l’évolution, du latin au français moderne, de villanos à vilains

Je parlais du concours de l’agrégation dans la note précédente. Voici un exemple de question de grammaire en ancien français – une épreuve qui comporte une version d’un texte antérieur à 1500 et plusieurs questions de grammaire et de lexique. Voici l’une de celles qui furent posées en 2008, avec ses réponses. Cela indiqué pour donner une petite idée de la profondeur de la langue – et du ridicule qu’il y a à s’émouvoir de quelques souplesses données à l’orthographe, comme si notre langue devait être maintenant figée, comme si elle était une langue morte.

vilains vilains,

(Vilains signifie alors paysan)

Pour en savoir davantage sur cette épreuve, voir les autres questions et leurs réponses, et toutes les épreuves du concours cette année-là : c’est ici.

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Préparer l’Agrégation externe de Lettres modernes

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Il est conseillé d’y consacrer une année entière à temps plein, consécutive à cinq années d’études après le bac, et dans le cadre d’une préparation spéciale à suivre à l’Université ou en cours par correspondance.

Je ne suis pas du tout en mesure de donner des conseils, m’étant décidée en octobre dernier, ayant à peine cinq mois de préparation, que je fais seule, sans cours ni aide et avec seulement les livres au programme (n’ayant pas les moyens d’en acheter), et alors que mon diplôme date de bientôt 30 ans. De plus je suis requise par des soucis matériels sérieux, et fatiguée par un traitement anti-cancéreux. Autant dire que j’ai très peu de chances d’être reçue à ce concours. Cependant je veux essayer de dire ce que m’apporte le fait de le tenter.

Linguistique, lexicologie, grammaire du français, ancien français, grammaire de l’ancien français : dans ces domaines scientifiques j’ai quasiment tout oublié. En anglais cela devrait à peu près aller ; en grec ancien je ne suis sans doute pas au niveau. Mais je sais que ce que nous avons appris nous a formés. A formé notre cerveau, physiquement. Et si je ne peux extraire de ma mémoire le détail de ces connaissances acquises il y a longtemps, le fait d’avoir à y retourner réactive cette forme de lucidité et d’exigence que donne l’étude précise des faits, des fonctionnements. D’ici le 7 mars prochain, date de la première épreuve, j’aurai fait ainsi durant ces mois un grand nettoyage de printemps dans mon esprit.

Quant aux épreuves de littérature, je n’aurai eu le temps de lire que les œuvres au programme – et quelques articles sur ces œuvres. Lire attentivement les quatorze œuvres au programme constitue déjà un marathon. Les épreuves de dissertation, qui dureront sept heures, en seront d’autres. Pas de choix entre plusieurs sujets, pas question donc de faire des impasses. Et les dissertations doivent être rédigées sans disposer des œuvres, il faut donc les avoir suffisamment en tête pour pouvoir écrire quinze à vingt pages (me semble-t-il) sur une question particulière et bien sûr inattendue, en ayant en mémoire les citations appropriées. C’est alors qu’il va falloir compter sur les ressources de son intelligence, et sur une mobilisation digne de celle d’un athlète lors d’une compétition : tout à la fois l’endurance d’un coureur de fond et l’élan formidable d’un sprinter.

Cela dit et récapitulé, il me semble que cela peut aider. Et même si je devais échouer, je n’aurais rien perdu. Je le dis à tous ceux qui tentent quelque chose de difficile : si vous le faites honnêtement, quel que soit le résultat, vous n’aurez rien perdu. Bien au contraire. Nous ne perdons que lorsque nous ne faisons que répéter toujours ce que nous savons faire. C’est ainsi que notre cerveau s’encrasse, et que nous mourons dans notre crasse. Je l’ai déjà dit assez souvent, je suis pour la difficulté. Mais la bonne difficulté. Non pas celle des complications et rigidités inutiles de l’orthographe (un peu de souplesse avec l’accent circonflexe, oui c’est très bien, il est des cas où il n’y a aucun mal à s’en passer ! – et il est meilleur par exemple de rendre nénufar à son orthographe logique et correcte, avec un f, pour ce mot qui vient de l’arabe et non du grec), non pas la difficulté qui fait stagner ou régresser, mais la difficulté qui fait avancer. Par exemple, suivant Yves Michaud, je suis pour l’enseignement de la philosophie dès l’école primaire. Faut-il classer les Pensées de Pascal, au programme de l’agrégation de Lettres cette année, dans la littérature ou dans la philosophie ? Dans la littérature, mais en ayant à l’esprit que ce texte a une coloration philosophique, ou une parenté avec la philosophie, comme tous les vrais textes littéraires. Et voilà encore une remarque qui peut nous aider à passer ce concours, qui honore notre système éducatif par la hauteur de son niveau. Puisse-t-il tirer vers le haut tout ce qui dans le reste a grand besoin d’être élevé ou relevé.

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« Une Femme disparaît », par Alfred Hitchcock

Aux premières images du village enneigé, puis avec le grouillement de gens dans l’hôtel, j’ai pensé à ce tableau de Pieter Brueghel le Jeune

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Et de fait, ce film d’Hitchcock, où les maisons sont des maquettes et les personnages semblent tout petits dans cette agitation, met en scène aussi l’agitation de l’Histoire (le film est sorti en 1938), dont les hommes restent plus ou moins inconscients mais qui les prend tout de même dans son inquiétante étrangeté, alors que des forces obscures et malfaisantes manipulent les esprits et les faits et instaurent une paranoïa ou une apparence de paranoïa. Une avalanche, un train bloqué, un hôtel bondé, du bruit (préfigurateur de fureur)… je vous laisse découvrir le tableau, et sa suite, traitée avec brio, légèreté, humour… et une profondeur qui fait voyager d’une disparition à… et d’un « enterrement » (d’une vie libre) à… vous verrez !

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https://youtu.be/f3dlBcxMVB4
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« Dix petits Indiens », Agatha Christie adaptée par René Clair

https://youtu.be/UeRQ7akSqfA
Plus le film avance, plus il est prenant. C’est la première adaptation au cinéma du roman d’Agatha Christie, et mine de rien les questions métaphysiques « tous coupables ? » ou « d’où vient le châtiment ? » ou encore « tous doivent-ils payer ? » prennent au cours du film un certain poids qui appelle une délivrance. Mais je ne spoilerai pas, je n’en dis pas plus !

Quelques-uns de ces êtres de génie que ce monde rejette

camille-claudel-С2Camille Claudel, morte à l’asile où elle fut enfermée pendant trente ans par son frère et sa mère

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Rimbaud-377x600Arthur Rimbaud, mort d’avoir fui les miasmes du milieu littéraire

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nietzscheFriedrich Nietzsche, mort enfermé pour s’être élevé au-dessus de l’ « humain, trop humain » (et de sa mère et de sa sœur, ces « canailles »)

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van-gogh-autoritratto-1889-orsay-1Vincent Van Gogh, mort harcelé par des petits bourgeois, mort d’avoir peint plus puissamment que tout autre

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eriksatieErik Satie, mort dans la misère, dans un monde qu’il continue pourtant à enchanter

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artaud par artaudAntonin Artaud, enfermé et affamé pendant l’Occupation, mort de lucidité

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Bien entendu ils sont beaucoup plus nombreux, y compris parmi les scientifiques (voir par exemple Alexander Grothendieck, présent ici), et y compris aujourd’hui. Il faudrait s’interroger sur cette tendance de l’époque moderne à être incapable d’accepter le génie humain quand il est incarné, son incapacité à le laisser vivre librement dans la société.

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