Poème du jour

On prend mon or et on en fait de la boue.
On prend des arbres pour imprimer la boue.
Je me relève dans les arbres
nous avançons
Vigueur de Shakespeare

Je cherche une littérature d’aujourd’hui
musclée
Aucune de leurs phrases n’est bandée
ni bandable
sauf dans des polars

On prend mon or mais on ne le prend pas
puisqu’on n’en fait que de la pacotille
des ersatz de littérature
cacochyme
Et les feuilles des arbres, même mortes,
sont plus belles que celles de leurs livres.
Moi, plus riche que l’or,
plus vive que moi,
je marche dans mes pas de demains.

Journal, image et poème du jour

photo O&A

photo O&A


J’ai écrit les huit premiers vers dans ma tête cette nuit dans mon lit, puis dans mon cahier ce matin après le yoga, puis la suite d’un jet. Un peu plus tard je me suis mise à peindre, O a fait la photo mais il n’y avait pas assez de lumière alors comme j’aimais bien la composition je l’ai retravaillée sur l’ordi, j’aime bien ce mélange de noir et blanc et de couleur. Dans la nuit j’ai aussi réfléchi à ce que je pourrais faire comme street art (autre chose que mes post-it), je finirai peut-être par m’y mettre.
*
*
*
Y aurait-il des rois du monde,
Qu’est-ce que j’en aurais à faire ?
Je laisse aux esclaves dans l’âme
Le besoin d’être couronnés
Par ce trop bas monde, leur maître.
Ils ont pour voies les caniveaux
Moi je préfère les vrais veaux.
Je règne ailleurs, parmi les fleurs.
Je pose mes mots en abeille
Dans les calices, dans les ruches
Je suis l’ouvrière et la reine
C’est moi qui fais le bleu du ciel
Je cligne de mes milliards d’yeux
Voyez mes pupilles la nuit
Là-haut dans l’univers qui pulse
Aussi dans votre jugulaire.
Je pique, je brûle, je suis.
Qui ne me connaît pas ignore
Le miel que je mielle et produis.
Ignorants sont les rois du monde.
Auraient-ils pour moi en réserve
Un sceptre, qu’en aurais-je à faire ?
Sinon leur en faire goûter
Comme d’un poignard, ô mon dard !
J’entends leurs oreilles qui sifflent
Le grand rien. Ce n’est pas le mien.
Mon cœur est toutes les saisons.
Mille voyages, une maison.
Je suis pleine à ne pas craquer,
Grande âme infinitésimale.
Léchez mes pattes de mielleuse,
Lettres nées par et pour l’amour.

*

Poème du jour

Faut-il que je meure pour que ça prenne fin ?
J’attendrai le moment de la mort de la mort.
Ordure qui pourrit jusqu’au lien le plus saint,
Tu n’auras nul pardon, rien de mieux que la mort.

Longtemps j’ai projeté de planter une lame
Dans son bide puant. Ce n’était qu’un fantasme
Mais n’arrive-t-il pas que les spectres s’animent ?
J’ai retenu ma main et j’ai gardé mon âme,

J’ai planté des arbres.

Voyez, sa chasse à la femme n’a rien donné.
Il ne me connaît pas, ne m’a jamais connue.
Ma musique est mienne, je la fais résonner
Comme elle fut, sera, est : abondante et nue.

Vous les grands leurrés.
Arrêtez ça.
La mort qui vous entrave.
Vous les spectres.
N’espérez rien trouver de bon sous les suaires.
Vos chaînes sont faites de miasmes et poussières.
Je vous offre ces mots, pinces pour les briser,
Redevenir vivants, chair et cœur clairs et vrais.

Petit poème de la vie d’avant, d’après et de maintenant. Et grand film du jour

Mon vélo est dans la cour
Inutile d’y courir vite, courir vite
Mon vélo ne bouge pas
Mon vélo contre celui de mon homme
et en face de celui d’un de nos fils.
Lourde chaîne, lourds antivols
Ils sont attachés depuis plus d’un mois
et personne pour les monter, les faire voler à travers ville
Joyeusement, comme avant.
Il n’y a plus d’avant
L’avant s’en est allé
Notre-Dame a brûlé
Les manifs ont brûlé
Les cafés ont fermé
Comme les bureaux où on travaillait.
La vie a fermé.
Les gens sont rares sur les trottoirs
On dirait qu’on porte des aimants inversés
On s’écarte en se croisant
On rase cent invisibles murs pour s’éviter
On se tait.
Beaucoup de gens meurent dans la pandémie
et beaucoup travaillent au risque de leur vie.
Je n’ai plus de parents
Pas de regrets.
Mais que mes enfants soient loin ou près
nous sommes enfermés chacun de notre côté.
Cela, ça passera. On se reverra.
Et ils seront toujours ce qu’ils sont pour moi.
Je reverrai les tables où je travaillais.
Je reverrai les rues, les jardins où je marchais.
Je reverrai la vie, mon vélo, en bas, me le dit.
La vie d’avant s’en va, ainsi va la vie.
Et parfois ça pince le cœur, et parfois ça vaut mieux.
La vie après, comme avant, je l’aimerai.
Maintenant j’écris un poème :
la preuve que la vie est toujours belle.

Et voici pour ce jour le fantastique film d’Ariane Mnouchkine sur la vie de Molière.