Poème du jour

Qu’importe le flacon dit le poète mais
Ce n’est pas l’ivresse c’est la dive bouteille
Qui m’a assassinée, amours illusoires et
Rêveries d’une enfant à tête sans pareille.

Et j’ai lu tous les livres dit un autre mais
Ce n’est pas le verbe c’est la bêtise humaine
Qui m’a assassinée, fausse intelligence et
Navrante inélégance des ombres malsaines.

Ô saisons, ô châteaux, caravanes, passez !
Ni la magique étude, ni votre passage
Ne m’ont assassinée, mais bien les vents mauvais,
Émanations des mares à équarrissages.

Calme orpheline, moi, j’ai cent fois traversé
L’Achéron et je sais par cœur toutes ses rives,
Entre lesquelles, vive, vainqueure, je vais,
Déshabillée du temps où sans cesse j’arrive.

Plus de gueules de bois ! Le sang tout pétillant,
Je bondis sur mes rimes. Les voici, fatales
Logiques de la vie qui voyage en mouillant
À tous les ports de joie sur ses mers aurorales,

Qui trace son chemin en cherchant constamment
À atteindre le bout de sa vibrante ligne
Pour revenir ensuite, attirée par l’aimant
De tout nouveau début, sa demande de signe

En réponse d’amour à l’éternel appel.
Qu’entendent à cela les âmes malsonnantes ?
Qu’importe, elles y vont, comme tous les mortels.
Où finissent nos peines, où nos joies éclatantes.

Beau solstice d’hiver, je salue le printemps
Que tu portes prégnant comme femmes et lunes.
L’antique poésie qui sait compter les temps
Avec ses balançoires, ses lyres, ses runes,

Je l’entends dans ton sein, loin d’aujourd’hui, tout près,
Rythmant de pas, de mots, l’aventure commune
De notre humanité, le fruit de ton retrait.
Eau-de-vie interdite, sans doute en suis-je une.

Poème de la nuit et du jour

Je suis le cerf
il est la meute
Je frémis de dégoût
quand je sens son odeur.
Je me déplace.
Partout mes bois touchent le ciel.
Les chiens aboient et passent.
Toujours ma couronne scintille dans la nuit,
là où leur cou est trop raide pour la voir.
Toujours le ciel chante dans mes oreilles,
plus fort que les gémissements des chiens.
Toujours le sang court dans mes veines,
mon sang, celui de l’univers.
Je danse parmi les étoiles, mes armes,
mon cortège, ma neige d’yeux voyants.
Dameuse, j’aplanis la piste, qu’elle me soit douce,
que me soient douce et doux
mon épouse et mon époux, la nuit et le jour

*
écrit en cette nuit du 12 au 13 décembre 2020

Poème du jour

On prend mon or et on en fait de la boue.
On prend des arbres pour imprimer la boue.
Je me relève dans les arbres
nous avançons
Vigueur de Shakespeare

Je cherche une littérature d’aujourd’hui
musclée
Aucune de leurs phrases n’est bandée
ni bandable
sauf dans des polars

On prend mon or mais on ne le prend pas
puisqu’on n’en fait que de la pacotille
des ersatz de littérature
cacochyme
Et les feuilles des arbres, même mortes,
sont plus belles que celles de leurs livres.
Moi, plus riche que l’or,
plus vive que moi,
je marche dans mes pas de demains.

Journal, image et poème du jour

photo O&A

photo O&A


J’ai écrit les huit premiers vers dans ma tête cette nuit dans mon lit, puis dans mon cahier ce matin après le yoga, puis la suite d’un jet. Un peu plus tard je me suis mise à peindre, O a fait la photo mais il n’y avait pas assez de lumière alors comme j’aimais bien la composition je l’ai retravaillée sur l’ordi, j’aime bien ce mélange de noir et blanc et de couleur. Dans la nuit j’ai aussi réfléchi à ce que je pourrais faire comme street art (autre chose que mes post-it), je finirai peut-être par m’y mettre.
*
*
*
Y aurait-il des rois du monde,
Qu’est-ce que j’en aurais à faire ?
Je laisse aux esclaves dans l’âme
Le besoin d’être couronnés
Par ce trop bas monde, leur maître.
Ils ont pour voies les caniveaux
Moi je préfère les vrais veaux.
Je règne ailleurs, parmi les fleurs.
Je pose mes mots en abeille
Dans les calices, dans les ruches
Je suis l’ouvrière et la reine
C’est moi qui fais le bleu du ciel
Je cligne de mes milliards d’yeux
Voyez mes pupilles la nuit
Là-haut dans l’univers qui pulse
Aussi dans votre jugulaire.
Je pique, je brûle, je suis.
Qui ne me connaît pas ignore
Le miel que je mielle et produis.
Ignorants sont les rois du monde.
Auraient-ils pour moi en réserve
Un sceptre, qu’en aurais-je à faire ?
Sinon leur en faire goûter
Comme d’un poignard, ô mon dard !
J’entends leurs oreilles qui sifflent
Le grand rien. Ce n’est pas le mien.
Mon cœur est toutes les saisons.
Mille voyages, une maison.
Je suis pleine à ne pas craquer,
Grande âme infinitésimale.
Léchez mes pattes de mielleuse,
Lettres nées par et pour l’amour.

*

Poème du jour

Faut-il que je meure pour que ça prenne fin ?
J’attendrai le moment de la mort de la mort.
Ordure qui pourrit jusqu’au lien le plus saint,
Tu n’auras nul pardon, rien de mieux que la mort.

Longtemps j’ai projeté de planter une lame
Dans son bide puant. Ce n’était qu’un fantasme
Mais n’arrive-t-il pas que les spectres s’animent ?
J’ai retenu ma main et j’ai gardé mon âme,

J’ai planté des arbres.

Voyez, sa chasse à la femme n’a rien donné.
Il ne me connaît pas, ne m’a jamais connue.
Ma musique est mienne, je la fais résonner
Comme elle fut, sera, est : abondante et nue.

Vous les grands leurrés.
Arrêtez ça.
La mort qui vous entrave.
Vous les spectres.
N’espérez rien trouver de bon sous les suaires.
Vos chaînes sont faites de miasmes et poussières.
Je vous offre ces mots, pinces pour les briser,
Redevenir vivants, chair et cœur clairs et vrais.