Hulot & Co. En même temps, c’est pourri

biboule*

Nicolas Hulot met fin à son mensonge, selon ses propres dires. Il lui a fallu du temps, mais enfin il l’a fait. Seuls ceux qui sont pourris de mensonge jusqu’à l’os peuvent supporter de vivre indéfiniment dans la tricherie.

Françoise Nyssen, par exemple, ne démissionne pas, elle. Macron continue à occulter la vérité, sur l’affaire Benalla comme sur le reste. Le système du « en même temps » continuera à ne favoriser que les favorisés et à tricher avec la pensée, à la défigurer. Le pape François, déplorant la pédophilie de masse du clergé, continue à refuser la démission de Barbarin, à protéger les prélats impliqués dans la pédocriminalité et à culpabiliser les enfants de catholiques sur leur sexualité en préconisant contre eux, jusqu’à leurs vingt ans, la psychiatrie, instrument utile à remplir toutes sortes de goulags.

L’erreur est un droit humain ; le double jeu, la tricherie délibérée, un crime.

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fluctuat nec mergiturCe matin à Paris, photos Alina Reyes

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Banksy, Street Art, attentats positifs

« Banksy revendique les œuvres réalisées à Paris », titrent les médias. Selon la même formule trop connue : « Daech revendique… » Et après tout le Street Art est aussi un attentat (dont j’étais soupçonnée, je le disais ici), non pas au sens premier de « tentative criminelle contre une personne » (comme il s’en produit tant, dans l’ombre et sans revendication) mais au sens figuré et littéraire d’ « acte qui heurte un principe, qui attaque quelque chose ». Le Street Art, comme tout art, attaque la somnolence des esprits, attaque le mensonge, attaque le crime. Pas nécessairement en étant un art engagé, comme l’est avec force celui de Banksy, mais surtout, qu’il soit engagé ou dégagé (le dégagement étant une autre forme de combat), en étant un art puissant, un art vivant, plus fort que le crime et la mort. L’esprit d’enfance, plus fort que le rassis de la puérilité.

Pour ma part, je continue à photographier le Street Art au fil de mes déplacements à pied dans la ville, et à appliquer çà et là mes PostIt. Je donnerai de nouvelles images de mes PostIt une prochaine fois, pour l’instant voici les œuvres vues hier dans les rues, par cette grande belle journée d’été (en attendant aussi de revenir au puissant Melmoth the Wanderer) :

 

biboule

duchamp

disco

alex

afp

street art

graf porte rouge

street art,hier à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Melmoth l’homme errant. Vie et mort du père Olavida

melmothmelmoth phébus

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En train de relire Melmoth L’homme errant de Charles Robert Maturin (1820), je me régale et ris beaucoup. J’ai trouvé cet exemplaire il y a quelque temps dans le hall de mon immeuble, où nous, locataires, avons pour coutume de déposer ce que nous voulons donner et de prendre à volonté ce qui est donné. Il s’agit de l’édition de 1965 de Jean-Jacques Pauvert, remarquablement bien faite – quoique le livre soit déjà vieux il se tient parfaitement, avec ses feuillets bien cousus, quoiqu’il soit épais il est léger, et le texte y est accompagné d’une préface d’André Breton, d’une série de considérations de Baudelaire sur ce livre, et d’une note de la traductrice (première traduction française intégrale de ce chef d’œuvre de la littérature gothique), Jacqueline Marc-Chadourne. J’avais déjà lu la même édition du texte quand il a été publié par Phébus en 1996, mais le livre est resté dans ma bibliothèque à la montagne, à la disposition des nouveaux habitants de la maison. Et je suis heureuse de pouvoir le relire dans cette belle édition de Pauvert. J’en reparlerai probablement, mais en attendant, en voici des passages sur le personnage nommé père Olavida, avant sa mort, puis après sa mort dans la terreur, qui me font beaucoup rire :

