Journée de la femme, journée de l’indignité

Vous êtes noir, vous êtes juif, vous êtes arabe, vous êtes musulman… vous devez affronter les mauvais regards ou même les mauvais traitements, les discriminations et les difficultés à vivre dans un environnement raciste ? Sachez que les femmes endurent chaque jour depuis des millénaires des violences morales, symboliques et physiques encore bien plus courantes et souvent pires. D’ailleurs, qui oserait inventer une « Journée du noir », ou une « Journée du juif », etc ? Contre les femmes, les hommes ont leur force physique, et leur force sociale, que parmi eux les lâches, les frustrés et les imbéciles exercent semblablement, qu’il s’agisse de petits cons harceleurs de rue ou de petits cons harceleurs au travail, de tyrans domestiques ou de paternalistes politiques. Sans compter nombre d’intellectuels, d’artistes et bien sûr de religieux, pour lesquels la position de la femme se résume à la vision judéo-chrétienne de Marthe ou de Marie : soit préparer le repas du maître, soit écouter le discours du maître. Qu’une femme puisse être maître de sa parole, ou même un maître de la parole, leur est insupportable. Je dis maître et je pourrais dire maîtresse, je suis pour la féminisation des mots selon les fonctions, je suis pour « Madame LA ministre », pour que ne soit pas gommé le corps dans la fonction. Mais ici je dis : qu’une femme puisse être UN maître de la parole, non pas au sens sexué, mais au sens UNiversel : car si dans notre langue « le masculin l’emporte sur le féminin », il s’agit alors d’un genre tout à la fois masculin et féminin, le genre de l’être humain accompli, « ni homme ni femme » comme dit saint Paul – dans une parole trahie par toutes les églises -, mais être humain tout entier. Un être humain qui dépasse les hommes comme les femmes dans leur masculinité ou leur féminité – ce pourquoi ils veulent pouvoir se rendre maîtres de sa parole, afin de ne pas s’en trouver dépassés. Or nous sommes, hommes et femmes, quoique nous fassions, dépassés par la parole libre et vraie, et tout combat contre elle est un combat contre l’humanité, tandis que tout combat pour elle, ou toute acceptation d’elle, est un salut pour l’humanité.

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et en ces jours d’avant élections, une vérité à voir : La grande illusion, Figures de la fascisation en cours

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Jerry Rubin, « Do it » (extraits)

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J’ai pris à la bibliothèque ce livre lu dans mon adolescence, et qui m’avait marquée. Malheureusement, plus tard, Jerry Rubin est passé de l’insolence à la soumission (la soumission au fric, au monde). C’est le problème des hédonistes, ils peuvent commencer bien, mais s’ils en restent là ils tombent en esclavage de leurs appétits, comme les cochons dont parlait Jerry, et ils deviennent pitoyables – voyez ce qu’il est advenu de nombre de stars, qui étaient au départ des êtres humains, des artistes. Revenons donc au temps où Jerry était encore libre et inventif, avec ces quelques passages piochés dans son livre, et rions du monde des hommes.

« Une manifestation, c’est pareil qu’une pièce de théâtre, disait Ginsberg. La vie, l’énergie, la joie qui en émanent peuvent en faire un spectacle exemplaire montrant aux gens comment se comporter dans une situation de danger et d’anxiété. »

« Pareils à des gosses imaginatifs, on jouait « à faire comme les grands ». Tout est possible quand on est petit.
On était des cow-boys et des Indiens, des pirates, des rois, des romanichels et des Grecs anciens. Un vrai panorama historique. »

« Nous sommes ce qui nous défonce. »

« Une famille qui se défonce est une famille unie. »

« La réputation ? On n’avait pas de réputation à perdre. Un boulot ? On n’avait pas de boulot à perdre. La Commission pouvait rien contre nous. »

« Nous sommes d’éternels adolescents. »

« L’âge ? Qu’est-ce que c’est ? Nous n’avons même pas de montres. »

« L’argent, c’est forcément le vol. Dérober l’argent des riches est un acte sacré, un acte religieux. Prendre ce dont on a besoin est un acte d’amour et de libération. »

« Devenir adulte, c’est accumuler de la merde. Rester jeune, c’est rejeter autant de merde qu’on en reçoit. Je suis pour le droit de vote à 5 ans et qu’interdiction soit faite aux plus de 40 ans de voter ou d’être élus tant qu’ils n’auront pas dégueulé toute leur merde. »

« Notre inquiétude sexuelle nous entraîne à affirmer à tout prix notre virilité, et c’est l’impérialisme. (…) L’Amérike a un pénis insatisfait qu’elle essaie vainement de fourrer dans le vagin étroit du Vietnam (…) La révolution part en guerre contre le péché originel, la dictature des parents sur leurs gosses, la morale chrétienne, le capitalisme et ses délires de masculinité. »

« Nous, les rêveurs, nous troublons le sommeil sans rêves de l’Amérike. »

« À ceux qui demandent : « Et votre programme ? », je tends le programme du Metropolitan Opera. Ou je réponds : « Regardez donc à la page des spectacles. Il y a tous les programmes. »

« Dans le doute, fous le feu. Le feu est le dieu des révolutions. Le feu, c’est du théâtre instantané. »

