Et le FN engraisse, encore et encore

C’est le rituel : après chaque élection, on crie au loup, on se sent surpris au coin du bois, on cherche : à qui la faute ?

Puis on continue à faire ce qui est facile et rentable, faire de la com plutôt que de la politique quand on est au pouvoir, et pour les médias inviter sur les plateaux télé des intellectuels et des écrivains réacs, voire racistes, voire néofachos ; faire dans la presse beaucoup de bruit autour de Marine Le Pen, de sa nièce, de son père, de ses sbires, de sa farce. On installe tout ce petit monde portant volontiers croix gammées tatouées sous la chemise dans le paysage quotidien, ordinaire. On en fait le monde dans lequel depuis quelques décennies maintenant, et de plus en plus, grandissent nos enfants, s’installent nos jeunes, se réfugient nos frustrés et autres nostalgiques, nos haineux et autres racistes.

On attend que la catastrophe soit imminente, que la catastrophe arrive, pour pousser les hauts cris ou plutôt les râles d’agonie de malades qui n’ont fait qu’entretenir leur maladie et se voient approcher de la dernière extrémité.

Mes ennuis ont commencé avec le milieu de l’édition et de la presse à partir de mon livre Poupée, anale nationale, qui alertait. Il s’est aggravé avec mon insistance à avertir, au point que je ne peux plus publier aujourd’hui, ni dans l’édition ni dans la presse. Il reste toujours possible de relire ici quelques-uns de mes textes au fil de l’actualité, ainsi que mon livre La grande illusion, Figures de la fascisation en cours, ou encore Poupée, anale nationale sur cette affaire qui ronge la France.

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Principauté des bassesses

Dans une démocratie, tous les citoyens ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. Tous doivent être traités avec égalité. Quand ce n’est plus le cas, quand seuls ceux qui agréent aux pouvoirs ont des droits, voire le droit de vivre, nous sommes déjà dans le fascisme. Marine Le Pen veut rétablir la peine de mort : ce n’est qu’une expression grossière de la peine de mort symbolique – la restriction arbitraire des droits – déjà appliquée aux citoyens qui ne sont pas ce que les pouvoirs voudraient qu’ils soient (même s’ils ne font rien de mal, contrairement à beaucoup de ceux qui sont aux pouvoirs ou en bénéficient). Après que j’ai publié Poupée, anale nationale, en mentionnant aux journalistes qui m’interrogeaient que mon texte avait été refusé par mes « grands » éditeurs habituels, Gallimard etc, des spécialistes associés des bassesses vengeresses ont fait courir le bruit que ce livre était fasciste, ont même pris la peine de mettre en place quelques coups tordus contre moi dans la presse – en fait, il y en avait déjà eu avant mais dans ma candeur je n’avais pas du tout imaginé d’où cela pouvait venir, je le compris beaucoup plus tard, quand l’affaire prit une tournure industrielle. Il faut pourtant bien que des hommes se dévouent pour servir la vérité. Je ne suis pas sûre de pouvoir trouver un éditeur pour La grande illusion, Figures de la fascisation en cours – l’état des libertés en France n’a fait qu’empirer depuis mon dernier livre d’avertissement contre le fascisme, mais du moins le livre existe en numérique, et s’il n’est lu maintenant, si les livres que j’écris depuis quelques années ne peuvent être lus faute de pouvoir être publiés, ils sont une parole vivante et qui servira, un jour ou l’autre. En attendant, ma propre résistance sert.

