So long, « Voyage » !

 

voyage-papier.couv.smallAujourd’hui j’ai fini de distribuer les exemplaires qu’il me restait de mon livre Voyage (je n’ai pas compté, mais il devait y en avoir environ 150). Tout l’été j’en ai déposé, jour après jour, dans des boîtes à livres, sur des bancs publics, dans des jardins, dans des églises, dans des résidences diverses à Paris. O en a déposé aussi quelques-uns dans des boîtes à livres en Champagne et près des châteaux de la Loire. Le livre partait vite – indépendamment du contenu, c’est un bel objet, comme me le dit un jeune vendeur de chez Gibert, qui me demanda quel était l’artiste qui avait réalisé la couverture. Voilà, c’est très bien : partir en voyage ne sert à rien si on ne sait pas en revenir. Sans doute continuera-t-il à voyager de mains en mains, de boîtes à livres en boîtes à livres, de lecteurs en lecteurs, ou simplement de curieux en curieux. Rien ne peut me satisfaire mieux. Toute la beauté est là, celle du geste gratuit. Voilà un livre qui aura eu un destin peu commun. Et c’était en quelque sorte ma forme de participation au Street Art, avec les Post-It littéraires que j’ai aussi distribués précédemment dans la ville. La vie au naturel, la vie libre est un poème.

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Poésie urbaine (et selfie)

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Ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

Et un selfie d’après yoga. Chaque matin une heure ou plus de yoga (hatha yoga, vinyasa, yin yoga, kundalini… je goûte à tous, avec les enseignantes et enseignants les meilleurs que je trouve en ligne, indiens, américains, français, allemands, canadiens…), chaque après-midi une heure de marche ou plus, et chaque jour un peu plus de force, de souplesse et de joie.

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Pensées ailées, et esprit zen avec Shunryu Suzuki

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Le yoga a transformé ta vie, ton mental et ton corps (en « corps de rêve »), me dit O ce matin. C’est vrai. Mental enraciné et corps ailé font voyager sans encombres la vie. Ce mental, ce corps, cette vie se sont transformés en ce qu’ils étaient déjà et en quoi il faut toujours que de nouveau ils se retransforment, pour ne pas s’abîmer. Les méthodes sont variables, mais seules sont valables celles qui engagent à la fois le mental, le corps et la vie.

 

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Enseignante est mon premier métier – j’avais dix ou onze ans, j’ai été embauchée pour enseigner l’orthographe à un enfant, jour après jour. Qui veut enseigner doit constamment se renseigner. Ici j’enseigne ce que je sais à qui veut l’apprendre (je sais que comme en classe il y en a qui s’agitent ou qui dorment, peu importe), comme j’apprends d’autres enseignants, humains ou autres. Au jardin, j’ai contemplé les animaux et les végétaux, et j’ai encore lu Esprit zen esprit neuf, de Shunryu Suzuki, dont voici quelques autres passages :

 

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p. 86-87 : « Quand nous sommes assis en zazen, nous reprenons notre activité fondamentale de création. On peut dire qu’il y a trois formes de création. La première, c’est être conscient de nous-mêmes après zazen. Quand nous sommes assis en zazen, nous ne sommes rien, nous ne nous rendons même pas compte que nous existons ; nous sommes simplement assis en zazen. Mais quand nous nous levons, nous sommes là ! C’est la première étape de la création. Quand vous êtes là, tout le reste est là ; tout est créé instantanément. Lorsque nous émergeons de rien, lorsque tout émerge de rien, tout nous apparaît comme une création neuve. C’est le non-attachement. La seconde forme de création a lieu quand vous agissez, ou quand vous produisez ou préparez par exemple de la nourriture, du thé. La troisième forme est la création de quelque chose en vous-même, comme l’éducation, l’art, ou un système pour notre société. Il y a donc trois formes de création. Mais si vous oubliez la première, la plus importante, les deux autres seront pareilles à des enfants qui ont perdu leurs parents : leur création n’aura aucun sens. »

 

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p. 110 : « Nous devrions toujours vivre dans la vacuité du ciel obscur. Le ciel est toujours le ciel. Même si viennent nuages et foudre, le ciel n’en est pas gêné. Même si vient l’éclair de l’illumination, notre pratique l’oublie complètement. Elle est alors prête pour une autre illumination. Il nous est nécessaire d’avoir des illuminations les unes après les autres, et, si possible, d’instant en instant. C’est ce qu’on appelle illumination avant de l’avoir et après. »

p. 150 : « Dogen-zenji dit : « Même à minuit, l’aube est là ; même à l’aube naissante, c’est la nuit. » »

p. 154 : « Quand vous faites zazen, (…) quelle que soit votre activité, la vie devient un art. »

p. 180 (dernière page) : « Nous devons avoir l’esprit neuf d’un débutant, affranchi de toute possession, un esprit qui sait que tout est en changement continuel. Rien n’existe si ce n’est dans sa forme et sa couleur actuelles. Une chose coule en une autre sans pouvoir être saisie. Avant la fin de la pluie, nous entendons un chant d’oiseau. »