« Les révolutionnaires doivent créer un théâtre qui impose des références révolutionnaires. »

« Bien entendu, la vérité finit toujours par l’emporter. »

« Lee Oswald était semblable à des millions d’Amérikains anonymes qui n’ont droit à rien – ni au fric ni aux rêves ni à l’ambition. On ne prononce leur nom que le jour où ils tuent des rupins ou violent des filles de rupins. »

« En baptisant « cochons » les policiers, nous faisons injure aux cochons à quatre pattes. Les cochons à quatre pattes ne sont ni violents, ni sadiques. Ils adorent se rouler dans leur merde et la manger, sans plus. Ce sont des hédonistes. »

« Les États-Unis mettront fin à la guerre du Vietnam quand il deviendra encore plus difficile de continuer la guerre que d’admettre la défaite. »

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Des femmes et du voile

« Je ne suis pas contre les femmes voilées, je suis contre le voile », répond à Edwy Plenel l’une des femmes de culture musulmane. Je pourrais dire comme elle, avec une précision : je ne suis pas contre le voile, je comprends les raisons profondes et bonnes qui peuvent donner désir de le porter, mais je suis contre le voile vu comme obligatoire dans l’islam, ce qui est faux. Que la laïcité laisse donc aux femmes le droit de se voiler, et que l’islam leur laisse le droit de ne pas se voiler. Les musulmans et musulmanes qui prétendent que le voile est obligatoire opèrent un coup de force sur le Coran, qui ne dit rien de tel. Ils veulent faire dire au Coran ce qu’il ne dit pas, ce qui est un comble pour des musulmans, et font du voile le symbole même du voile qu’ils placent entre eux et la vérité, entre eux et la lumière, entre eux et l’intelligence et l’ouverture qui sont les propres du Coran et de son Prophète, paix sur lui. Ils font du voile le symbole même de leur voilement de l’islam, de leur repli dans une obscurité qui n’a rien d’islamique, par souci identitaire – un souci légitime mais qui ne doit pas être traité dans la facilité – par un bout de tissu – mais par le travail spirituel et intellectuel.
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Cette France aryenne qui fait le lit du Front National

Le nazisme français est comme le diable, sa ruse est de faire croire qu’il n’existe pas, ou qu’il est l’adversaire de ce qu’il est. Vaudrait-il mieux qualifier les chantres de l’aryanisme ordinaire de nazillons ? Quoiqu’il en soit, ce qui caractérise, parmi les fascismes, le nazisme, c’est son racisme obsessionnel. Ce racisme qu’on voit à l’œuvre aujourd’hui un peu partout en France, comme pensée dominante si écrasante qu’il devient presque impossible de la contester. Un jour c’est le président du CRIF, Roger Cuckierman, qui déclare que tous les actes de violence sont commis par des musulmans, et que Marine Le Pen est « irréprochable ». Qu’il soit un représentant des juifs de France ne l’empêche pas d’être l’allié politique objectif du Front National, parti qui n’a pas plus de respect pour les juifs que pour les musulmans mais qui a rallié le camp sioniste par opportunisme politique. La féministe Élisabeth Badinter, présente ces jours-ci dans Marianne et dans Marie-Claire, dans sa phobie obsessionnelle du voile ne rendit-elle pas hommage elle aussi à Marine Le Pen en disant qu’elle était la seule à défendre la laïcité ? Il est vrai qu’elle a les yeux aussi bleus que ceux de Jean d’Ormesson, qui est pour le magazine Elle du 16 janvier dernier « un monument national de francité, yeux bleus et suavité gauloise » – un peu comme les jeunes ukrainiennes néonazies que le même magazine soutient. Car selon Elle, « il aura fallu que nous nous disions tous « Charlie », « juifs », « policiers » pour nous sentir français. » On l’aura compris, le bon Français, le Français « policier », ne se sent « juif » que s’il s’agit des bons juifs, ceux qui sont capables de rendre hommage à l’aryenne Marine Le Pen, pas des juifs qui luttent contre le racisme et contre la colonisation israélienne. Le féminisme aussi doit être aryen : celui de Mme Badinter, pas celui de Rokhaya Diallo ni de Christine Delphy, brutalement censurées par la maire socialiste du 20e arrondissement de Paris. La première à avoir été empêchée de parler par cette maire et amie du féministe DSK fut Rokhaya Diallo, dont le caractère non aryen est sans doute par trop visible, puis vint le tour de Christine Delphy, quand il apparut qu’elle n’était pas non plus porteuse d’idées suffisamment blanches. Mais le fascisme a-t-il jamais été connu pour son respect de la liberté d’expression ? Dans le même numéro de Elle, magazine des femmes libérées de rien et enchaînées à un tas de conneries, l’éditorialiste évoquait la rencontre télévisée de Jean d’Ormesson, « monument de la francité » donc, avec Abd al Malik, qui lui était qualifié, non pas de français bien qu’il soit né dans le 14e arrondissement de Paris, mais de « noir et musulman ». En vérité je vous le dis, de ces deux Français, l’un est vieux et fini, comme la France qu’il représente prétendument.

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Rappel : La grande illusion, Figures de la fascisation en cours

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