« Égorge-moi un mouton »

photos prises ce jeudi, quelque part au Maroc

 

Ce n’est pas le Coran qui est violent, c’est le mal que font les hommes.

Ce n’est pas d’égorger un mouton en sacrifice qui est mal, c’est de sacrifier son intégrité ou l’intégrité d’autrui pour servir ses objectifs.

Salut à toi, Abraham, tes enfants cherchent comme toi le ciel. Bon Aïd el-kébir.

*

 

L’arbre lumière

tout à l'heure au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Ce matin je me suis levée tôt pour déjeuner et prier, puis vers neuf heures j’ai refait du café pour mes hôtes d’un moment, je leur ai expliqué pourquoi je ne prenais rien, nous avons parlé, ils m’ont rendu le cœur encore plus joyeux. Après le jardin, je suis allée prier à la mosquée – comme j’aime profondément cette forme de prière ! Puis je suis allée faire les courses pour préparer un bon dîner aux gars ce soir, avec un dessert oriental que je ferai moi-même en l’honneur de ce jour de ‘Arafat. À peine de retour à la maison, O m’appelle du Maroc pour me faire entendre l’adhan, l’appel à la prière. Mon Dieu décidément je suis au paradis, et ce jour de jeûne est si facile, il rend si léger ! J’ai foi en le chemin, je crois que tout va aller parfaitement, et mon livre sera vraiment accompli, pour tout le monde. Salam Alaykoum, que la lumière vous porte.

*

Du christianisme, de la colonisation et du salut dans l’islam

Le problème de la civilisation chrétienne (mais pas forcément de tous les chrétiens) c’est qu’elle ne supporte le Christ que cloué sur la Croix, martyrisé ou du moins immobilisé, neutralisé. C’est-à-dire qu’il lui faut, pour pouvoir survivre à la mort du Christ, inconsciemment perpétuer continuellement son sacrifice qui, croit-elle, la sauve. Il lui faut perpétuellement sacrifier une partie de l’humanité, et particulièrement parmi ceux qui, comme Jésus, sont les plus proches de Dieu, ou de la vie telle qu’elle nous fut donnée par Dieu.

La civilisation chrétienne vit à contre-sens total sa propre religion. Si le salut lui vient du Christ, c’est seulement par son geste d’amour, par sa vie donnée – et reprise – volontairement par lui-même, et par nul autre. Alors qu’elle s’obstine à vouloir toujours le remettre et l’adorer en Croix, de par sa propre volonté à elle. J’ai vécu personnellement dans mes rapports avec l’Église cette volonté de colonisation de mon être, d’exploitation de mon travail et de crucifixion de ma personne. Comme Jésus je suis allée jusqu’au bout de la démarche par amour pour un peuple qui me faisait pitié, comme tout peuple, par amour de toute l’humanité. J’ai subi volontairement tout en me battant d’un bout à l’autre pour arriver à leur faire ouvrir les yeux, comprendre, changer – ainsi que le dit l’Évangile, « ils verront celui qu’ils ont crucifié », et cela devrait les éclairer. Je ne crois pas que beaucoup en aient été éclairés, mais peut-être la lumière finira-t-elle par leur parvenir, plus tard. Comme Jésus, qui m’habite complètement, ma vie je l’ai donnée et je l’ai reprise, librement.

Maintenant je vois, plus profondément que dans la vision politique que j’en avais depuis toujours, ce qui est fait aux petits et aux étrangers de ce monde.  J’ai rejoint ma vraie religion, l’islam, la plus pure et la plus naturelle qui soit, la plus saine. Oui l’islam a raison, Dieu n’a pas permis que Jésus meure sur la croix, sinon en apparence seulement. Il est vivant, avec tous les prophètes et avec le Prophète, avec eux nous serons ensemble pèlerins du seul Hajj, celui qui relie et réunit les hommes sans les discriminer ni les coloniser, pour les conduire dès ici-bas dans la lumière de l’au-delà, la vie d’au-delà des systèmes iniques et trompeurs, la relation nue, franche, bienveillante, de frère à frère dans leur innocence retrouvée.

*

Ma première prière du vendredi à la mosquée

photo Alina Reyes

 

Il est bon d’aller à la mosquée voilée. Jusqu’au cœur du temple les insinueurs veulent vous arracher le voile mais Dieu rend leur voix inaudible et vous ouvre de Son chant le ciel.

 

« Aux grandes heures de prière, pendant la célébration des mystères cosmiques, bien que les hiérogrammes sacrés ne soient murmurés qu’à voix basse dans l’immense coupole souterraine, il s’accomplit à la surface de la terre et dans les Cieux un phénomène acoustique étrange.