 

jardin des plantes 5-minAujourd’hui au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Street Art du jour

Baskets et sac à dos (pour ce que j’apporte et ce que j’emporte), j’arpente la ville. Même dans les quartiers qu’on connaît depuis longtemps, il y a toujours quelque chose à découvrir ou à redécouvrir. Par exemple aujourd’hui une librairie chinoise et asiatique. Et puis les gens, et puis les immeubles, et puis le Street Art que je continue à photographier sur mes passages. Voici celui du jour, dans l’ordre où les œuvres sont apparues sur mon chemin :

 

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street art 10-minAujourd’hui à Paris 5e et 6e, photos Alina Reyes

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Rentrée de la classe. Aux élèves

Cet après-midi à la bibliothèque des chercheurs du Muséum d'Histoire Naturelle, de ma table

Cet après-midi à la bibliothèque des chercheurs du Muséum d’Histoire Naturelle, de ma table

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Depuis que tous mes enfants sont devenus adultes, à chaque rentrée des classes j’ai un moment de nostalgie en me rappelant les temps où je les accompagnais à l’école, les aînés puis vingt ans après les cadets, main dans la main. Depuis deux ans, s’y ajoute la pensée de mes élèves. Je ne risquerai plus ma santé en retournant enseigner aussi loin de chez moi mais je garde dans mon cœur un souvenir aimant, émerveillé, du temps que j’ai pu passer avec eux. Alors aujourd’hui, pour rendre hommage à tous ces enfants, à tous les enfants, j’ai décidé de faire ma rentrée des classes, moi aussi. J’ai mis mon ordinateur et mon grand cahier dans mon cartable et je suis allée travailler à la bibliothèque. Fini, les vacances. Le temps des vacances est bon et le temps de la rentrée est bon. Heureuse de retrouver mon roman, après l’avoir laissé reposer tout l’été. Heureuse, en le relisant, de voir que le travail accompli jusqu’ici m’apparaît maintenant porteur de possibilités que je n’y avais pas encore vues (j’ai bien fait de le laisser reposer : il a travaillé pendant ce temps comme l’esprit travaille pendant le sommeil). Heureuse d’avoir encore à travailler pour le terminer. Je suis encore fatiguée intellectuellement, j’ai traversé beaucoup d’épreuves fatigantes et malgré cela (et non grâce à cela) j’ai continué à avancer dans la recherche et la connaissance spirituelles et c’est ainsi que le travail que je fais malgré la fatigue va vers une dimension nouvelle de l’être, jusqu’à présent inconnue ou inexplorée.

Le repos c’est doux, mais le travail, c’est classe. C’est par le travail qu’on se surpasse. Si on y met son cœur. Si on ne triche pas. Je ne triche pas, parce que je n’ai aucune intention de gagner, ni de perdre. Ni de paraître, ni de disparaître. Je n’ai pas d’intention. Je suis à ce que je fais : dans tout travail, c’est ce qu’on peut faire de meilleur. Être à ce qu’on fait. Se donner. Sans autre but que d’accomplir de son mieux ce qu’on a à accomplir. Ce sont les humains qui vivent ainsi qui sauvent le monde, à chaque instant et siècle après siècle. Leur existence pacifique, combat de chaque instant, victoire de la présence à chaque instant, est la meilleure guerre contre le mal, le mensonge, la zizanie, la mort que sèment les insensés qui perdent leur vie en voulant la gagner, les avides, les vampires qui ont si peu de vie qu’il leur faut la prendre chez ceux qui vivent.

Quelle belle lumière il y avait dans les faîtes des arbres, derrière les baies vitrées ouvertes de la bibliothèque. Je suis dans l’Esprit et l’Esprit est en moi, qui ne suis rien d’autre. Livrée à ses transformations, transformante. Élèves, par la recherche et le savoir, transpassons-nous, transformons-nous, soyons, humbles et patients, dans la puissance réelle.

 

Ikkyû, la saveur du zen

zenCe samedi soir, dans la paix de l’appartement, j’ai lu et médité, émerveillée, les textes du moine-poète Ikkyû (1394-1481) et d’autres cités par lui, rassemblés dans ce recueil, La saveur du Zen, traduits du japonais et présentés par Maryse et Masumi Shibata (Albin Michel, 1988). Plutôt que de gloser sur eux, je donne ceux que j’ai recopiés dans mon cahier au fur et à mesure de ma lecture, afin que chacune et chacun puisse les goûter librement. (J’ajoute seulement, concernant la théorie de la réincarnation, qu’elle est immédiatement utile si l’on considère que chacun de nous a une succession de plusieurs existences dans sa vie, au cours desquelles il est possible d’évoluer ou de stagner ou de devenir plus bas). Le livre comprend aussi des textes sur la cérémonie et la philosophie du thé, que je ne cite pas ici – à vous d’aller voir !

de Musô, p. 22 :

Ce monde est un rêve.
J’y suis né comme en rêve
Et j’en disparaîtrai telle la rosée.
Quelle tranquillité j’y trouve !

de la mère d’Ikkyû, p. 24 :

La lune est tantôt visible tantôt cachée
Dans l’écoulement du temps.
Mais elle est limpide et invariable.
Qui connaît sa couleur véritable ?

