Dans toutes les révolutions, des statues, des têtes tombent. Ceux qui pleurnichent sur les cibles de la révolution féministe devraient se réjouir que ses guillotines ne soient que symboliques. Mettre à bas les abuseurs, d’une façon ou d’une autre, est nécessaire pour renverser la loi de leur caste.
C’est là que nous naissons, que nous donnons naissance, que nous sommes soignés, que notre vie est sauvée, et aussi, souvent, que nous mourons. Des pouvoirs publics qui démolissent l’hôpital public sont des pouvoirs publics qui démolissent la civilisation.
Mes photos de la manifestation de cet après-midi, qui s’est terminée devant la Pitié-Salpêtrière, pour sauver l’hôpital public.
Quand je suis arrivée aux Gobelins, la manif s’y annonçait aussi. Police partout (justice nulle part). Mais je m’en suis tenue à ma décision de ne pas faire de photos, contrairement à mon habitude. Et je suis partie visiter ce bâtiment romantique à deux rues de là, dit le « Château de la Reine Blanche », ouvert en cette journée du patrimoine. Une guide était en train de nous expliquer toute son histoire et celle du quartier, en remontant aux Romains – très intéressant. Mais de plus en plus il fallait faire abstraction des énormes détonations qui retentissaient à mesure qu’étaient lancées, à quelques dizaines de mètres, grenades lacrymogènes et autres sur les manifestants. Et puis le nuage de lacrymo nous a rejoints. Sages visiteurs, nous avons essayé de continuer à passer outre, un mouchoir sur le nez, mais ça piquait fort et au bout d’un moment certains sont partis, d’autres comme moi, certains avec enfants, se sont réfugiés à l’intérieur, dans la tour du petit château. Songeant à ce que devaient prendre les gens qui étaient directement dans la manif, alors que c’était déjà difficile pour nous qui étions dans une rue à l’écart. Quelle tristesse d’en être là, de réprimer les manifestants pour éviter de faire de la politique réelle.
Je suis rentrée chez moi en passant au milieu de dizaines et dizaines de policiers qui bloquaient tel passage, autorisaient tel autre. Plus tard, en fin d’après-midi début de soirée, j’ai parcouru l’avenue des Gobelins pour photographier, quand même, les traces laissées par la manif, tags, affiches, et quelques détériorations au sol.
Ces gilets jaunes-là ne sont pas des manifestants mais des agents de nettoyage
Vraiment, de me trouver au milieu de cette manif, j’avais envie de pleurer, en pensant à la maltraitance infligée par l’État français aux élèves et aux profs – que j’ai vécue, contre laquelle j’ai protesté, sur place à l’Espé et dans mon lycée et aussi sur ce blog (l’institution par la voix du DRH de l’académie m’a menacée de porter plainte et finalement ma tutrice de l’Espé m’a fait convoquer dans un commissariat de police ; la plainte a été classée sans suite mais il n’en serait sans doute plus de même avec la loi Blanquer qui veut museler les profs). Et puis, successivement, deux de mes jeunes collègues de l’Espé, qui étaient dans la manif à des endroits différents, sont venues me voir, et ça m’a fait chaud au cœur. Je regrette mes élèves, mais je n’accepte pas de me plier aux absurdités énormes de l’institution et de l’enseignement que nous sommes censés y donner (du moins en Lettres, voir ici et là). Voici mes photos de la manif, prises boulevard de Port-Royal :
J’ai photographié le quartier avant la manif, claquemuré ; puis pendant la manif ; et en ce lendemain de 1er mai, je suis allée le photographier après la manif. Très belle récolte de tags et autres symboles parlants laissés par les manifestants.
