Mwasi et Nizar Kabbani. Contre la politique de la séparation

La polémique autour du festival afroféministe Nyansapo non-mixte accueilli cette année par le collectif Mwasi est un triste symptôme d’une tendance grandissante à la ghettoïsation de notre société. Directement inspirée du modèle américain, la lutte communautaire opère toujours plus de division et de séparation dans la population. Les problèmes de racisme et de sexisme, pour plus d’efficacité dit-on, sont traités en non-mixité. S’il est vrai que des espaces et des temps dédiés uniquement à telle ou telle catégorie de personnes peuvent aider à libérer la parole, le recours rigide à une telle solution finit par s’avérer dangereux et contre-productif. Le danger est celui du repli sur soi et d’une culture de l’apartheid réactivée. Pourquoi ce festival non-mixte, dont l’essentiel est réservé aux femmes « noires » compte-t-il parmi ses organisatrices une femme non noire, Sihame Assbague, l’une des piliers de Mwasi et organisatrice du « camp d’été décolonial », également non-mixte, de l’année dernière ? Pourquoi Houria Bouteldja, du PIR, non-Noire dont elle est proche, conseille-t-elle, toujours au nom de l’antiracisme, aux Noirs de se marier entre eux, aux Noires de ne pas épouser des non-Noirs ? Pourquoi la sociologue Nacira Guénif, non-Noire elle aussi, est-elle une proche du collectif Mwasi ? Que font ces non-Noires à conseiller aux Noirs et aux Noires de rester entre eux ? Il y a dans cette pratique quelque chose d’enfoui qui n’est pas dit, qui sans doute reste inconscient, quelque chose de dévastateur qui est au fondement de l’Amérique et qui a compromis l’Europe : le trafic d’esclaves et l’esclavage. Autrement dit, il y a un moment où le combat contre le racisme replonge dans l’histoire créée par le racisme de façon très dangereusement ambiguë.

Cette affaire me rappelle celle de la Grande mosquée de Paris, où j’allais prier avant 2013, année où les femmes furent reléguées dans une salle à l’entresol parce que certaines personnes avaient protesté du fait que des femmes étaient trop bruyantes dans la grande salle de prière. En fait ce sont surtout certaines Sub-sahariennes qui étaient pointées du doigt, beaucoup d’entre elles étant peu rigides dans la pratique de la religion, mais très vivantes et animées, vêtues de magnifiques couleurs… et le plus souvent à part des croyantes d’origine maghrébine, peu enclines à se mélanger. J’ai observé et connu à la mosquée une culture de la séparation. Séparation des hommes et des femmes, d’abord manifestée par un rideau tendu entre les uns et les autres dans la grande salle de prière, puis par l’expulsion des femmes de cette salle et leur relégation à l’entresol (alors que du temps du Prophète, hommes et femmes priaient dans un même espace). Et culture d’une certaine séparation ethnique (voire nationale) – en contradiction totale avec l’enseignement de l’islam.

Comme toujours, pour décoincer les esprits engagés sur des voies de garage, il faut faire appel aux poètes.  Voici un texte du grand poète syrien Nizar Kabbani, texte que j’ai trouvé sur la page facebook d’une militante afroféministe, Ndella Paye :

 

