Le jardin (là jardin des Plantes)
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« Les murs renversés deviennent des ponts »
…
L’atelier
…
« Dessiner rend heureux »
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Ainsi qu’écrire à la bibliothèque dans les arbres (du Muséum)
Ces jours-ci à Paris, par tous les temps, photos Alina Reyes
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Le jardin (là jardin des Plantes)
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« Les murs renversés deviennent des ponts »
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L’atelier
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« Dessiner rend heureux »
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Ainsi qu’écrire à la bibliothèque dans les arbres (du Muséum)
Ces jours-ci à Paris, par tous les temps, photos Alina Reyes
*
Mon homme sent bon et il a bon goût.
Je ne dis pas ça parce qu’il m’a choisie,
je parle du goût de sa chair en bouche
et dans son odeur, de son plein de vie.
Partout dans mon corps sont des nids d’amour
pour lui.
Jour et nuit ses bras, moi dedans et lui
dans mes jambes.
Après l’hiver arbre gorgé de fruits
que nous dévorons.
*
Écrit ce matin au point de l’aube
Le Monde puis Libé ont refusé mon billet prônant une Notre-Dame rénovée par une flèche en forme de corne de licorne. Ce que les gens sont conformistes et coincés.
William T. Vollmann raconte dans Le Grand Partout ses épisodes de vie en hobo, voyageur clandestin sur les trains de marchandises d’Amérique. Il aime comme moi se rappeler la phrase d’Héraclite selon laquelle on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il traverse les vastes espaces américains. Cela me plaît. C’est un peu toujours la même chose, mais jamais la même. Comme à la montagne. On croirait qu’une montagne est immobile, mais quand vous y vivez, même si vous n’allez pas plus loin que le pas de votre porte pendant des jours, vous voyez que tout change sans cesse. Et pas seulement à cause de l’ombre voyageuse des nuages sur les parois, ni parce qu’à cause du relief le moindre déplacement de votre part transforme la perspective, le paysage. Le vivant change constamment. Quand vous revenez en ville, vous avez l’impression que tout est toujours pareil. On croirait le contraire, qu’une ville, a fortiori une grande ville, une capitale, est beaucoup plus en mouvement qu’un paysage désertique. Mais non, l’expérience sait que c’est l’inverse.
« Suivant une ornière, je marchai sans difficulté, le vent sombre dans mon dos. Avant que j’aie vidé ma première bouteille, l’eau était aussi chaude que du sang. Le vent soufflait de plus en plus fort, l’obscurité était de plus en plus complète. Je distinguais à peine les lumières de la vieille station d’entretien devant moi, derrière lesquelles se cachaient celles du ranch ; je reconnaissais les montagnes de mémoire plutôt que de vue. Soudain je me posai la question : Qui suis-je ? Je m’aperçus que je parlais à voix haute. Je n’arrêtais pas de me dire, tantôt en murmurant, tantôt en criant : Qui suis-je ? », écrit Vollmann (traduit de l’américain par Clément Baude). J’aime, en guise de réponse, le leitmotiv du pèlerin russe dans les Récits d’un pèlerin russe : « et je m’en fus, suivant le regard de mes yeux ».
« Plus il y avait d’étoiles, plus il faisait froid », écrit plus loin Vollmann, toujours voyageant sur un train de marchandises. Il comprend au matin qu’en fait ils étaient en train de gravir un canyon. C’est réel, plus on monte, plus on voit d’étoiles, mais aussi plus il fait froid (mais dans le froid le sang se réchauffe, si on monte en exaltation). Je pense à ce que dit le mathématicien Alain Connes : le temps est directement lié à la température -qui se refroidit avec l’expansion de l’univers, laquelle donne lieu à des objets d’où naît le temps.
Un jour où j’étais assise sous un arbre en train de lire cette phrase de Triangle de pensées, d’Alain Connes : « Étant donné un système logico-déductif non contradictoire, on ne peut pas formaliser sa cohérence de l’intérieur mais on peut formuler une proposition du type « la présente proposition est indémontrable ». », en même temps exactement que je lisais ces derniers mots, une femme près de moi dit : « il n’y a vraiment pas un nuage aujourd’hui ». Et dans ma tête les deux propositions se chevauchèrent, si bien que je crus un instant que celle que je venais d’entendre était celle que je venais de lire. Je poursuivis ma lecture. La phrase suivante était : « Une telle assertion n’est démontrable que si elle est fausse ». Je levai les yeux vers le ciel et en effet je vis qu’elle était fausse, il y avait bel et bien des nuages dans le ciel bleu, quoique blancs, fins et discrets comme de la soie.
Alain Connes écrit encore, à propos des mathématiques : « je maintiens qu’elles ont un objet, tout aussi réel que celui des sciences (…), mais qui n’est pas matériel, et n’est localisé ni dans l’espace, ni dans le temps. Il a cependant une existence tout aussi ferme que la réalité extérieure et les mathématiques s’y heurtent un peu comme on se heurte à un objet matériel dans la réalité extérieure. Cette réalité dont je parle, du fait qu’elle n’est localisable ni dans l’espace ni dans le temps, donne, lorsqu’on a la chance d’en dévoiler une infime partie, une sensation de jouissance extraordinaire par le sentiment d’intemporalité qui s’en dégage. »
petit tag face à la Sorbonne nouvelle, aujourd’hui, photo Alina Reyes
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Je me réjouis de la défaite totale de Me Emmanuel Pierrat, le type qui me fit perdre mon procès (mais payer très cher ses services – ne devrait-on pas faire comme aux États-Unis, payer l’avocat seulement s’il vous fait gagner ?) (naïve que j’étais de l’avoir choisi !) dans le procès en diffamation de son client Denis Baupin contre les femmes qui l’accusaient de harcèlement et contre Mediapart et France Inter. Vois-tu, petit monsieur, ce n’est plus si facile aujourd’hui de défendre tes copains les caïds de l’élite crasseuse qui se croient tout permis.








