Guerre en Ukraine : les illusions perdues des têtes mal faites

Honte sur Poutine. Que les peuples réfléchissent aux conséquences de mettre au pouvoir des revanchards, et aussi à celles de laisser s’envenimer chez eux des situations sans agir pour les régler pacifiquement. L’Ukraine n’est pas le premier ni le seul pays du monde dont les populations sont divisées, voire se déchirent pour une raison ou une autre, au risque de finir par constituer une menace mortelle générale, en l’absence de réel travail pour une pacification ; et la Russie n’est pas le premier ni le seul pays du monde aux visées impérialistes, se permettant de manipuler voire d’écraser d’autres peuples au nom d’une vision mégalomaniaque, paranoïaque et vénale de l’histoire.

Honte sur ceux qui défendent l’Ukraine non pour les Ukrainiens mais par calcul, par la même volonté de prolonger l’hégémonie occidentale qui les a fait entrer en Irak ou en Libye notamment, et honte sur ceux qui baissent les yeux devant Poutine qui ne règne que par l’abus. Honte aussi sur les va-t-en guerre qui, au risque d’enflammer le monde entier, voudraient envoyer les jeunes au casse-pipe pour servir leurs calculs, dans la vieille logique des planqués derrière la chair à canon.

Les illusions perdues de Zelensky sur ce qu’il appelle « le monde civilisé » ne sont que le reflet de son aveuglement et d’une paresse intellectuelle qui lui a fait chercher l’appui de puissants plutôt qu’un règlement de la situation dans son pays. Que l’Europe réfléchisse aussi à sa propre situation. Accepter la protection d’un puissant, c’est aussi risquer de se faire instrumentaliser. La seule guerre qui vaille, pour les peuples comme pour les individus, c’est de lutter pour la liberté, tant par la recherche d’harmonisation avec les peuples extérieurs que par celle de l’harmonisation des peuples intérieurs. Seuls les esprits honnêtes et courageux peuvent mener à bien cette guerre, spirituelle.

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Do it yourself : crochet, suite ; et journal du jour

Une grande partie du bonheur des humains s’en va lorsqu’ils ne font plus rien de leurs mains, ou de leur corps. Lorsque leur corps est réduit à l’état de mécanique utilitaire qui leur permet de vaquer à leurs occupations sociales, à leurs affaires et affairismes, à leur agitation de remueurs de vent dont on ne tire aucun bon pain.
C’est après que mon corps a été contraint trop de temps aux oubliettes, et après la maladie qui s’en est suivie, que je me suis remise au sport, et aux ouvrages faits main. Et c’est de là que je tire ma joie et ma paix. De plus le « DIY », le fait-main, est bon pour la planète, comme on dit, parce qu’il rééquilibre le règne de l’industriel et le plus souvent, est moins polluant.

Les disques démaquillants et les lavettes que j’ai crochetées en nombre, pour nous et pour d’autres, remplacent très avantageusement les cotons et éponges jetables, non seulement parce qu’ils sont faits pour durer très longtemps, mais aussi parce qu’ils sont au moins aussi efficaces, voire meilleurs, et encore parce que se servir de quelque chose faite à la main fait plaisir.

Dans le même esprit, j’ai fait aussi un tapis de bain, en travaillant au crochet des lanières découpées dans deux vieilles polaires : épais et texturé, un vrai régal pour les pieds.

Et puis je me suis essayée aussi à deux petits vêtements, ce châle-boléro que j’ai montré l’autre jour, et puis ce pull à manches spéciales que j’ai terminé ce matin et que j’ai stylisé moi-même, après avoir commencé à m’inspirer d’un tuto de pull à manches longues, et avoir tout changé, à part le choix du point.

J’ai aussi fait un bracelet au crochet, dont j’ai trouvé le tuto en ligne, et que je mets notamment pour aller à la salle de sport, car c’est un bijou qui ne gêne nullement, que ce soit à la machine à squat ou sur le tapis d’exercices.

Ce soir j’ai commencé un autre petit vêtement auquel j’ai réfléchi la nuit dernière dans mon lit, j’ai le début en tête puis je verrai : ce qui est merveilleux avec le crochet, c’est qu’on peut le travailler comme une terre glaise, le modeler, le sculpter, en ajoutant ou en enlevant ici ou là, pour voir où on arrive au plus satisfaisant.

