Pour-quoi

« La rose est sans pourquoi », dit Angelus Silesius. La rose est « sans pourquoi » parce qu’elle est tout être. Le pourquoi appartient à l’existence, pas à l’être. « Hier kein warum », dit le tortionnaire à Primo Levi à Auschwitz. « Ici pas de pourquoi ». Il s’agit d’une inversion. D’une inversion de la vérité. Ce qui est vrai, c’est que tout Auschwitz est pourquoi. Est calcul, fabrication pour quelque chose, pour-quoi. Fabrication existentielle devant laquelle l’homme est écrasé par le pourquoi qu’il ne peut que poser. La vérité est : ici pas de « sans pourquoi ». Donc : pas de rose. Auschwitz appartient à la pensée heideggerienne d’un pour-quoi défini comme « pour-la-mort », de l’homme pour-la-mort. C’est pourquoi, écrit Primo Levi : « Si c’est un homme ». Et c’est une question, sans point d’interrogation.

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Tueurs tués

Le terroriste de Copenhague a été tué. Comme Merah, comme les frères Kouachi, comme Coulibaly. Qui est le plus satisfait de n’avoir pas à faire de procès ni de vérité sur ces affaires ? Les États occidentaux qui dirigent la police exécutrice, ou les commanditaires des terroristes, qui leur imposent un comportement suicidaire ?

Les terroristes œuvrent dans le même sens que les caricaturistes et autres auteurs qui alimentent l’islamophobie comme leurs pères dans les années 30 alimentèrent l’antisémitisme : ils détournent l’attention des vrais problèmes qui frappent les peuples, crise, chômage, corruption, sur lesquels un petit nombre prospère toujours plus. Sans bouc émissaire, la situation serait explosive. Il faut donc sans cesse convaincre les Européens « de souche » que la faute vient, non pas des puissants, mais des petites gens issues de l’immigration. On canalise leur angoisse, leur colère, leur ressentiment, contre l’islam – pendant que d’autres apportent à certains musulmans, selon le même principe, l’antique dérivatif européen de l’antisémitisme.

L’Europe s’étant stoppée elle-même, par ses horreurs incommensurables, dans sa « liberté d’expression » de l’antisémitisme, les juifs n’ont heureusement plus à supporter caricatures et livres ouvertement antisémites. Mais l’antisémitisme n’est pas mort. Certains l’exercent au prétexte de l’antisionisme, bien que antisionisme et antisémitisme ne soient aucunement équivalents. D’autres l’exercent contre les musulmans, autres sémites – et pour ne pas être taxés de racisme anti-Arabes, c’est-à-dire anti-Sémites, ils l’appellent islamophobie ou critique de l’islam. De là à pleurer sur l’éventualité de voir s’amenuiser les possibilités d’appeler à cette nouvelle haine antisémite, appelée liberté d’expression… Allons, les attentats terroristes, qui prétendent la combattre, la décuplent. Les djihadistes tueurs et les idéologues islamophobes, de même que les potentats pétroliers arabes, les industriels occidentaux et les colons israéliens, servent la même cause, celle des puissants pilleurs et accapareurs, qui cyniquement divisent les peuples pour mieux étouffer leurs possibilités de refuser la corruption, la tromperie et les abus des pouvoirs en place.

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Liberté d’oppression

Certains craignent que le terrorisme islamiste conduise les créateurs à l’autocensure. Crainte justifiée. Mais c’est surtout au cœur des hommes que ces terroristes font du mal, en attisant l’islamophobie, le racisme, le rejet de ceux dont ils se prétendent les frères. Quant à la liberté d’expression, elle subit l’oppression d’un bien plus puissant et plus occulte terrorisme, celui de la doxa, comme dit Parménide, de l’opinion dominante, organisée pour entraver la marche et la manifestation de la pensée.

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Fachoprocess

Fabulation et Stigmatisation, fascisation.

Élitisme et Lâcheté, alités.

Castration et Terreur, catéchisme.

Soumission et Domination, sous nation.

Transgression, état boue.

Sacrifice, sacrées fèces.

Insatisfaction, factions.

Forçage et tricherie, porcherie.

Impuissance et obsession, implosion.

Mort au ventre, échec et bide.

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Point aveugle (actualisé)

« … la création d’un entre-soi organisé autour de la transmission des pratiques, les meilleures comme les pires, plutôt que leur interrogation et leur examen critique ; le maintien d’un milieu marqué par le pouvoir, dans lequel on apprend à reproduire et à cultiver une certaine forme de secret loin du regard de la société ; la défense d’un esprit de corps empreint de domination où les interrogations et souhaits [de la personne] ont peu de poids face aux certitudes héritées d’un autre âge. De telles conceptions (…) sont de nature à rompre définitivement la confiance entre le monde (…) et le reste de la société qui ne les accepte plus. Nous (…) sommes tous concerné-e-s. Les femmes le sont particulièrement (…) mais les témoignages (…) démontrent que c’est bien le rapport [à l’humain] qui dysfonctionne. »

Il n’y a pas qu’à l’hôpital que certains* se comportent selon des « certitudes héritées d’un autre âge « . Et c’est ceux-là, et cela, que nous devons renverser.

* Comme le pape qui traite les parents de famille nombreuse de lapins et trouve « beau » qu’un père frappe ses enfants. Bonhomme et souriant, mais en fait paternaliste et dominant, emblème de l’esprit patriarcal, mort et volontiers abuseur, comme le « vieil homme » que Jésus veut renverser. IL EST MAL DE FRAPPER LES ENFANTS.