Annoncé parti le jour anniversaire de la mort de Rimbaud. Les poètes ne meurent pas, ils relaient la vie !
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Annoncé parti le jour anniversaire de la mort de Rimbaud. Les poètes ne meurent pas, ils relaient la vie !
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aujourd’hui à Paris 5e et 13e, photos Alina Reyes
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cette nuit à Paris 14e, photo Alina Reyes
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En rentrant à pied d’un colloque à la Sorbonne sur Les Contemplations de Victor Hugo (sur lesquelles je veux écrire bientôt un texte que je donnerai ici), j’ai photographié deux belles œuvres de street art que je n’avais pas encore vues dans le 5e. De retour à la maison, j’ai trouvé cette vidéo touchante d’Alain Decaux sur Hugo, sa mort et sa présence toujours vivante. J’ai aussi recopié un texte trouvé dans un amphi, sur un polycopié abandonné avec des histoires d’humains secourant des fauves, lions et panthère, et à leur tour secourus par eux, de Pline l’Ancien et d’Aulu-Gelle. Et je finis la note avec un extrait de celle des Nuits attiques d’Aulu-Gelle, livre V, XIV (traduction de Chaumont, Flambart et Buisson). Le narrateur cherche une retraite pour échapper aux poursuites d’un tyran – et dès qu’il la quittera, dès qu’il quittera le lion, « la vie sauvage », il sera de nouveau pris par les soldats. Ces histoires peuvent très bien être inspirées de faits tout à fait réels – récemment on a pu voir une vidéo filmée par des plongeurs dans laquelle un dauphin venait leur demander très clairement de lui retirer un morceau de harpon qui l’handicapait, se disposait du mieux possible pendant l’opération, puis remerciait par un charmant ballet avant de s’en aller, libéré. J’ai moi-même un jour libéré un taureau qui s’était pris les cornes dans un filet, cela n’a pas été très facile mais ensuite il s’est couché à mes pieds (alors que c’était un taureau – appartenant à la ferme d’en bas – toujours très agité et en train de faire la mauvaise tête – ce qui lui a valu de finir prématurément à l’abattoir). Le début de ce beau texte rappelle l’incipit de la Divine Comédie, sauf que tout y est inversé puisque, comme chez Hugo, la vie sauvage est salvatrice.


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Je marchais brûlé par les rayons ardents du soleil, alors au milieu de sa course, lorsque je trouvai sur mon chemin un antre ténébreux, isolé ; j’y pénètre, m’y cache. Peu d’instants après, je vis arriver ce lion, marchant avec peine ; une de ses pattes était toute sanglante ; il poussait des rugissements et des cris affreux que lui arrachait la douleur causée par sa blessure. D’abord la vue de ce lion qui se dirigeait de mon côté me glaça de terreur et d’effroi ; mais, dès qu’il m’aperçut au fond de l’antre qui évidemment lui servait de repaire, il avance d’un air doux et soumis, il lève sa patte, me la présente, me montre sa blessure et semble me demander du secours ; alors j’arrache une grosse épine enfoncée entre ses griffes, je presse la plaie et j’en fais sortir le pus qui s’y était formé ; bientôt revenant un peu de ma frayeur, j’épongeai soigneusement la plaie et en enlevai le sang. Le lion, que j’avais soulagé et délivré de ses souffrances, se couche et s’endort paisiblement, sa patte dans mes mains. À partir de ce moment, nous vécûmes ensemble dans cet antre pendant trois ans.
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Perruches jacassant dans les feuillages
Automne dorant, illuminant l’arbre épanoui
un couple de canards vaque sur l’eau
haïku d’images…
… plus belle encore que du Virgile, la vie au jardin des Plantes, qui rend vie, cet après-midi à Paris, photos Alina Reyes
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Arriver à l’automne de ma vie toujours vivante, voilà pour moi une grande victoire, et qui augure un bel hiver, plein comme une femme enceinte d’un printemps – que je meure dans quarante ans ou dans quarante minutes. Ce n’était pas gagné d’avance, ça ne l’est pour personne, j’en avais pleinement conscience adolescente, voyant ce qu’acceptaient tant d’adultes et que je refuserais : ce refus pouvait me faire mourir physiquement. Or je n’ai pas trahi – quelle plus profonde joie peut-on connaître, après la traversée périlleuse de l’âge adulte ? Je suis arrivée indemne et à bon port, rien ne pourra plus m’enlever cela. Bien sûr j’ai fait des erreurs, j’ai commis des fautes. Mais je ne m’y suis pas résignée. Nous faisons tous des erreurs et des fautes, mais il y a d’une part une distinction fondamentale entre les fautes commises en connaissance de cause, délibérément (le plus souvent au prétexte de quelque « bonne cause », dans la philosophie fausse qui justifie les moyens par la fin), et celles que nous commettons par ignorance, par imprudence, par légèreté, sans volonté de blesser, dominer ou détruire autrui. Mais même les erreurs et les fautes involontaires peuvent faire beaucoup de mal, et je ne suis pas de ceux qui disent à propos de tout ce qu’ils ont fait : si c’était à refaire, je le referais. Non, surtout pas ! Ce que j’aurais dû ne pas faire, je ne le referais surtout pas ! C’est justement la conscience que ce n’était pas nécessaire, le refus d’une fatalité du mal, qui permet d’être toujours vivant, très vivant.
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Je suis allée travailler un peu dehors par cette belle journée, et me promener dans le dédale de l’hôpital, le plus grand d’Europe, ville dans la ville, notamment dans certaines de ses parties discrètes et désertes, pleines de charme


















aujourd’hui à Paris, photos Alina Reyes
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