Ici il y a une dizaine d’années, il y avait une belle œuvre de Nemo, que j’ai photographiée plusieurs fois. Elle était peu à peu mangée par le temps et le lierre, puis elle a disparu. Le Street Art est précieux pour nous rappeler la beauté de l’éphémère et de la gratuité du geste, en ces temps où tant de monde s’accroche si bourgeoisement aux choses, aux réputations, aux conformismes.
J’ai aussi rephotographié des œuvres sur cet autre mur qui ont évolué ou qui ont été ajoutées depuis mon dernier passage :

Cet après-midi à Paris 13e, photos Alina Reyes
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Éclaté de rire en rêve cette nuit. Ça m’a réveillée et j’ai continué à rire, rire, rire.
Ce matin je me rappelle de cet autre éclat de rire en rêve, il y a près de quarante ans, qui m’avait réveillée aussi après avoir rêvé que j’étais une grande baleine blanche contre laquelle de tout petits chasseurs n’avaient rien pu faire, comme je l’ai raconté plus tard dans mon livre Ma vie douce.
Admirons la puissance de l’esprit.
Les jeunes filles qui viennent à la maison me disent qu’elles aiment mes ongles multicolores. J’ai songé cette nuit qu’avoir rendu ainsi hommage à Laura Dern dans Twin Peaks The Return, c’était saluer Lula dans mon film préféré du même David Lynch, Wild at Heart, qui représentait pour moi, avec son Sailor, O et moi, dans notre épopée amoureuse – comprenant un road trip aux États-Unis. On the road again.
sur la route aux États-Unis dans notre Chrysler décapotable, 1990, photo O
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Un vrai festival. J’ai arpenté le quartier pendant trois heures, toute excitée de découvrir plein de nouvelles œuvres, souvent très belles. J’ai aussi encore un peu photographié ce si charmant quartier en même temps. Quartier-village qui garde vivant le souvenir de la Commune et me rappelle la Commune libre de Montmartre. Voici donc les images, dans l’ordre où elles me sont apparues.

























Là j’ai attendu que le monsieur et la dame qui se rencontraient se fassent la bise


N’est-ce pas magnifique ?
coucou monsieur qui arrive !



Là j’ai attendu le passage de la moto rouge
Juste derrière le piquet, l’artiste (Seth) a peint le piquet






Je l’avais déjà photographiée la dernière fois
Cet oiseau aussi, mais il a maintenant de la compagnie






Où est la photographe ?

















retour vers le boulevard Auguste Blanqui et ses joueurs de pétanque
Par cette belle journée à la Butte aux Cailles, photos Alina Reyes
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Se lever tôt, remplir de thé une carafe thermos, se mettre au travail, travailler comme une reine. Je suis au chantier. J’adore être au chantier. Exercer mon âme d’architecte, de maçonne, construire avec des mots, des phrases, des textes.
J’ai dans mes vingt ans ; sous certains aspects, même avant. Je suis si pleinement heureuse que je me demande comment il est possible que cela augmente pourtant, de jour en jour et de nuit en nuit.
J’ajoute dans mon bureau des plantes, des fougères. J’ai l’insouciance de la jeunesse, la paix de la vieillesse. J’ai l’amour et j’ai la joie. J’ai le génie, j’ai l’admiration du génie humain et du génie de la nature, dont le génie humain fait partie. J’entends le merle chanter à l’aube. Après le thé, je bois du café. Je mange des tartines aux confitures des îles, reçues en cadeau, comme les homards mangés le soir que quelqu’un d’autre nous offre en ce moment. Je me rappelle tous mes voyages. Aller loin n’est pas faire des milliers de kilomètres en avion, aller loin est aller loin dans l’aller. Et dans le retour. Tel est le voyage. Rare.
Le rare est le commun. Le rare commun est le luxe. J’ai toujours vécu dans le luxe. Je suis faite pour le luxe. Je vis dans le luxe : le luxe est la vie donnée, accueillie loin en soi. Je suis l’amour, la vie, la joie, la bienheureuse, je les cueille et je les distribue, me distribue, si pleine que je dois déborder pour être, encore, toujours.