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Cette France aryenne qui fait le lit du Front National

Le nazisme français est comme le diable, sa ruse est de faire croire qu’il n’existe pas, ou qu’il est l’adversaire de ce qu’il est. Vaudrait-il mieux qualifier les chantres de l’aryanisme ordinaire de nazillons ? Quoiqu’il en soit, ce qui caractérise, parmi les fascismes, le nazisme, c’est son racisme obsessionnel. Ce racisme qu’on voit à l’œuvre aujourd’hui un peu partout en France, comme pensée dominante si écrasante qu’il devient presque impossible de la contester. Un jour c’est le président du CRIF, Roger Cuckierman, qui déclare que tous les actes de violence sont commis par des musulmans, et que Marine Le Pen est « irréprochable ». Qu’il soit un représentant des juifs de France ne l’empêche pas d’être l’allié politique objectif du Front National, parti qui n’a pas plus de respect pour les juifs que pour les musulmans mais qui a rallié le camp sioniste par opportunisme politique. La féministe Élisabeth Badinter, présente ces jours-ci dans Marianne et dans Marie-Claire, dans sa phobie obsessionnelle du voile ne rendit-elle pas hommage elle aussi à Marine Le Pen en disant qu’elle était la seule à défendre la laïcité ? Il est vrai qu’elle a les yeux aussi bleus que ceux de Jean d’Ormesson, qui est pour le magazine Elle du 16 janvier dernier « un monument national de francité, yeux bleus et suavité gauloise » – un peu comme les jeunes ukrainiennes néonazies que le même magazine soutient. Car selon Elle, « il aura fallu que nous nous disions tous « Charlie », « juifs », « policiers » pour nous sentir français. » On l’aura compris, le bon Français, le Français « policier », ne se sent « juif » que s’il s’agit des bons juifs, ceux qui sont capables de rendre hommage à l’aryenne Marine Le Pen, pas des juifs qui luttent contre le racisme et contre la colonisation israélienne. Le féminisme aussi doit être aryen : celui de Mme Badinter, pas celui de Rokhaya Diallo ni de Christine Delphy, brutalement censurées par la maire socialiste du 20e arrondissement de Paris. La première à avoir été empêchée de parler par cette maire et amie du féministe DSK fut Rokhaya Diallo, dont le caractère non aryen est sans doute par trop visible, puis vint le tour de Christine Delphy, quand il apparut qu’elle n’était pas non plus porteuse d’idées suffisamment blanches. Mais le fascisme a-t-il jamais été connu pour son respect de la liberté d’expression ? Dans le même numéro de Elle, magazine des femmes libérées de rien et enchaînées à un tas de conneries, l’éditorialiste évoquait la rencontre télévisée de Jean d’Ormesson, « monument de la francité » donc, avec Abd al Malik, qui lui était qualifié, non pas de français bien qu’il soit né dans le 14e arrondissement de Paris, mais de « noir et musulman ». En vérité je vous le dis, de ces deux Français, l’un est vieux et fini, comme la France qu’il représente prétendument.

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Rappel : La grande illusion, Figures de la fascisation en cours

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Le Crif, infréquentable et pourtant très couru

Clément Méric, jeune étudiant mort le 5 juin 2013 sous les coups de néonazis armés de coups de poing américains.

Rémi Fraisse, jeune militant écologiste mort le 26 octobre 2014, tué par la police qui harcelait depuis des semaines, armée d’explosifs, les zadistes de Sivens, victimes parmi tant d’autres des violences policières, qui tuent régulièrement.

Khaled Idris, jeune réfugié érythréen musulman, poignardé à mort le 12 janvier 2015 à Dresde après une manifestation du mouvement islamophobe Pegida. Des croix gammées avaient été peintes sur sa porte.

Mohamed El Makouli, ressortissant marocain mort le 15 janvier 2015 à Carpentras sous les coups de couteau d’un homme qui l’a tué en faisant référence à la religion de sa victime.

Deah Shaddy Barakat, Yusor Abu-Salha, Razan Abu-Salha, étudiants musulmans tués le 10 février 2015 à Chapel Hill, en Caroline du Nord, par un ennemi des religions.

Profanation du cimetière juif de Sarre-Union et de cimetières chrétiens par des non-musulmans, profanation d’un nombre toujours grandissant de mosquées par des fascisants de toutes sortes, sauf musulmans.

Lassana Bathily, jeune sans-papiers musulman sauveur de juifs à l’Hyper Cacher de Vincennes le 9 janvier 2015.