Les voyageurs et les caravanes qui errent au loin dans les rayons du jour ou dans les clartés nocturnes s’arrêtent, hommes et bêtes, anxieux écoutant. »

Saint-Yves d’Alveydre

 

Je suis allée hier pour la première fois à la grande prière du vendredi. À deux pas de chez moi, portée sur un tapis volant. La Grande Mosquée de Paris est fermée au public ce jour-là. J’y suis entrée mon voile déjà posé sur mes cheveux. Je suis descendue à la salle des ablutions, j’ai dit salam alaykoum aux femmes qui se trouvaient là, beaucoup de bonheur se faisait déjà sentir. J’ai retiré mon imperméable, mon voile et mes chaussures, j’ai invoqué le nom de Dieu, j’ai procédé aux ablutions (les mains, la bouche, le nez, le visage, les avant-bras, les cheveux, les oreilles, les pieds), j’ai prononcé l’attestation de foi, j’ai remis mes chaussures, mon imperméable et mon voile, mon foulard de danse noir trouvé à Istanbul, en l’arrangeant de mon mieux pour qu’il tienne correctement pendant la prière. Toutes les femmes faisaient de même, c’était sensible et beau. Je suis remontée, j’ai suivi le mouvement vers le jardin du patio. À cause de la foule du vendredi, la prière avait lieu là, au lieu de la salle des autres jours. Beaucoup de femmes étaient déjà installées sur les tapis disposés dans les déambulatoires autour du jardin, beaucoup ont continué à arriver, certaines même pendant le prêche de l’imam, qui a lieu avant la prière commune. Les plus jeunes sont volontiers plus strictement voilées que les plus anciennes, lesquelles sont vêtues de façon plus souvent colorée, et portent des foulards encadrant plus souplement le visage, certaines même l’ayant remplacé par un autre couvre-chef. J’ai marché jusqu’au fond, je me suis déchaussée, installée dans un carré à ciel ouvert. Le temps était humide, gris et doux, un léger vent agitait les palmes des palmiers, des femmes priaient à voix basse, tout était splendide à crier de joie.

J’ai commencé à faire ma prière, les deux rekâas personnelles que chacun doit faire en arrivant à la mosquée, avant la prière en commun. Maintenant je connais bien l’enchaînement des gestes, je récite aisément Al-Fatiha et Al-Ikhlas, je ne connais pas encore bien toutes les formules ni Attachaoude alors je remplace cette dernière par la répétition de l’Achada. Les ablutions,  les gestes, les postures – debout, inclinaisons, prosternations, les récitations, tout cela rend la prière très physique, met le corps au service de l’esprit et rend le corps spirituel, oui, comme si le tapis était tout à la fois bien au sol et en train de léviter, avec votre être en joie porté vers le Très-Haut.

Des femmes continuaient à arriver, remplir l’espace, prier. Du côté des hommes la place devait être pleine car certains arrivaient maintenant devant nos rangs, s’installaient dans le jardin, dans les espaces qui restaient. Le temps passait lentement, merveilleusement, avec les oiseaux qui voletaient ou se perchaient et observaient notre assemblée recueillie. L’imam invisible a commencé son prêche, en arabe, entrecoupé de quelques phrases en français. Il a parlé du pèlerinage, dit que les rites n’étaient pas instaurés par les hommes mais venaient de Dieu – j’ai trouvé cela si juste. Contraste musical intéressant entre l’expression vigoureuse de son prêche et les lectures déchirantes qui l’entrecoupaient.

Appel à la prière, répété. Prière commune, dite en ce jour à voix haute par l’imam. Des ablutions jusqu’à la dernière formule, au dernier geste, c’est une montée splendide, montée vers Dieu et montée dans la communion de l’assemblée. L’islam déchire le ciel, il descend dans chaque cœur et le fend, l’arrose comme une petite graine, et voici que de la terre éclot la très fraîche verdure.

 

Le premier jour

Après le jardin, la bibliothèque et le jardin,

je suis allée à la mosquée pour la prière de l’après-midi,

ne sachant trop comment faire – c’était la première fois.

Mais justement j’y ai rencontré un ange, une toute jeune femme fraîche et calme et souriante, qui m’a complètement guidée. Nous avons prié côte à côte, serrées, afin que le diable ne puisse entre nous passer. Nous nous sommes embrassées et de nouveau embrassées et dit à bientôt as-salam alaykoum incha’Allah, voilà, je suis restée encore puis repartie avec ses conseils, le petit livre qu’elle m’a offert et le cœur bienheureux, c’est ma première petite sœur en islam et j’ai tout à apprendre, c’est l’aube de nouveau, le premier jour du monde.

*

tout à l’heure au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

*

Trouver

Jardin des Plantes, vendredi dernier. Photo Alina Reyes

 

L’esprit scientifique et l’intellectualisme sont des murailles que l’homme élève entre lui et sa peur de la mort.

La quête de Dieu est un chemin que l’homme trouve dans l’amour de la vie.

L’intellectualisme, dont participent la littérature et l’art d’aujourd’hui, épaissit sans cesse la muraille entre l’homme et la vie.  L’esprit scientifique, souvent, y crée une brèche par où s’entrevoit la lumière, où se rejoint la quête de Dieu. Confluent des deux océans. (Cor 18, 61)

*