Du précepteur Jichin, p. 25 :

Je fauche des broussailles
Et je les lie.
Alors un ermitage est construit.
Si je les délie,
La plaine est comme auparavant.

de Wou-men, p. 32 :

On ne peut ni dessiner ni peindre le Visage originel.
Vous n’y parviendrez, à le louer.
Cessez de L’accepter au moyen des sens !
Il n’y a de place pour contenir le Visage originel.
Même au moment de la destruction de l’univers
Il ne pourrit pas.

d’Ikkyû, p. 36 :

« Parlez-moi du moment où une voile n’est pas encore hissée. »
(Note : le Moment = avant l’apparition des phénomènes.)
Un Éveillé répondit : « Un petit poisson avale un grand poisson.
– Après l’avoir hissée comment ?
– Un grand poisson avale un petit poisson. »

p. 37 :

« La Non-Essence Originelle a une Forme Noire. »

p. 38 :

Les êtres vivants égarés ne peuvent trancher ni la forme ni l’esprit. Même s’ils parviennent à les trancher, étant donné que leurs sabres sont émoussés, ils ne peuvent les trancher net, alors que Manjusri (symbole de la Sapience) les trancha d’un seul coup de son sabre effilé.

p. 39 :

Le vieillard (…) demanda enfin : « Un yogin bien avancé en exercice tomberait-il aussi dans la causalité ? » Le Maître dit : « Il n’obscurcirait pas la causalité. » Sur ce mot, le vieillard réalisa le Grand Éveil et, en s’inclinant, il dit : « Je viens d’échapper à la vie du renard et j’habiterai derrière cette montagne. »

p. 40 :

Ne pas tomber, ne pas obscurcir.
Deux marques, mais un même dé.
Ne pas obscurcir, ne pas tomber.
Mille erreurs, dix mille erreurs.

p. 41 :

Vous avez des expériences de causalité dans votre vie et il n’y a pas de vérité plus profonde que celle-là.
(…)
Lorsqu’on est égaré, on essaie d’éteindre un feu avec du feu, d’écrire des lettres sur l’eau avec de l’eau, de remplir l’océan avec du sable et d’entourer une montagne avec de la terre. À cause de ces sottises les gens (…) manquent à leurs obligations, ils deviennent de plus en plus aveugles et ils veulent mesurer le ciel infiniment vaste avec leur petit point de vue limité. Ainsi, ils ne seront jamais sauvés non seulement dans cette vie mais même au cours de vies prochaines.

Par ses traducteurs, en commentaire d’un poème d’Ikkyû, p. 183 :

[Ikkyû accuse les moines du temple Daïtoku-ji de sectarisme et il s’encourage à la recherche de la Voie risquant la mort. Voici une maxime du Zen :

Un tigre feule.
Vent violent.

Ou bien : « Le tigre féroce ne mange pas la viande pourrie. »]

d’Ikkyû, p. 206 :

Le bambou sert à fabriquer le pinceau.
Aujourd’hui je répare la haie avec ce bambou.
Voilà, manœuvre élégante pour moi, poète.
Ce pauvre ermitage est un bureau d’édition.
Cet après-midi je ferai prendre l’air aux livres.
En m’allongeant en paix,
J’exposerai mon ventre au soleil.
Bruit de la pluie et brise fine,
Ce sont aussi des œuvres littéraires.

Le Yoga, musique et écriture du corps. Avec la Bhagavad-Gita, Marilyn Monroe et Yehudi Menuhin

marilyn-monroe-yoga-1948Photos de Marilyn Monroe yogini, prenant des cours de Yoga avec Indra Devi, en 1948

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Terminons notre lecture de la Bhagavad Gita avec ce passage du Chant XV, « L’Être ultime » :

« Il est en ce lieu où l’on entre
Mais d’où jamais l’on ne revient.
Sans illusion ni arrogance,
L’esprit concentré sur le Soi,

Serein, sans désir désormais,
Affranchi des joies et des peines,
Du plaisir et de la douleur,
Le sage atteint l’éternité. »

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Yehudi Menuhin, fantastique violoniste, était aussi un yogi. Il disait :

« La pratique du yoga développe un sens fondamental de la mesure et des proportions. Elle nous ramène à notre propre corps, notre premier instrument, et nous apprenons à en jouer, à en tirer le maximum de résonance et d’harmonie. »

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Pour moi, le Yoga est aussi une écriture du corps, chaque posture étant une lettre que le corps trace et l’enchaînement des postures, modulable à l’infini, des phrases que le corps écrit.

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Les tout derniers mots de la Bhagavad-Gita sont dits par le témoin de ce splendide dialogue entre Krishna et Arjuna :

« Où Krishna, Seigneur du Yoga,
Et Arjuna, l’archer, se tiennent,
Se tiennent splendeur, abondance,
Gloire et vertu spirituelle.
« 

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La posture de l’Arc est l’une de celles que je préfère faire :

arc

ainsi que celle du Danseur :

?????????… et d’autres, et toutes !

J’écris.

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