Charles Robert Maturin, Dublin 1782 - Dublin 1824

Charles Robert Maturin, Dublin 1782 – Dublin 1824

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« Ce prêtre, d’une sainteté exemplaire, était très aimé de la famille de Cardoza et respecté de toute la région où il avait fait preuve d’un goût et d’un talent peu communs pour l’exorcisme : en fait, c’était là le « forte » du bon père qui ne manquait pas de s’en flatter. Le diable ne tomba jamais en mains pires que celles du père Olavida : s’il était assez obstiné pour résister au latin ou même, dans les cas d’extrême difficulté, aux premiers versets de l’évangile selon saint Jean en grec – (Stanton se remémora l’histoire anglaise du Boy of Bilson et même ici, en Espagne, ne put s’empêcher de rougir pour ses compatriotes) – le bon père avait recours à l’Inquisition ; et l’on voyait alors ces opiniâtres démons s’échapper des possédés tandis qu’au milieu de leurs cris (de blasphème sans aucun doute) on les attachait au bûcher.

(…) [Après une terrible, muette et paralysante confrontation avec « l’étranger », « l’Anglais » :]

Puis, élevant la voix, il voulut prononcer les mots sacramentels de l’exorcisme : mais il ne put y parvenir. La rage, la haine et la frayeur avec lesquelles il regardait l’étranger devinrent de plus en plus marquées sur sa physionomie : elle avait une expression terrible. Tous les convives se levèrent, et s’étant groupés, ne cessèrent de se demander : « Qui donc est-il ? » Bientôt leur terreur fut au comble, quand ils virent Olavida, à l’instant même où il montrait l’Anglais du doigt, tomber sans mouvement…….. Il n’était plus.

(…)

Une circonstance extraordinaire arriva aux funérailles du père Olavida. On l’enterra dans un couvent voisin, et sa réputation de sainteté, jointe à l’intérêt causé par sa mort étrange, réunit une grande foule de monde à la cérémonie. Un religieux d’une éloquence reconnue, fut choisi pour prononcer son oraison funèbre. Pour rendre plus puissant l’effet de son discours on plaça dans l’allée centrale le corps étendu dans la bière, le visage découvert. Le moine tira son texte de l’un des prophètes : « La mort a pénétré dans nos palais. » Il s’étendit sur la mort dont l’approche, hésitante ou brutale, est redoutable à l’homme. Il parla, avec beaucoup d’éloquence, des vicissitudes des empires, mais l’auditoire ne semblait guère en être affecté. Il cita plusieurs passages de la vie des saints, décrivant la gloire du martyre et l’héroïsme de ceux qui donnèrent leur sang ou furent brûlés vifs pour le Christ et sa Sainte-Mère, mais l’assistance semblait attendre quelque chose de plus touchant encore. Ses auditeurs sortirent un instant de leur torpeur lorsqu’il se répandit en invectives contre les tyrans qui persécutèrent ces saints hommes, car il est plus facile d’exciter la passion que le sens moral. Mais quand il parla du mort, désignant d’un geste emphatique le corps froid et inanimé gisant devant eux, tous les regards se fixèrent dans cette direction, toutes les oreilles devinrent attentives. Même les amoureux qui, sous prétexte de plonger la main dans le bénitier, s’ingéniaient à échanger des billets doux, interrompirent un instant cette intéressante occupation pour écouter le prédicateur. Après avoir passé en revue toutes les vertus du défunt, énuméré les nombreuses pertes dont souffriraient par suite de son départ la communauté à laquelle il appartenait, la société et la religion, l’orateur adressa à cette occasion de véhéments reproches à la Divinité :

– « Oh Dieu ! », s’exclama-t-il, « pourquoi avoir agi ainsi avec nous ? Pourquoi avoir arraché à notre vue ce glorieux saint dont les mérites proprement appliqués auraient sans doute pu expier l’apostasie de saint Pierre, l’opposition de saint Paul (avant sa conversion) et même la trahison de Judas lui-même ? Pourquoi, oh Dieu, nous l’avoir enlevé ? »

Alors une voix rauque et profonde s’élevant de la congrégation répondit :

– Parce qu’il a mérité son sort. »

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biboulece matin à Paris, photo Alina Reyes

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