Ne vous en déplaise,
J’entends éduquer mes enfants à ma manière; sans égard pour vos lubies ou vos états d’âme…
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à mes enfants que la religion appartient à Dieu et non aux théologiens, aux Cheikhs ou aux êtres humains.
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à ma petite que la religion c’est l’éthique, l’éducation et le respect d’autrui, la courtoisie, la responsabilité et la sincérité, avant de lui dire de quel pied rentrer aux toilettes ou avec quelle main manger.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à ma fille que Dieu est amour, qu’elle peut s’adresser à lui sans intermédiaire, le questionner à satiété, lui demander ce qu’elle souhaite, loin de toute directive ou contrainte.
Sauf votre respect,
Je ne parlerai pas du châtiment de la tombe à mes enfants qui ne savent pas encore ce qu’est la mort.
Sauf votre respect,
J’enseignerai à ma fille les fondements de la religion, sa morale, son éthique et ses règles de bonne conduite avant de lui imposer un quelconque voile.
Ne vous en déplaise,
J’enseignerai à mon jeune fils que faire du mal à autrui ou le mépriser pour sa nationalité, sa couleur de peau ou sa religion est un grand pêché honni de Dieu.
Ne vous en déplaise,
Je dirai à ma fille que réviser ses leçons et s’investir dans son éducation est plus utile et plus important aux yeux d’Allah que d’apprendre par cœur des versets du Coran sans en comprendre le sens.
Ne vous en déplaise,
j’apprendrai à mon fils que prendre le prophète comme modèle commence par adopter son sens de l’honnêteté, de la droiture et de l’équité, avant d’imiter la coupe de sa barbe ou la taille de ses vêtements.
Sauf votre respect,
je rassurerai ma fille que son amie chrétienne n’est pas une mécréante, et qu’elle cesse de pleurer de crainte que celle-ci n’aille en enfer.
Sauf votre respect, je dirai qu’Allah a interdit de tuer un être humain, et que celui qui tue injustement une personne, par son acte, tue l’humanité toute entière.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à mes enfants qu’Allah est plus grand, plus juste et plus miséricordieux que tous les théologiens de la terre réunis, que ses critères de jugement diffèrent de ceux des marchands de la foi, que ses verdicts sont autrement plus cléments et miséricordieux.
Sauf votre respect …

Nizar Kabbani

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tacoafro600

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Le symptôme Mehdi Meklat


 
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Ainsi donc Mehdi Meklat a déversé des tombereaux de merde sur twitter pendant des années, et ne les a jamais regrettés puisqu’avant de se faire pincer, il y a quelques jours, et de supprimer à la hâte quelque 50 000 tweets, il les y a gardés comme témoins de sa pensée hideuse. Tel un flic ultra-brutal surpris en train de torturer un citoyen au coin d’un mur ou un curé dénoncé par les enfants qu’il a violés, il s’est donc vite rajusté pour essayer de garder bonne figure et bonne place au sein de la société, et il a mêlé explications foireuses, apitoiements sur soi et arrogance secrète de qui se croit tout permis et se voit bientôt « pardonné » pour des actes qui après tout lui paraissent assez naturels.

Et de même que la police et l’église cherchent avant tout à préserver leur institution respective, de même les médias qui avaient porté ce sadique qu’ils avaient décidé bankable ont aussitôt… gardé le silence, puis, quand il leur est devenu trop difficile de continuer à se taire, ont déployé maint tour de passe-passe afin de faire apparaître la chose pour ainsi dire comme une aventure littéraire, faisant référence à des personnages de roman, relativisant les faits en les comparant avec d’autres sans commune mesure et présentant un jeune homme joueur et inconscient des risques qu’il prenait – pour un peu, le présentant comme la victime des réseaux sociaux scandalisés par ses incitations aux crimes racistes, antisémites, sexistes, homophobes, par meurtre, viol, violences. Le garçon n’était-il pas sympathique devant les caméras ? Ah, si on avait pu s’en tenir là, au lieu d’aller lui chercher des noises, tout ceci pour faire monter le Front National. Voilà où en est la presse de gauche.

Mise à part cette ignominie, je me demande : mais pourquoi donc se sont-ils entichés de ces deux jeunes hommes, Mehdi Meklat et son compère Badroudine Saïd Abdallah, dit Badrou, au point de les inviter et de les faire travailler partout, dans tous les médias et même dans l’édition et à la fondation Cartier ? Ont-ils vraiment quelque chose de si spécial ? Après avoir lu quelques-uns de leurs textes et visionné quelques-unes de leurs vidéos, ma réponse est clairement : non. J’ai aussi trouvé et lu en ligne quelques pages de leurs deux romans : néant. Il faut dire que c’est l’éditeur, Le Seuil, qui leur en a passé commande – et leur a donné les moyens d’aller écrire le premier à Istanbul, le deuxième à Los Angeles. Ce qui est juste hallucinant. Ce qui veut dire que ces deux jeunes hommes ont été récupérés comme des produits. Le produit « banlieusard des cités » (comme il existe pour les entrepreneurs à qui l’on passe commande d’abris pour les migrants, le produit « migrant »). L’être humain, en même temps que l’art et la littérature, transformé en produit. Voilà où en est la culture.

