Odyssée, Chant II, v. 103-128 (ma traduction)

hier à Paris 5e, photo Alina Reyes

hier à Paris 5e, photo Alina Reyes


Voici donc la suite des reproches amers de l’un des prétendants, Antinoüs, à l’encontre de Pénélope. Ce qui ressort de son discours de petite frappe, c’est bien ce dont les accuse Télémaque, à savoir qu’ils font le siège de Pénélope depuis des années pour la forcer à épouser l’un d’eux. Et décidément odieux, il essaie de mettre son fils de leur côté. Nihil novi sub soli, les siècles passent et les hommes ne changent pas – mais ils ne sont pas tous pareils, tous ne se laissent pas emporter par le mal – pensons à tant d’  « élites » et intellectuels médiatiques qu’on voit en ce moment partir en vrille – certes la société les rend plus visibles, mais auront-ils le dernier mot ? L’Odyssée nous dit que non, la vie aussi.
Ici Pénélope, en suivant l’esprit divin plutôt que de se soumettre aux bas calculs des hommes n’apparaît-elle pas comme une préfiguration d’Antigone ? Sophocle comme Homère, conscients de vivre dans des sociétés patriarcales, ont eu le génie d’élever contre leurs pouvoirs abusifs de magnifiques figures de femmes intelligentes et combattantes.
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« Ainsi parla-t-elle, et nos désirs virils se laissèrent
Enjôler. Or chaque jour elle tissait la grande toile
Et chaque nuit la défaisait, en s’éclairant aux flambeaux.
Trois ans elle a voilé sa ruse et fléchi les Achéens,
Mais dans la quatrième année le moment est arrivé
Où l’une des femmes, sachant ce qu’il en était, l’a dit.
Et nous l’avons trouvée défaisant sa brillante toile.
Alors elle a dû l’achever, contrainte et forcée.
Ainsi te répondent les prétendants, que tu le saches bien
Dans ton esprit, et que le sachent tous les Achéens :
Renvoie ta mère et ordonne-lui de se marier
À qui son père voudra et qui lui plaira aussi.
Si elle faisait languir longtemps les fils des Achéens
En réfléchissant dans son esprit à tous les travaux
Splendides auxquels l’a exercée Athéna, à sa noble
Pensée, à son efficacité, telles qu’on n’entendit
Nul ancien en dire autant des Achéennes aux belles boucles,
Que ce soit Tyro, Alcmène ou Mykène au front couronné ?
Nulle n’était aussi intelligente que Pénélope
Aujourd’hui ; mais ses intentions ne sont pas convenables.
Et donc nous mangerons tes ressources et tes troupeaux
Aussi longtemps qu’elle persistera dans cet esprit
Que les dieux lui ont mis dans le cœur. De là viendront, pour elle
Grande gloire, et pour toi, perte de tes moyens d’existence.
Car nous n’irons pas à nos travaux, ni ailleurs
Tant qu’elle n’épousera pas un Achéen de son choix. »

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le texte grec est ici
le premier chant dans ma traduction, en entier :
à suivre !