« Sur la paille, elle se coucha à côté de lui »

Zayasaikhan Sambuu - Tutt'Art@ - (16)

une oeuvre de Zaya (Zayasaikhan Sambuu)

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« Au loin, le tonnerre gronda sur les monts. Un éclair illumina le profil de Djamilia. Elle regarda autour d’elle et tomba contre Danïiar. Ses épaules tremblaient convulsivement sous les mains de Danïiar. Sur la paille, elle se coucha à côté de lui. Un vent enflammé accourait de la steppe, il fit tourbillonner la paille, vint heurter la yourte chancelante qui se trouvait à la limite de l’aire, et tourna comme un toton sur la route. Et de nouveau il y eut des signaux bleus dans les nuées, le tonnerre avec une sèche secousse se brisa au-dessus de nos têtes. C’était effrayant et joyeux : l’orage avançait, le dernier orage de l’été.

– Est-il possible que tu aies cru que j’allais te troquer contre lui ? – chuchotait ardemment Djamilia. – Non, tout de même, non ! Il ne m’a jamais aimée. Il se contentait d’ajouter un salut à la fin de sa lettre, rien de plus. Je n’ai pas besoin de lui avec son amour tardif, qu’on dise ce qu’on voudra ! Mon chéri, mon solitaire, je ne te donnerai à personne ! Il y a longtemps que je t’aime. Et quand je ne le savais pas, je t’aimais et je t’attendais, et tu es venu, comme si tu savais que je t’attendais !

Des éclairs bleus l’un après l’autre, zigzaguant, s’enfonçaient par-dessus l’escarpement dans la rivière. Sur la paille, d’obliques gouttes de pluie froide bruissèrent.

– Djamilia, mon aimée, ma chérie, Djamaltaï ! – murmurait Danaïiar, la nommant des plus doux prénoms du kirghiz et du kazakh. – C’est que moi aussi il y a longtemps que je t’aime, je rêvais de toi dans les tranchées, je savais que mon amour était dans ma patrie, c’est toi, ma Djamilia !

– Tourne-toi, laisse-moi te regarder dans les yeux !

L’orage éclata.

Battant des ailes comme un oiseau abattu, le feutre arraché à la yourte palpitait. Par rafales violentes, comme baisant la terre, la pluie tombait à torrents, fouettée de vent par en dessous. De biais, par et à travers tout le ciel, le tonnerre roulait en de puissants écroulements. Les flambées éclatantes des éclairs allumaient sur les monts des incendies printaniers de tulipes. Le vent grondait, faisait rage dans le ravin.

La pluie coulait, et moi j’étais couché, enfoui dans la paille, et je sentais comme le cœur me battait sous la main. J’étais heureux. J’avais une sensation comme de sortir au soleil pour la première fois après une maladie. Et la pluie et la lumière des éclairs m’atteignaient sous la paille, mais j’étais bien, et je m’endormais en souriant, et sans comprendre si c’était Danïiar et Djamilia qui murmuraient, ou si c’était, s’apaisant, la pluie qui bruissait sur la paille. »

Tchinghiz Aïtmatov, Djamilia (traduit du kirghiz par A. Dimitrieva et Louis Aragon)

« De son intimité s’échappait un suave parfum »

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Hokusai, 36 vues du Mont Fuji : le Mont Fuji rouge

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« De son intimité s’échappait un suave parfum. La croupe était appétissante, rebondie à la perfection et d’une blancheur de neige. Blanc comme neige… La neige vient du ciel, et il ne fait pas de doute que l’expression elle aussi a son origine dans l’empyrée ! Oui, se disait-il, ce qui est impossible ici-bas devient réalisable dans l’au-delà, ainsi le miracle des arbres qui donnent des mochi ! Tout en se réjouissant à l’idée de découvrir à l’intérieur des cuisses un chausson fourré à une pâte exquise, Yorimasa plissait les yeux de volupté anticipée et il murmura : « Si mon vassal Hayata a transpercé de plusieurs coups de sabre le monstre à tête de singe, corps de tigre et queue de serpent après l’avoir capturé, pour ma part, je vais vous enfoncer mon glaive autant que vous voudrez ! Que dites-vous de ça ? Est-ce bon ? » Et il ne relâchait pas son étreinte. Il la prit par-derrière, puis par-devant, enfin ils jouèrent les acrobates avec accompagnement de musique. Trois fois, elle connut l’extase. À peine avait-elle joui qu’il tentait à nouveau de la transporter au septième ciel… Elle exhalait des soupirs et son souffle était suave et mélodieux. Son visage avait les nuances du soleil couchant. Elle cria « Je viens ! Je viens ! » et s’envola au paradis, mouillant de l’eau céleste ses cuisses et sa robe. »