J’ai réuni deux ou trois autres vieux vêtements que je pourrai découper en lanières pour réaliser encore d’autres choses, et j’essaierai encore d’autres matériaux.

Par hasard cet après-midi je me suis trouvée sur le chemin de la manif la plus triste du monde, rassemblant, sous le mode délétère d’un en-même-temps qui n’a que trop sévi, et sous l’égide de l’un des malheureux éborgnés de la macronie, Jérôme Rodriguez, quelques centaines de personnes hétéroclites, gilets jaunes, fafs, antifas, insoumis, tradis, nationalistes, corses, propalestiniens, antivax, type déguisé en Christ portant sa croix, porteurs de pancartes citant Gandhi ou Etty Hillesum ou insultant ordurièrement Macron en guise de réponse à son envie de les « emmerder ». Sans oublier à peu près autant de flics armés jusqu’aux dents, et leurs dizaines de camions. Voilà où en est une partie de notre pays. Contre toute cette morbidité, cette confusion, cette absence de sens, plus que jamais, faire vivre et affirmer les forces de vie.

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« Anéantir » le dernier Houellebecq (actualisé)

J’ai eu accès au dernier Voldemort de l’industrie éditoriale, le livre dont il est interdit de parler jusqu’à sa parution officielle – quel buzz, quel suspense ! Et comme personne ne m’a notifié cette interdiction, à moi, voilà ce que j’en dis. Ça commence avec un ministre des finances qui ne fait pas l’amour et qui se fait couper la tête. Un Houellebecq, quoi.
Pour le reste, c’est-à-dire les quelques centaines de pages de bavage et bavardage autour du néant, que les nécrophages s’en repaissent eux-mêmes à la date qui leur sera permise, moi ça ne m’intéresse pas, je n’en lirai pas plus. Comme dit Parménide, ce qui est est, ce qui n’est pas n’est pas.

P.S. Un autre livre, déjà à l’étal des librairies, porte un titre proche de l’Anéantir de Houellebecq : Le traître et le néant ; c’est une enquête sur Macron. C’est drôle que Houellebecq prétende dénoncer l’anéantissement, lui qui ne cesse de répandre dans le monde ses écrits nihilistes. En même temps, comme dirait l’autre, ça a sa logique : celle du serpent qui, dans sa haine de soi, se mord la queue.

P.P.S. Je me suis débarrassée du livre, mais je me souviens d’y avoir lu ces mots : « le romantisme, on l’oublie souvent, est né en Allemagne ». Qui ça, on ? Qui oublie que le romantisme est né en Allemagne ? Quelqu’un qui ignore tout de la littérature, sans doute. L’auteur lui-même, avant de l’apprendre ? C’est possible. Ou vraisemblablement après tout, beaucoup de ses lecteurs. Et j’en reviens à mon combat pour l’apprentissage de la littérature. Qui doit permettre de comprendre ce qu’elle est, d’où elle vient, et surtout, ce qu’elle dit. Je ne pense pas que les lecteurs de Houellebecq sachent toute la portée nihiliste de ses textes.

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Samuel Paty, le massacre des Algériens… les sens de l’histoire

Aujourd’hui on rend hommage à Samuel Paty, demain c’est le soixantième anniversaire du 17 octobre 1961. Ceci n’excuse pas cela, mais cela signale les logiques morbides des histoires morbides, comme le fait d’avoir humilié les Allemands après la Première guerre mondiale amena la Deuxième guerre mondiale. Le 17 octobre 1961 la police française noya des centaines d’Algériens pacifiques dans la Seine, le 16 octobre 2020, un islamiste tchétchène, suite au harcèlement de l’enseignant par des islamistes et musulmans divers, poignarda et décapita un professeur français qui avait montré en classe un dessin ordurier du prophète de l’islam en posture humiliante (ce qui, soit redit en passant, n’était nullement une caricature : la caricature est une « représentation qui, par la déformation, l’exagération de détails, tend à ridiculiser le modèle », or le prophète de l’islam n’était pas homosexuel, comme d’après le dessin – et s’il l’avait été, le dessin n’aurait pas seulement été islamophobe, mais aussi homophobe – ou bien est-il bon de montrer en classe, au nom de la liberté d’expression, des caricatures d’homosexuels en posture humiliante ?) Samuel pâtit, pardon du jeu de mots, d’une histoire complexe dont il n’était pas coupable et qu’il avait omis de prendre en considération avant de bâtir son cours. Et aussi de la mauvaise éducation, violente ou trop permissive, donnée par certains parents à leurs enfants.

