Cela marche

Aujourd’hui c’est l’hiver, j’ai dormi comme l’ours dans la grotte.

En dormant j’ai rêvé, comme toujours depuis des semaines j’ai rêvé que je peignais, j’ai rêvé parfois en peinture aussi, des rêves peints. Et j’ai rêvé au naturel, comme nous vivons :

j’ai rêvé que nous marchions, gens de toutes nations (près de moi des Hindous), sur la plage, le long de l’eau, paisiblement dans une belle lumière, vers un grand paquebot qui nous attendait.

Libérer les oppresseurs

Nelson Mandela, dit Jacques Derrida dans le hors-série de l’Humanité, «  a écrit un très beau texte dans lequel il explique qu’il s’agissait pour lui non seulement de libérer son peuple de l’apartheid, mais qu’il s’agissait aussi d’en libérer les Blancs ; qu’il s’agissait, dans un processus de libération interminable, de libérer aussi les oppresseurs, dans la mesure où ceux-ci sont eux-mêmes asservis par leur propre idéologie, leurs propres intérêts. » 

C’est exactement aussi mon enjeu, j’y pense très souvent et le temps qui passe ne fait que le révéler de façon toujours plus aiguë. J’ai pensé les Pèlerins d’Amour, dans Voyage, en grande partie pour travailler à l’entente entre les hommes de différentes religions. Je les ai pensés seule, et il n’a pas été difficile de fédérer sur cette idée, telle que je l’ai développée – même si ma position personnelle, vécue et dite dans Voyage, réellement inter-religieuse, n’est pas facilement acceptable. Cette entente ne sera pas facile à réaliser, mais ce n’est pas le plus difficile, car beaucoup, y compris parmi les chefs spirituels et politiques, la souhaitent. Le plus difficile, ces années qui passent sans que rien ne se passe parce que je ne veux pas travailler dans des conditions inéquitables, ces années de paralysie où l’ « on » compte sur le mensonge et l’oppression, dont l’empêchement de publier, pour me faire céder, ces années prouvent que le plus difficile est de faire prendre conscience aux hommes en question qu’ils doivent d’abord être eux-mêmes libérés, avant de pouvoir songer à participer à la mise en œuvre d’une action de libération réelle. Libérés de leur propre système de domination.

Le plus difficile est de libérer les dominants de leur domination, plus forte qu’eux. Domination sociale des « dirigeants » sur ceux qu’ils estiment devoir « diriger », et, particulièrement sensible aussi dans notre cas, domination sociale des hommes sur les femmes, en particulier dans l’ancienne génération et chez les religieux – « Nous nous attaquerons au sexisme et au racisme », a dit Mandela dans son premier discours de président – et il a insisté un peu plus loin en s’engageant à libérer le peuple de « la discrimination liée au sexe ou à toute autre discrimination » puis à conduire le pays « hors de la vallée des ténèbres » « en tant que premier président d’un gouvernement uni, démocratique, non racial et non sexiste ». Hors de cette domination à laquelle ils tiennent de façon panique, comme l’enfant accroché aux jambes de ses parents. Mais moi je veux des hommes libres, et je ne traiterai et ne vivrai que comme je vis, en homme libre. Pour beaucoup il est trop tard, mais d’autres sont là et d’autres arrivent.

Nelson Mandela par Ernest Pignon-Ernest

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(cliquer pour voir en grand)

Tout à l’heure j’ai acheté le hors-série de l’Humanité sur Nelson Mandela. Un numéro très riche en témoignages, que je n’ai pas  encore eu le temps de lire. L’une des belles photos de jeunesse, en habit traditionnel, d’après lesquelles je l’ai peint, s’y trouve. Et surtout je désirais avoir le dessin qu’a fait de lui Ernest Pignon-Ernest spécialement pour ce numéro. J’avais déjà mis du scotch aux deux coins supérieurs quand j’ai songé, avant de l’accrocher au mur, à le photographier pour vous en faire profiter.

Comme vient le temps des cadeaux, j’ai aussi mis à jour ma page dessins, en donnant à chacun un titre et un (petit) prix, comme je l’avais fait pour la page peintures.

Et demain, comme je l’ai fait aujourd’hui, je vais à la poste envoyer Voyage à qui l’a acheté. Salut et bonne lecture !

Pleine lune

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Aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes.

En plein jour Vénus était parfaitement visible, au sud sud-ouest. Et ce soir, une belle pleine lune.

Tout à l’heure à 19h01 et pendant 3 mn, la station spatiale internationale passera dans le ciel de Paris, à la hauteur maximum de 61 degrés, apparaissant à l’ouest et disparaissant au nord. Pour recevoir ses horaires de passage chez vous dans votre boîte mail, inscrivez-vous ici sur le site de la Nasa.

Bonne soirée !

De l’autre côté, l’aube

J’ai souvent rêvé, depuis toujours, que j’habitais dans un phare. L’un de mes livres préférés est Armen, de Jean-Pierre Abraham – quel beau nom – qui raconte sa vie de gardien de phare. J’ai vécu jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans face au phare de Cordouan. J’ai rêvé aussi que j’étais une baleine blanche, je plongeais dans les profondeurs et je riais. De l’âge de onze ans jusqu’à l’âge de dix-sept ans, j’ai pris le bac deux fois par semaine, dont l’une était le lundi vers six heures du matin, pour traverser l’estuaire de la Gironde. Parfois je l’ai fait en vedette de secours, quand la tempête empêchait le passage du bac. J’aime Istanbul, j’aime Anvers, Saint-Nazaire, j’aime les ports. À l’âge de dix-sept ans j’ai fait ma première traversée de nuit entre Le Pirée et Héraklion. Je l’ai refaite plus tard, toujours avec la joie indicible de l’arrivée au blanc du petit matin. La deuxième traversée de nuit très importante que j’ai vécue fut celle que je fis en 2007 entre Le Pirée et Pythagorio, en escale pour Patmos, passant volontairement une nuit blanche dehors sur le pont pour mieux la sentir et goûter l’aube. Ne vous laissez pas voler l’aube, c’est à elle de vous enlever.