Ryûtei Tanehiko, Le livre des amours galantes (traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu)

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« La fille se leva et s’approcha de son hamac »

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Douanier Rousseau, Le Rêve

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« La fille se leva et s’approcha de son hamac. Il posa la main sur son épaule et elle tressaillit ; en même temps, elle l’observait d’un regard hardi et possessif. Laissant courir ses doigts de sa tempe jusqu’à sa petite oreille délicate, il s’émerveilla de la fraîcheur de sa peau moelleuse comme du caoutchouc ; elle paraissait élastique. Elle pouffa et posa sa tête sur sa poitrine, puis mit doucement les doigts sur son bas-ventre, explorant la toison rude.

« Tsindu », marmonna-t-elle d’un ton ravi, en fronçant le nez. Les Niarunas avaient tout le corps pratiquement vierge de poils, qu’ils considéraient comme la preuve indiscutable de mœurs dissolues. Dans la mesure où ils associaient les poils aux guhu’mi, les démons de la forêt, ils avaient d’abord pensé que cette particularité était susceptible d’accentuer son auréole surnaturelle, mais leur ligne de démarcation entre le sacré et le profane était plutôt incertaine. Déjà ils adoptaient un ton plus familier avec Kisu-Mu et le taquinaient, non seulement au sujet des poils de son pubis, mais encore de ses pieds tendres, de sa terrible maladresse à l’arc et aussi de sa répugnance à manger des poux. Dès le début, ils s’étaient montrés bien plus intrigués par le revolver, par son poids et son éclat, qu’ils ne l’avaient jamais été par l’avion ou le parachute, qui dépassaient totalement leur entendement.

Sortant par la porte latérale, il entraîna Pindi parmi les arbres, où il lui fit l’amour. Les enfants accoururent pour profiter du spectacle ; il les chassa, mais quelques-uns revinrent furtivement pour encourager le couple de leurs cris. À moins de les tuer, il n’y avait pas d’autre solution, Pindi refusant de coucher avec lui une fois la nuit tombée. Le jour, Kisu-Mu était inoffensif et pouvait être traité comme un homme, mais la nuit, lorsque rôdaient jaguars et fers-de-lance, chauves-souris vampires et guhu’mi, il était dangereux de dormir avec les esprits. Le crépuscule et la nuit étaient sacrés. Qui pouvait assurer Pindi que Kisu-Mu ne se transformerait pas en Homme-Anacouda, et qu’elle ne donnerait pas naissance à des serpents ?

Ils se séparèrent brusquement et restèrent étendus sur le dos, savourant le soleil sur leur peau nue et la langueur qui leur alourdissait les jambes. Puis Pindi l’accompagna à la rivière, qu’ils appelaient le Tuaremi, et délaissant la pirogue à laquelle ils travaillaient, les autres Niarunas les suivirent. Elle entra dans l’eau en même temps que lui, les enfants s’y précipitèrent à leur tour, et tous se mirent à s’éclabousser. »

Peter Mathiessen, En liberté dans les champs du Seigneur, trad. Maurice Rambaud

« Shamhat défait sa robe et s’en va s’allonger… »

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illustration de Ludmila Zeman

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Et si nous lisions ou relisions, jour après jour pour cet été, quelques scènes d’amour de la littérature du monde ? Commençons avec une pièce très très ancienne et très très sensuelle, ce passage de l’Épopée de Gilgamesh – l’un des plus anciens écrits du monde – où la prêtresse Shamhat va civiliser le sauvage Enkidu en lui apprenant l’amour.

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« Shamhat défait sa robe et s’en va s’allonger
Tout près, humide et nue, les jambes écartées.
Enkidu hume l’air, il observe son corps,
Approche peu à peu Shamhat qui se caresse,
Elle frôle sa cuisse – elle étreint son pénis,
Elle use de son art et lui coupe le souffle,
Déjà il ne voit plus que ses hanches offertes,
Son bassin qui ondule et sa bouche entr’ouverte –
Il lui donne son souffle, écorché de baisers,
Et Shamhat lui apprend ce que c’est qu’une femme.
Lui reste en érection pour six jours et sept nuits,
Et ils refont l’amour, sans répit. »

(traduit par Aurélien Clause depuis la traduction de Stephen Mitchell en anglais du texte sumérien)