J’ai eu des enfants et j’ai été enseignante, je sais que, comme tous les humains, nous pouvons commettre dans notre vocation et dans notre métier bien des erreurs. Que l’enseignement est une chose extrêmement sérieuse et délicate, et qu’il doit être le fruit de profondes réflexions. C’est malheureusement tout l’inverse qui est proposé aux futurs professeurs dans leur formation aujourd’hui. La pédagogie n’est rien sans la pensée, et on n’apprend pas aux enseignants à penser parce qu’on en est incapable, là où se décident les apprentissages.

On peut relire ici de larges extraits d’un article de Jean Cau écrit au lendemain du massacre du 17 octobre 1961. Et mes réactions au lendemain de l’exécution de Samuel Paty l’année dernière (en lisant la note de bas en haut, dans l’ordre où elle fut écrite au cours des heures qui suivirent).

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Se faire justice

Aux prochaines présidentielles, je voterai dès le premier tour pour le candidat qui ne sera ni l’extrême-droite, ni Macron. Qu’il soit de droite ou de gauche, pourvu qu’il soit le mieux placé pour éviter un deuxième tour « en même temps » Macron et l’extrême-droite. Je pense sérieusement Macron presque aussi dangereux que Le Pen ou Zemmour. Et j’espère que suffisamment de mes concitoyens se mobiliseront pour déjouer le piège qui nous est tendu, à énormes ficelles, d’avoir à choisir entre le nihilisme néofasciste et le nihilisme macroniste. C’est ce que je pensais déjà en 2017, et contre quoi j’avertissais déjà – depuis ma minuscule audience, mais ça ne fait rien, il faut le faire.

Je sais ce que ressentent les rescapés des attentats du 13 novembre. C’est comme d’être un goéland qui se retrouve les ailes engluées de pétrole. Parfois il lui semble qu’il va quand même réussir à s’envoler de nouveau, et parfois qu’il n’y arrivera plus. Il y avait un personnage nommé Terreur dans mon roman Forêt profonde, c’était un personnage de fiction, mais qui existait aussi dans la réalité et qui, depuis, a fait tache d’huile. Il y a toutes sortes de bandes d’ordures terroristes, des islamistes, les plus voyants, mais aussi bien d’autres, non similaires, mais comparables, qu’ils s’en prennent aux corps et aux vies, d’une manière ou d’une autre, ou aux esprits et aux existences. Il s’agit, pour les innocents sur lesquels ils tombent, de garder ce qu’eux ont perdu : lumière, courage, vérité, droiture, honneur, et même de les avoir plus qu’avant encore. Voilà comment se faire justice soi-même.

Je sais que beaucoup de gens trouvent que les éoliennes défigurent les paysages, mais moi je les trouve belles et surtout très émouvantes. Si puissantes, si debout, si sereines. Elles me donnent envie d’écrire, comme, il me semble, les pales des moulins donnèrent envie d’écrire à Cervantès. J’en ai contemplé beaucoup aujourd’hui en visitant avec grand bonheur la Bourgogne – la France est si belle en tous ses paysages, et dans sa paix quand elle est là – je ferai une prochaine note avec des images des vallonnements colorés, des ciels vastes, des vignes, des caves où mûrit le bon vin.

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Mona Chollet, Emmanuel Carrère et les « pervers narcissiques »

