Macron le minus

N'ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j'en ai fait un moi-même

N’ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j’en ai fait un moi-même

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Ma première chronique de l’année laissera la parole à Victor Hugo, dont le pamphlet sur Napoléon III, après la révolution de 1848 et le coup d’État de 1851 – pamphlet qui lui valut, non une légion d’honneur mais l’exil à Jersey – résonne de façon particulièrement adaptée à la situation d’aujourd’hui.

Je recopie la note que j’avais postée sur mon blog de secours le 16 mai 2017 (alors qu’ici était momentanément inaccessible), au lendemain de l’élection de Macron. Mon intuition n’a fait que se confirmer. La voici donc :

Monsieur Macron a déclaré vouloir être un président jupitérien. Il s’est fait passer le pouvoir avec une propagande et une emphase napoléoniennes. Mais s’il rappelle un Napoléon, pour l’instant, c’est celui que Victor Hugo dans un pamphlet célèbre appela « le petit » : Louis-Napoléon Bonaparte, jusque là plus jeune président d’une république française, élu à ce poste en 1848 à l’âge de quarante ans – avant de s’imposer au pouvoir par le coup d’État du 2 décembre 1851. Dans une semblable démangeaison d’autoritarisme à la romaine, où monsieur Macron parle de président jupitérien, monsieur Louis-Napoléon parlait de « démocratie césarienne ».

« Le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte, écrit Victor Hugo, déplia un papier et lut un discours. Dans ce discours il annonçait et il installait le ministère nommé par lui, et il disait : « Je veux, comme vous, citoyens représentants, rasseoir la société sur ses bases, raffermir les institutions démocratiques, et rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et intelligent qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa confiance. »

Puis il y eut la suite. Il semble que Victor Hugo décrive les dirigeants d’aujourd’hui, qu’ils se nomment Macron ou autres, interchangeables qu’ils sont dans leur répétition d’une très vieille politique, comme on peut le voir :

« M. Louis Bonaparte se laisse volontiers entrevoir socialiste. Il sent qu’il y a là pour lui une sorte de champ vague, exploitable à l’ambition.

Alors il ne parle pas, il ment. Cet homme ment comme les autres hommes respirent.

(…) Dans ses entreprises il a besoin d’aides et de collaborateurs ; il lui faut ce qu’il appelle lui-même « des hommes ». Diogène les cherchait tenant une lanterne, lui il les cherche un billet de banque à la main. Il les trouve. (…)

M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte.

(…) Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.

Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon.

(…) Il a fallu la lier, cette forcenée, cette France, et c’est M. Bonaparte Louis qui lui a mis les poucettes. Maintenant elle est au cachot, à la diète, au pain et à l’eau, punie, humiliée, garrottée, sous bonne garde ; soyez tranquilles, le sieur Bonaparte, gendarme à la résidence de l’Élysée, en répond à l’Europe »

en lire plus : le texte entier ; des extraits

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Mes 13 femmes de l’année et de l’avenir

Elles sont ce que je peux souhaiter de meilleur pour l’humanité qui vient. Mes femmes de l’année et de l’avenir sont d’abord deux jeunes filles de 16 et 14 ans, scientifiques et artistes, polyglottes, sportives et lectrices, fortes psychiquement et physiquement, d’un grand courage, sachant vivre dans différents pays et différentes conditions, en ville et dans la nature, à la dure, en route vers leur liberté accomplie. Les voyant, je vois sortir de moi, de nous, un peuple de justes.

Et de ma tête, et de mes mains, sortent des personnages qui s’écrivent, des figures qui s’esquissent et se dessinent. Voici celles de cette année 2018 qui s’achève  :

joconde roulée-min

h-min-1

t-min

la pensée-min

J'ai fait ce collage ce soir et je l'intitule Autoportrait en fête

obliques-min

h-min

evolution-min

figure-min

h,-min

t,-min

parfum-min

rando-min

 dessins et collages Alina Reyes

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Art du quotidien et autres « Origines littéraires de la pensée »

pour syd,-min

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Collage réalisé l’autre nuit. La photo n’est pas très droite et elle a des reflets qui mettent en évidence le scotch, mais c’est une occasion de montrer ma façon de faire, souvent, des collages, comme celui-ci : images récupérées dans des prospectus etc., collées sur un carton également récupéré, parfois reprises aux feutres, crayons, peintures… ou dont les contours sont comme ici simplement surlignés ; l’ensemble est ensuite protégé et solidifié par des bandes de scotch que j’aime bien espacer d’un demi-millimètre. Je pratique de même pour couvrir un agenda à 3 ou 4 euros, qui devient ainsi bien personnel, par exemple celui-ci.