Dès lors il ne faut pas s’étonner qu’une rage antisémite, raciste, homophobe, misogyne, puisse être chiée par le produit et que ceux qui vivent du produit s’empressent tant bien que mal d’essuyer les dégâts et d’assurer que ce n’est rien. Rien qu’un dommage collatéral de la guerre contre la vérité menée à tout moment par ce que nous appelons la civilisation.
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Laurence Rossignol(e) et les rossignoleurs

rossignol(e)« Le vichy-fraise me débecte ». Raymond Queneau

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Ce n’est pas par féminisme que j’ajoute un (e) au nom de notre ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes (le ménage, les couches, le tricot…), mais pour la verbaliser, si je puis dire : elle rossignole. Non comme chante l’oiseau, mais comme une vieille marchandise qui essaie de se refourguer. Une vieille marchandise nommée xénophobie, racisme, autoritarisme, maquillée en féminisme pour mieux passer sur les plateaux télé.

Cette dame y a donc comparé les musulmanes voilées à des « nègres » complices de leur esclavage. Cette dame toujours empaquetée comme une dame patronnesse, et les cheveux voilés d’une teinture impeccable (aliénation aux diktats du jeunisme ?) ne veut pas que les musulmanes puissent se vêtir à la mode, avec des jupes, tuniques et foulards bien taillés et colorés. Elle les veut habillées selon son modèle raide et aussi fade que possible, où le foulard se porte autour du cou comme dans les beaux quartiers et non sur la tête comme dans les quartiers tout court. « Quand les femmes accèdent à plus de droits, les jupes raccourcissent », rossignole-t-elle. On a peine à croire qu’une femme qui ait une pensée aussi indigente soit ministre, mais le fait est qu’elle l’est, et par tant de bêtise fait honte au pays tout entier, à l’intérieur et à l’étranger. Comment donc explique-t-elle que les hommes n’ont nul besoin de raccourcir leur pantalon, de montrer leurs cuisses ou les attributs de leur virilité pour conserver plus de pouvoir que les femmes ? Une femme se sent-elle plus puissante quand elle montre ses jambes ou ses seins ? Confond-on pouvoir de séduction et pouvoir, liberté ? Sommes-nous restés dans la vieille configuration aliénante où la femme tire pouvoir non d’elle-même mais des hommes qu’elle séduit ? C’est si puant.

Mme Rossignol ayant hérité d’un ministère à l’intitulé fleurant son pétainisme, ayant donc en charge l’Enfance et les Familles en même temps que les Droits des femmes, pourquoi, par les temps et les scandales qui courent, se soucie-t-elle tant de la supposée négritude aliénée des franco-musulmanes, selon son colonial vocabulaire, mais pas des enfants violés en toute impunité par des curés ? Mais si, en fait, elle a bel et bien réagi sur l’affaire Barbarin : non pour soutenir les enfants, mais pour féliciter l’abbé Grosjean, ce prêtre tout mimi qui fait passer l’Église pour une enfant de chœur sur les plateaux télé, alors qu’il est lui-même tout ce qu’il y a de versaillais, se référant dans son dernier livre à « saint Jose Maria Escriva », le franquiste fondateur de la secte catho Opus Dei, très puissante au Vatican et dans le monde. Un rossignoleur, comme la ministre et comme le pape qui nomme grand argentier et n°3 du Vatican un infect couvreur d’innombrables pédocrimes tout en faisant passer sa marchandise avariée pour du progressisme.

Mme Rossignol ne rigole pas plus qu’un ayatollah avec la morale. Elle veut abolir autoritairement la prostitution. Elle s’en est pris à Patrick Sébastien, l’accusant d’avoir incité à l’inceste, rien que ça, en poussant dans son émission une chanson à la gloire de la petite pipe qui aide à s’endormir. J’aurais du mal à défendre ce gros beauf macho et qui justifie la violence, notamment envers les enfants, mais qui tolèrera-t-on, sinon les cons, tant qu’ils ne passent pas à l’acte mauvais ? Elle ne rigole pas avec la morale des autres, mais la sienne paraît plutôt lâche. L’UFC-Que Choisir a révélé qu’elle avait occupé un emploi fictif à la MNEF pendant 18 (dix-huit !) ans, payé 1200 euros nets sur le dos des étudiants. Cela jusqu’en 2011, et alors même qu’elle touchait des indemnités de sénatrice et de vice-présidente de conseil régional d’au moins 7500 euros par mois – c’est du moins ce qu’elle indique sur ses déclarations obligatoires (où l’on verra qu’elle semble avoir minoré son salaire d’emploi fictif, et qu’elle s’est constitué un copieux capital en biens immobiliers et en argent – ça paie, la politique, même pour une femme qui vient de l’extrême-gauche !). Pas nette du tout avec l’argent donc, Mme Rossignol ne l’est pas non plus dans ses convictions : outre le racisme incroyable dont témoigne sa sortie sur les « nègres » et les musulmanes, c’est elle qui a fait passer un amendement inscrivant dans la loi des « conséquences dramatiques » pour les enfants réfugiés : « exclusion de toute prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, mise à la rue immédiate, interruption de la scolarité ou de la formation en cours, impossibilité de régularisation sans secours ni protection d’aucune sorte et sans titre de séjour ».