« Toutes les violences aujourd’hui sont commises par de jeunes musulmans. » Roger Cukierman, président du Crif, stigmatiseur de musulmans le 23 février 2015 sur Europe 1. Par ailleurs selon lui, Marine Le Pen est « irréprochable », quoiqu’elle soit « infréquentable » à cause de son père. Sarkozy, Hollande et autres huiles seront présents ce soir au traditionnel dîner du Crif, institution décidément infréquentable.

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À propos du livre de Trierweiler : la France doit changer de régime

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Paris, avenue des Gobelins, photo Alina Reyes
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La bonne bourgeoisie ayant pour culture le lavage de linge sale en famille, euphémisé en « discrétion », a aussi celle de la saloperie tranquille. Ainsi est l’homme « normal ». Il en prend à ses aises, méprise les pauvres, les femmes, les Arabes, en pensée, en parole, en action, il nuit à autrui de toute la puissance sociale dont il a hérité, confortablement à l’abri des regards.

Oui mais ces derniers temps, que voulez-vous, tout change. Tous ceux que ces nantis pensent n’être que des instruments à leur service, dont leurs employés, ont accès eux aussi à la parole. Ils peuvent écouter ce qu’ont à dire d’autres voix que celle des grands médias, et ils peuvent parler. Ils peuvent dire ce qui est fait, ils peuvent protester, ils peuvent révéler. Et leur parole est une arme, celle de la vérité. Qu’ils soient lanceurs d’alerte ou témoins, voici qu’ils jettent le linge sale sur la place publique. Et alors ? Est-ce à celui qui dit la vérité qu’il faut faire procès, ou à celui qui la bafoue, et bafoue ainsi tout un peuple ?

Les maisons d’édition françaises, depuis près de vingt ans, encouragent les écrivains à raconter leur vie privée. Cela s’appelle de l’autofiction, parfois c’est du témoignage sans fiction, en tout cas cela ne dérange personne au contraire, tant que les personnes évoquées ne sont pas des personnes de pouvoir en vue. C’est alors seulement qu’on commence à trouver qu’il est mal de raconter ce que l’on veut raconter. Or la parole est libre, et elle ne fait pas de différence entre les hommes.

La parole est libre. Personne ne dit rien en lisant des romans inspirés de la vie des auteurs et de leur entourage, on est seulement scandalisé quand ce sont des hommes de pouvoir qui sont décrits. Je n’ai aucune sympathie particulière pour Mme Trierweiler, mais sa démarche est intéressante. Si son témoignage n’avait pas quelque chose de salutaire, il n’aurait pas été publié par cet éditeur engagé, les Arènes, qui publia aussi les livres d’un ancien journaliste de Libération, Denis Robert, qui ne pouvait pas dire dans la presse tout ce qu’il avait à dire.

Je répète : la parole est libre, et elle ne fait pas de différence entre les hommes. Mieux vaut une parole vraie, assumée par son auteur, que la propagande masquée, ou la diffamation souterraine, auxquelles se livrent les hommes en place, sans assumer leur parole faussée et trompeuse.

Marine Le Pen estime que « le livre de Valérie Trierweiler est un déshonneur pour la France ». Ah ben si Le Pen le dit… il ne serait pas étonnant que le contraire soit vrai. Le déshonneur, c’est la propagande qui a porté Hollande au pouvoir, et la suite du mensonge qu’est son mandat.

Ce qui est salutaire dans ce livre, c’est qu’il contribue à ruiner la figure du président, qui l’a très largement ruinée lui-même. La France doit changer de régime.

Il appelle les pauvres, nous dit-elle, les sans-dents. Ah ça ira ça ira… Ne dirait-on pas que le peuple y entend comme un certain « qu’ils mangent de la brioche » ? La Ve République est morte, cela fait quelques années que je le dis. Elle est devenue une espèce de principauté où tout fonctionne selon le fait du prince, pas seulement le fait du président, mais celui de tous les autres princes dominant le peuple de leur sens aigu de la hiérarchie sociale. La démocratie fout le camp, il est temps de changer de régime.