Journée d’accueil des doctorants à la Sorbonne

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« Construire ensemble un espace commun qui transcende les disciplines », a dit Thierry Tuot, président de Sorbonnes Universités. « Nous sommes en train d’inventer une Université qui part des sciences académiques pour aller vers celles qui n’existent pas encore. »

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Et aussi : « Nous contribuons au progrès social, nous essayons de rayonner dans le monde entier, d’être à l’avant-garde de l’innovation. »

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Pierre Demeulenaere, directeur du collège doctoral, après avoir rapidement rappelé l’histoire de la Sorbonne, de ses origines médiévales à sa division actuelle en dix établissements différents, a souligné la nécessité de remédier à cette singularité négative française que le doctorat y est concurrencé par des diplômes de grandes écoles, alors que partout ailleurs dans le monde il est considéré comme le diplôme le plus important. Il a aussi insisté sur le désir du collège doctoral de favoriser la recherche interdisciplinaire – ce que je trouve très précieux et encourageant.

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Bertrand Meyer, vice président délégué aux équipes de recherche, nous a répété : « Vous allez prendre beaucoup de plaisir à faire fonctionner votre cerveau pendant trois ans. »

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Bien d’autres choses ont été dites, et je n’ai pas assisté aux interventions de l’après-midi, mais ce matin était un beau moment, avec bien sûr un hommage aux tués de vendredi dernier, que nous avons été chargés de porter collectivement en faisant, pour ceux d’entre eux qui étaient étudiants, ce qu’ils auraient pu faire. Comme l’a dit Barthélémy Jobert, président de la Sorbonne : « savoir, liberté de pensée, dialogue, ouverture aux autres, sont la réponse. »

8ce matin à la Sorbonne, Grand amphithéâtre et péristyle, photos Alina Reyes

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Paris, midi

1Panthéon, les visages des résistants dernièrement entrés, et des étudiants et des gens prêts pour l’hommage aux victimes de vendredi soir

*2fac de droit place du Panthéon, les étudiants se réunissent

*3après l’hommage un côté de la Sorbonne, des caméras de télévision (la rue de la Sorbonne, perpendiculaire, était encore toute encombrée de camions de police)

*4impasse Chartière

*5au coin de Polytechnique

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8rue Descartes

ce midi à Paris 5e, photos Alina Reyes

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4 minutes de musique

Le pianiste (étudiant parti à la Sorbonne pour l’hommage aux victimes, nombreuses parmi les étudiants), a écrit cette présentation hier : « Ce n’est pas parfait, mais peu importe. J’ai spontanément voulu imprimer cette partition aujourd’hui et la jouer après la tragédie de vendredi soir. »

Ce n’est pas le tout que de verser des larmes (parfois de crocodile et pour le spectacle) sur les jeunes sacrifiés, il faut aussi oeuvrer, prendre des responsabilités politiques et morales, dans notre pays et notamment au Moyen Orient, pour faire en sorte qu’ils ne soient plus sacrifiés, ni au fond des banlieues ni en plein Paris, ni ailleurs. Nous leur devons la vie.

Mémoire et grâce

Cette nuit d’autres emplois que j’ai tenus avant de devenir romancière me sont revenus en mémoire. En plus de tous ceux que j’ai mentionnés hier (ouvrière ostréicole à La Tremblade en Charente Maritime (190 heures par mois debout en plein hiver du matin au soir dans le froid avec mes amies roms), caissière à la boucherie à Soulac, « employée toutes mains », plonge, service etc, chez le glacier, femme de ménage chez des voisins, serveuse dans un restaurant, vendangeuse en pension dans un château, recenseuse dans les quartiers nord (les plus durs) de Bordeaux, journaliste à Libourne et à Bordeaux, attachée de presse aux éditions Hermé, chargée de communication dans une entreprise d’informatique, professeur remplaçant à Talence et à Biganos dans les Landes, pigiste à Sud-Ouest et à Gironde Magazine, stagiaire-pigiste en radio…  – le plus beau titre, sur les vieux bulletins de salaire retrouvés, m’a paru : ouvrière ostréicole), il y a eu aussi rédactrice : d’un guide sur les Landes et le Pays Basque, publié aux éditions Sud-Ouest ; de notes amusantes sur des restaurants et autres pour un guide dont j’ai oublié le nom ; de quelques « lettres de lecteurs » pour une revue érotique où les photos de couples en petite tenue voisinaient avec de prétendus témoignages sur des épisodes fantaisistes de leur vie sexuelle, témoignages en réalité inventés par des pigistes sous-payés ; de plaquettes publicitaires ; et de la belle plaquette explicative réalisée à l’occasion des grands travaux qui ont changé la gare Saint-Jean à Bordeaux. J’ai aussi été responsable de la re-création du bulletin de liaison du Parc naturel des Landes de Gascogne, L’Auguitche – j’aime bien ce nom.