Mme rossignole et me débecte.

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Racisme envers Taubira

Comment combattre le racisme hideux, répétitif, au plus haut point scandaleux que subit Christiane Taubira ? Il y a peu, des enfants étaient arrêtés dans les écoles primaires de France quand ils étaient soupçonnés de ne pas vouloir être « Charlie ». Il étaient conduits au poste de police, tenus pendant des heures en garde à vue, interrogés. D’autres étaient martyrisés par leurs enseignants pour la même raison. Ils avaient six, huit, dix, douze ans… Et les adultes qui s’acharnent de façon infectement raciste sur la ministre de la Justice, sont-ils emmenés au poste et placés en garde à vue, eux ? Il est fort dommage que ni François Hollande, ni Manuel Valls, ni Christiane Taubira, qui protestent à juste titre contre la parole abjecte de ceux qui salissent ses origines, n’aient rien dit quand on arrêtait des enfants, et ne manifestent pas non plus de façon plus nette leur solidarité avec les personnes moins en vue qui sont tout autant victimes de racisme et d’islamophobie, au lieu de continuer à séparer comme ils le font les Français en distinguant sans cesse l’antisémitisme des autres formes de racisme. Il est dommage que Christiane Taubira, qui sait ce que c’est que d’endurer le racisme, n’ait jamais protesté contre les propos de son Premier ministre, Manuel Valls, méprisants, voire pire, envers les Noirs, les Roms et les musulmans. Il est vraiment dommage, oui, que l’idéologie l’emporte sur le sens de la justice, au point qu’on ne sache se scandaliser du racisme que lorsque soi-même ou ses amis et alliés en sont les victimes.

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Infamie

spiegelman-maus

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Cette nuit j’ai eu du mal à m’endormir, à cause de ce que j’avais lu et entendu avant de me coucher. Entendu l’abbé de La Morandais, ce prêtre mondain qui écume les plateaux télé depuis une éternité, réduire les immigrés à des animaux, selon le raisonnement suivant : le premier organe sexuel de l’homme est le cerveau, contrairement aux animaux, qui l’ont plus bas. Or dans les milieux populaires, sans éducation, on « baisouille comme des lapins ». Les immigrés, précisait-il quelques minutes plus tard, baisent comme des lapins, d’où la nativité importante en France, mais comme on ne fait pas de statistiques ethniques on ne prend pas assez garde à la nature de cette croissance démographique, c’est un problème dont l’Europe devrait se soucier davantage. Voilà, c’était dit sur Europe 1, à combien de centaines de milliers ou de millions de gens ? * Et ce que j’ai lu, c’est l’histoire suivante : un jeune type entre dans une boulangerie, grille la file d’attente pour se faire servir. S’ensuit un accrochage verbal avec l’un des clients. Une fois le type parti avec son pain, et le client lui aussi servi, ce dernier va raconter à des CRS en poste devant la synagogue d’en face que le jeune type a dit des choses interdites, du style apologie du terrorisme. Quelques jours plus tard, la police retrouve le type dénoncé, il prend dix mois de prison ferme. Quoique les clients de la boulangerie nient les propos incriminés, parlant d’une simple dispute. Racisme le plus infect étalé sans état d’âme, délation et diffamation, assister chaque jour à cela dans son pays, c’est extrêmement triste. J’ai pensé à Maus, d’Art Spiegelman.

* Les paroles exactes de l’abbé de La Morandais : «La démographie européenne est menacée. On n’a pas le droit de demander quelle est la part des immigrés dans le taux de natalité français. Sujet tabou ! Et pourtant c’est une vraie question parce qu’eux ils se reproduisent comme des lapins.»