La visite de l’exposition de patchworks américains me donne l’occasion de répéter l’importance de l’art, ou artisanat, pratiqué au quotidien. La société industrielle nous prive la plupart du temps de l’usage de nos mains, de l’intelligence et du savoir de nos mains. Tout s’achète tout fait, il n’y a plus rien à faire par soi-même ; c’est là un énorme facteur de dépression des êtres et des peuples. Car nous y perdons notre humanité. L’art ne doit pas être réservé à une élite. Bien sûr il y a de grands artistes, de grands écrivains, de grands musiciens, et il ne s’agit pas de confondre leur art avec l’art « ordinaire » qui fait partie, ou devrait faire partie, de notre vie de tous les jours. Mais il arrive aussi que cet art humble atteigne des sommets, alors que l’art vendu très cher est parfois une escroquerie artistique. Préoccupons-nous du geste, plutôt. Léonard de Vinci disait que c’était le geste, le plus important (l’une des raisons pour laquelle, souvent, il négligeait de finir ses œuvres, comme est censé le faire un « pro »). Ne déléguons pas l’art, pas plus que la politique, pas plus que notre vie, à des « pros ». Nous sommes tous des « pros », dont la profession est de vivre. Pleinement, humblement, librement.

J’ai complété la liste de mes livres en ajoutant, à la fin, plusieurs ouvrages collectifs (dont les Origines littéraires de la pensée contemporaine). Il en manque encore, que j’ignore ou dont j’ai oublié le titre, comme ce petit ouvrage publié en 2001 en soutien aux femmes forcées de se voiler (mais je ne suis pas pour l’interdiction du voile s’il ne cache pas le visage), auquel j’avais participé avec ce petit poème que j’ai retrouvé en ligne :

Noir, le voile.

Noire, la bouche close.

Noir, l’écran. Entre la mère et le fils, entre l’amante et l’amant, entre le frère et la sour, entre la femme et l’homme. Noir, noir, noir.

Noir, le drap de mort où ils t’emmurent vive.

Noir, le pubis qui a vu naître leurs idées noires.

Noire, la bête que tu es dans leur tête noire de haine.

Noire la tombe où tomba l’humanité.

Noires, leurs mains.

Noir sur noir, ma lettre, mes mots que tu ne peux pas voir, pas dire, et que tu renvoies pourtant, papillons noirs d’avant l’instant où l’on devient aveugle.

Je t’en supplie, garde dans ta chambre noire la lumière qu’ils ont perdue et dont ils auront besoin, un matin.

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Fête

 

 

J'ai fait ce collage ce soir et je l'intitule Autoportrait en fête

J’ai fait ce collage cette nuit et je l’intitule Autoportrait en fête

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Il faut parfois répéter Non pendant des années
le dire le dire le redire
et prendre bien des détours
et des chemins dérobés
user de ruse peut-être
pour que ce Non soit entendu
Car c’est un si grand Non
Non au mensonge et à la mort
personne ne veut l’entendre
personne ne veut voir
ce qu’il donne à voir
et qui pourtant advient :
le pur le vrai l’unique Oui
à la vie

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Pensée pour les vivants

la pensée-min*

J’ai fait ce dessin au crayon et au stylo cette nuit, après une après-midi et une partie de la soirée passées à méditer sur Léonard de Vinci. Le matin, j’étais allée à la danse. À la fin du cours, l’une de nous a craqué, à cause de la fatigue due aux traitements anticancéreux. La prof lui a fait un câlin et nous a invitées à nous y joindre, ce que nous avons fait, un bon moment, formant un cercle d’amitié, têtes contre têtes, corps contre corps. Ensuite j’ai marché dans le dédale de la Salpêtrière puis à la sortie de l’ascenseur, côté Pitié, j’ai vu un petit attroupement et entendu un employé de l’hôpital demander à la cantonade si quelqu’un parlait anglais. Je me suis proposée, et il m’a confié un petit homme sans âge, qui ne parlait que quelques mots d’anglais, avec un accent qui le rendait difficile à comprendre. Finalement j’ai compris qu’il voulait aller à Lyon. Il avait dû entrer dans l’hôpital par erreur et s’y perdre, ou bien pour y demander son chemin. Je lui ai expliqué comment se rendre à la gare de Lyon, où prendre le bus, tout près de là. Je voulais l’y accompagner mais il était un peu sauvage, vraisemblablement un migrant africain pour qui le monde est dangereux ; il est parti. J’ai marché derrière lui pour voir s’il ne se trompait pas, et si, il se trompait, il s’en allait à droite comme je le lui avais dit, mais sur une route encore à l’intérieur de l’hôpital. Je l’ai appelé, rattrapé et accompagné sur le bon chemin. Il est parti, seul, pauvre, avec si peu de langue utile ici, et son petit sac dans le dos.

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