Cette nuit je me suis rappelé aussi un autre épisode de ma carrière dans la restauration : l’été où je tins une buvette sur la dune, au bout d’une route déserte, entre deux plages principales séparées par une dizaine de kilomètres. Du matin au soir, jour après jour, je restais là, seule dans le sable avec sodas et glaces, dans cet endroit désert où ne venaient que des gens adeptes de tranquillité. Aux heures où il n’y avait personne, un jeune homme arrivait parfois me tenir un peu compagnie, nous parlions à bâtons rompus et il disparaissait comme avalé par la lumière, je ne me souviens plus de son nom ni de son visage. C’était un bien bel emploi, m’en rappeler m’a donné envie d’écrire une nouvelle.

Une fois publié mon premier roman, j’ai fait encore diverses choses, mais dans le domaine de l’écriture. Pour le théâtre (avec plusieurs textes écrits sur demande et joués), pour le cinéma (même si cela n’a pas abouti, à part un tout petit court-métrage diffusé sur Canal+), dans les journaux… J’ai même présenté mon projet de magazine féminin très innovant dans le bureau d’un important responsable de presse – trop féministe pour trouver un financement, mais enfin le projet fut examiné. J’ai vécu dans divers endroits, j’ai vécu avec des artistes et d’autres personnes merveilleuses, j’ai vécu beaucoup de choses splendides. Mais le temps de la jeunesse sauvage reste auréolé d’une grâce particulière. Et en moi, il est toujours vivant.

Avant de m’endormir j’ai commencé à lire le merveilleux Guillaume de Dole ou le Roman de la Rose, et le nom d’un personnage, Aélis, m’a rappelé aussi le nom d’auteur que j’avais choisi pour la publication de ma première nouvelle dans la revue Schibboleth (toujours avant mon premier roman) : Aélis Norande. J’ai toujours aimé le Moyen Âge.

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Méandres de la métaphysique

J’ai 59 ans, l’administration me demande des précisions sur ma carrière professionnelle afin de commencer à établir mes futurs droits à la retraite. Eh ben, c’est pas de la tarte. J’ai travaillé toute ma vie depuis l’âge de 18 ans (officieusement, 12 ans) et cela dans une multitude d’emplois. Ouvrière ostréicole (190 heures par mois en plein hiver du matin au soir debout dans le froid), caissière, employée toutes mains, femme de ménage, serveuse, vendangeuse, recenseuse, journaliste, attachée de presse, chargée de communication, professeur remplaçant, pigiste, et autres jobs et missions occasionnelles. Il apparaît qu’ils n’ont pu récapituler tous ces emplois, et d’après mon exploration de la vieille paperasse, je ne le pourrai pas non plus, mais du moins je dois essayer de rassembler tout ce que j’ai pu conserver comme traces. Depuis dix ans ils n’ont plus rien non plus, et il va aussi me falloir réunir ce que je pourrai d’attestation de droits d’auteur – qui il est vrai se sont réduits à mesure que j’étais chassée de l’édition par de mauvaises rumeurs, et se réduisent à peu près à néant aujourd’hui où je ne peux carrément plus publier, bien que je continue à écrire de bonnes choses, dans différents domaines. Passons, la vie continue. Et pour que la galère de cette plongée dans la paperasse ne soit pas complètement vaine, je tâche d’en tirer un enseignement pour ma réflexion sur ce que c’est que d’être, réflexion qui conduira ma thèse – et je me dis que lorsque j’aurai terminé, dans quelques heures, je reprendrai mes cours, notamment au Collège de France où j’ai commencé à écouter hier en ligne Claudine Tiercelin parler d’une nouvelle façon d’envisager la métaphysique, qui m’intéresse fort.

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