J’ai vu dans un magazine que Mona Chollet voulait appeler les pervers narcissiques de « parfaits enfants du patriarcat », ou quelque chose comme ça. En voilà une façon de les dédouaner, encore plus que l’appellation pervers narcissique. Elle qui accuse les hommes d’être toujours prêts à se dédouaner de leurs abus les y aide bien. Pas à une contradiction près, elle qui critique aussi le fait que les femmes aient trop tendance à se sentir fautives, quelques lignes d’interview plus loin s’accuse et s’en veut de se sentir parfois en concurrence avec des femmes. L’esprit de concurrence est certes à éviter mais enfin il arrive que des situations de concurrence se produisent, et pourquoi une femme ne pourrait-elle être parfois en concurrence avec des femmes ou avec des hommes, comme tout le monde ? Mona, y a encore du boulot, pour toi et pour tes lectrices. Beaucoup de boulot. Comme qui dirait qu’on n’a pas avancé depuis la Beauvoir et sa détestation des femmes et de la maternité. Certains féminismes tournent désespérément en rond, sans arriver à sortir du morne cercle des problèmes de leur « deuxième » sexe, ce cercle où des femmes, et des hommes, identifient les femmes aux regards et aux injonctions du patriarcat, ce qui se manifeste notamment dans des définitions d’elles-mêmes par la négative (« ni putes ni soumises », double négatif qui ne fait en rien un positif) ou l’image négative (sorcières, franc succès – sans doute identifier les femmes à des victimes considérées comme saintes ou quasi, sans souci de vérité historique, flatte-t-il mieux l’éternelle condition féminine que faire de femmes fortes, savantes, douées et puissantes, dont l’Histoire ne manque certes pas, des emblèmes de la féminité et des modèles pour la féminité). Mona Chollet récupère (habilement sans doute pour le grand public) nombre de thèses plus ou moins anciennes ou récentes, sans rien inventer. Or la première preuve de liberté serait d’inventer, non pas pour faire du neuf à tout prix, mais pour être soi et non une représentation sociale. Les livres de Mona Chollet sont trop ennuyeux à mon goût, je ne peux la lire, j’ai préféré la lecture – quoique faite rapidement – d’Alice Coffin, qui elle au moins a du nerf.

Pour en revenir aux « pervers narcissiques », je les appellerais plutôt, moi, des criminels. Les manipulateurs sont des criminels. Et quiconque manipule ou se laisse délibérément manipuler participe au crime. Je prépare quelque chose sur la question – à suivre. Dans le même magazine, L’Obs, feuilleté hier à la bibliothèque, j’ai lu la chronique d’Emmanuel Carrère sur les noms des djihadistes du 13 novembre. Il note que le nom « alias » de Salah Abdeslam, le nom qu’il s’est choisi, est Abou Abderrahman. Je signale, à lui et à qui ne connaît rien à l’arabe, que ce nom signifie Père Serviteur-miséricordieux – belle manipulation, beau nom de pervers narcissique pour un criminel. (Voir cela eût été un bon début pour cette chronique hebdomadaire du procès, Emmanuel. Un début qui aurait signifié quelque chose. Raté. Peut mieux faire une prochaine fois ? Il faudrait peut-être commencer par nettoyer ton miroir)

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D’une convergence des luttes qui se voile la face

J’ai entendu brailler à ma fenêtre la manif anti-passe sanitaire qui passait par là, et bien que j’aime photographier les manifs, je me suis bien gardée de descendre. Ces gens m’inquiètent dans le sens où ils font resurgir une France que je voyais dans les films des années 40, bornée, fermée, France du marché noir et des égoïsmes, de la bêtise et de l’aveuglement. Le plus triste est que les pouvoirs en place, spécialement depuis Macron mais précédemment aussi, avec leurs malhonnêtetés en tous genres, ont œuvré à faire sortir du placard du vieux cinéma cette France méfiante et repliée sur elle-même. Bien sûr elle est minoritaire, même si elle se fait remarquer plus que la majorité raisonnable de nos concitoyens de France et d’Europe. Mais inquiétante quand même.

Je suis en train de finir de traduire le chant 6 de l’Iliade. J’ai fini le beau et poignant dialogue d’Hector et d’Andromaque, avec leur bébé au milieu comme signe de vie dans toute cette mort. Je continue à regarder la série Into the West sur le site d’Arte, les atrocités de la guerre contre les Amérindiens et entre Amérindiens et Américains y sont les mêmes que chez Homère, il y a trois mille ans. Qui s’étonne des atrocités commises aujourd’hui n’a jamais rien lu, sans doute. Pourtant ce n’est pas la guerre comme combat armé qui livre le plus laid visage des hommes, mais ce qui est entre la guerre et la paix, et que rend bien Homère dans l’Odyssée en peignant les bassesses des prétendants, ces princes vains. La bassesse est notre principale ennemie, et ce n’est pas seulement dans le « bas peuple » qu’elle recrute, mais tout autant, voire bien plus, dans les élites – pour en revenir aux manifs anti-passe sanitaire, il y a là, cachée et le plus souvent ignorée mais forte, une convergence des luttes entre certaines élites et certaines parties du peuple qui nuit à l’ensemble de la population et de la société.

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