont fantastiques. Très émouvant aussi, sa grande salle des bagages, dans l’ancienne gare maritime, consacrée aux migrants européens des siècles derniers pour l’Amérique









autoportrait du matin humide, en accord avec la ville aux parapluies – mesdames, messieurs, faites du sport, et vous garderez longtemps un corps en bonne(s) forme(s)
devant le musée de peinture
une ville où il fait beau aussi, malgré le « climat océanique franc », c’est-à-dire très changeant

à Cherbourg-en-Cotentin, 14, 15 et 16 septembre 2021, photos Alina Reyes

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Mona Chollet, Emmanuel Carrère et les « pervers narcissiques »

J’ai vu dans un magazine que Mona Chollet voulait appeler les pervers narcissiques de « parfaits enfants du patriarcat », ou quelque chose comme ça. En voilà une façon de les dédouaner, encore plus que l’appellation pervers narcissique. Elle qui accuse les hommes d’être toujours prêts à se dédouaner de leurs abus les y aide bien. Pas à une contradiction près, elle qui critique aussi le fait que les femmes aient trop tendance à se sentir fautives, quelques lignes d’interview plus loin s’accuse et s’en veut de se sentir parfois en concurrence avec des femmes. L’esprit de concurrence est certes à éviter mais enfin il arrive que des situations de concurrence se produisent, et pourquoi une femme ne pourrait-elle être parfois en concurrence avec des femmes ou avec des hommes, comme tout le monde ? Mona, y a encore du boulot, pour toi et pour tes lectrices. Beaucoup de boulot. Comme qui dirait qu’on n’a pas avancé depuis la Beauvoir et sa détestation des femmes et de la maternité. Certains féminismes tournent désespérément en rond, sans arriver à sortir du morne cercle des problèmes de leur « deuxième » sexe, ce cercle où des femmes, et des hommes, identifient les femmes aux regards et aux injonctions du patriarcat, ce qui se manifeste notamment dans des définitions d’elles-mêmes par la négative (« ni putes ni soumises », double négatif qui ne fait en rien un positif) ou l’image négative (sorcières, franc succès – sans doute identifier les femmes à des victimes considérées comme saintes ou quasi, sans souci de vérité historique, flatte-t-il mieux l’éternelle condition féminine que faire de femmes fortes, savantes, douées et puissantes, dont l’Histoire ne manque certes pas, des emblèmes de la féminité et des modèles pour la féminité). Mona Chollet récupère (habilement sans doute pour le grand public) nombre de thèses plus ou moins anciennes ou récentes, sans rien inventer. Or la première preuve de liberté serait d’inventer, non pas pour faire du neuf à tout prix, mais pour être soi et non une représentation sociale. Les livres de Mona Chollet sont trop ennuyeux à mon goût, je ne peux la lire, j’ai préféré la lecture – quoique faite rapidement – d’Alice Coffin, qui elle au moins a du nerf.

Pour en revenir aux « pervers narcissiques », je les appellerais plutôt, moi, des criminels. Les manipulateurs sont des criminels. Et quiconque manipule ou se laisse délibérément manipuler participe au crime. Je prépare quelque chose sur la question – à suivre. Dans le même magazine, L’Obs, feuilleté hier à la bibliothèque, j’ai lu la chronique d’Emmanuel Carrère sur les noms des djihadistes du 13 novembre. Il note que le nom « alias » de Salah Abdeslam, le nom qu’il s’est choisi, est Abou Abderrahman. Je signale, à lui et à qui ne connaît rien à l’arabe, que ce nom signifie Père Serviteur-miséricordieux – belle manipulation, beau nom de pervers narcissique pour un criminel. (Voir cela eût été un bon début pour cette chronique hebdomadaire du procès, Emmanuel. Un début qui aurait signifié quelque chose. Raté. Peut mieux faire une prochaine fois ? Il faudrait peut-être commencer par nettoyer ton miroir)

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Pacotilles et trésors

Je me disais, on ne peut pas reprocher aux journalistes d’avoir des goûts et des idées de journalistes. Ce ne sont ni de grands penseurs, ni grands artistes, ni de grands scientifiques, etc. À chacun son métier, et les vaches seront bien gardées. Le problème est que les journalistes ne font pas assez souvent leur métier, qui est d’informer aussi honnêtement que possible, et font trop souvent métier d’influenceurs. Que la presse écrite fait le même job d’occupation des cerveaux que la télé, et pire, que le plus souvent elle le fait en se croyant intelligente. Ainsi les journalistes propagent-ils dans le grand public leurs goûts et leurs idées médiocres et approximatifs, n’ayant ni la stature ni la formation pour endosser le rôle de guides, y compris ceux qu’on nomme critiques. Et puis à force de propager la médiocrité, non seulement ils rabaissent le grand public, mais ils rabaissent aussi ceux qui font profession de penser ou de créer, et qui se mettent eux aussi à œuvrer dans la médiocrité, encouragés, dans un cercle vicieux, par le succès qu’ils rencontrent ainsi auprès de la presse, et partant, du grand public. Et voici que tout ce monde, producteurs de médiocrité, transmetteurs de médiocrité, receveurs adeptes de médiocrité, se prend pour une élite, et que la médiocrité passe pour l’excellence dans une grande partie de la population.

Voilà ce que je me disais. Ce n’était pas faux, mais en marchant dans les rues cet après-midi, je me suis dit qu’au fond ils n’étaient peut-être pas des influenceurs, mais seulement des gens à l’image les uns des autres. Oui, c’est ce que j’ai pensé en sortant de la bibliothèque, où je venais de lire quelques pages culture d’un « grand » magazine. Les gens dont le magazine parle, ou qui y écrivent, ou qui y sont interviewés, ces gens dont la prose et la pensée me tombent des mains, rencontrent un très grand succès ; et en fait je ne peux pas en rejeter toute la responsabilité sur les journalistes. C’est que beaucoup de gens aiment ça, en fait, ce niveau si moyen, trop moyen. Tous ces gens sont là en miroir les uns des autres et après tout c’est leur droit. Rien de nouveau sous le soleil, les exceptions… sont exceptionnelles, et maltraitées ou occultées (en fait, ce n’est pas ni ne fut le cas dans toutes les civilisations, dans toutes les époques, dans tous les groupes humains, ou pas de la même façon qu’aujourd’hui, mais c’est une autre histoire). En tout cas j’aime mieux les gens qui ont une autre culture, quelle qu’elle soit, que celle que véhicule la presse, ils sont beaucoup plus intéressants.

Je suis donc allée à la bibliothèque, non pour lire les magazines, mais pour prendre le tome des chants IX à XVI de l’Iliade en bilingue, l’édition des Belles Lettres en Livre de poche. Car dans quelques jours j’aurai terminé le chant VIII, et je ne veux surtout pas manquer de la suite. J’ai le texte grec en ligne (en deux versions, avec de très rares et minimes variations), mais je tiens à l’avoir aussi en papier. Je suis revenue avec le livre dans mon sac à dos, radieuse comme si je portais un trésor. Et c’était bien le cas. La médiocratie, telle un avion détourné dans une tour, a fait main basse aussi sur Homère ces derniers temps (voir ici ou ) mais – ce sera le dernier proverbe de cette note – les chiens aboient, la caravane passe. À travers temps, chargée de trésors.

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