Jeanne d’Arc – à l’endroit où les flics ont séparé la manif en deux nasses – a été accessoirisée de couleurs printanières
Il pleuvait dru pendant que je remontais les boulevards Saint-Marcel et de l’Hôpital, la capuche sur la tête et quelques gouttes sur l’objectif, me régalant des lectures sauvages laissées par les manifestants
Un gilet jaune aux grilles de la Pitié-Salpêtrière. Castaner, ravale ton vomi de mensonge, ils n’ont pas « attaqué l’hôpital » !
place d’Italie
et je redescends le boulevard de l’Hôpital par l’autre trottoir
Le fameux portail par où certains sont allés se mettre à l’abri des gaz
Ce ne sont pas les manifestants qui font souffrir l’hôpital, c’est le gouvernement
« Rage against the Macro », le slogan était brandi dans la manif aussi
Sur le côté du monument à la gloire de l’aliéniste Pinel, un hommage en couleur à la statue de la femme allaitante
Cet après-midi à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes
Ajout du 2 mai : la falsification éhontée des faits par le ministère de l’Intérieur à propos d’une prétendue intrusion violente de manifestants à la Pitié-Salpêtrière est démontée par le récit qu’en font les personnels soignants de l’hôpital et nombre de vidéos et de témoignages établissant que des manifestants nassés et asphyxiés par les gaz se sont réfugiés dans l’enceinte de l’hôpital, n’ayant aucune autre échappatoire. Ils y ont été poursuivis et violentés par des policiers à pied et à moto. Cela se passait à l’heure où j’ai moi-même quitté la manif parce que nous étions nassés, entassés sans aucune sortie possible – j’avais le code d’entrée de l’un des immeubles du boulevard, c’est pourquoi j’ai pu en sortir, alors que la tension montait et que de cette situation ne pouvaient sortir que des gazages et des affrontements, comme d’habitude depuis un certain temps où il s’agit de dégoûter les citoyens de venir manifester.
Je suis allée l’attendre au carrefour des Gobelins. Avant son arrivée, il y a eu un déploiement de police impressionnant. (Et les flics m’ont demandé de me pousser, poliment mais fermement)
Et toutes les rues adjacentes ont été bloquées (d’où la nasse où nous avons plus tard été pris)
Les médias étaient là aussi
…dont Taranis News (suivi depuis longtemps sur ce blog), avec un souriant Gaspard Glanz !
Et d’autres gentils
Voilà la manif. Cette fois je ne l’ai pas arpentée d’un bout à l’autre, j’ai choisi de la photographier en restant à peu près au même endroit (souvent juchée sur un banc). Je l’ai ainsi vue défiler pendant une heure et demie, avant le nassage. Ça fait du monde.
Il y avait pas mal de Gilets jaunes
et des masques de Benalla
Ce qui me plaît beaucoup c’est de photographier les gens qui défilent
Le cygne noir des black blocs, qui a ensuite été détruit par la police
Dans le coin en bas à gauche de l’image il me regarde pas content, mais le suivant au même endroit est content, lui
Les street medics sont là
Un peu plus loin, ça gaze. Je me suis déjà trouvée au milieu des gaz dans une autre manif, je préfère éviter.
Voici la fanfare. J’ai fait une petite vidéo, je la mets à la fin de la note.
Voici la CGT, avec son cordon de sécurité, que des manifestantes à côté de moi critiquaient vivement (service d’ordre qui ne leur a pas évité d’être agressés par la police à coups de grenades lacrymogènes)
Et voilà, on est bloqués, nassés. Des manifestants empêchés d’avancer reviennent dans l’autre sens. Il va y avoir des affrontements jusqu’à la fin de la manif, j’arrête là mon reportage, laissant à des reporters comme Gaspard Glanz et d’autres, plus pros et plus équipés que moi, la tâche nécessaire de montrer aussi les violences, notamment policières.
Cet après-midi à Paris 5e et 13e, photos Alina Reyes
J’irai peut-être photographier la manif tout à l’heure. J’ai d’abord voulu photographier le quartier claquemuré, sur ordre des autorités, en attendant son passage : signe d’une tension sociale inhabituelle.
Interdiction de laisser des voitures garées
Tous les magasins ont obligation d’être fermés et protégés
Idem pour les banques
et les cafés, les restaurants, hôtels et autres
Les vélibs ont été retirés des stations, mais des véhicules de police attendent sur le boulevard désert
Les colleurs d’affiches sont passés
Seule la librairie ne semble pas craindre d’être pillée
Ce matin à Paris 5e et 13e, photos Alina Reyes
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Plus tard dans la journée : je suis allée photographier la manif, les photos sont là