Après une partie du trajet en transilien depuis Paris, O a parcouru 108 km à VTT par champs et forêts pour aller à Villers-Cotterêts, voir la maison où Alexandre Dumas est né, et le château où François 1er a signé, en 1539, l’ordonnance faisant de la langue française la langue officielle du pays, le libérant ainsi de l’emprise du latin et de ses clercs. Après les images faites en cours de chemin et sur place, notamment au château en ruine qui devrait être bientôt rénové, la vidéo d’une émission désuète mais bien faite, avec Claude Hagège retraçant l’histoire des débuts de la langue française.
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et voici la maison natale d’Alexandre Dumas
De château en château… Il y a un an, le 14 juillet 2016, Madame Terre était au château d’Alexandre Dumas : c’était sa première sortie, la première action poélitique dans la catégorie Madame Terre. Elle est alors encore flambant neuve (depuis, elle a pris quelques gadins dans le sac à dos avec les intrépidités du cycliste), et la note s’accompagne des vidéos de Le comte de Monte Cristo, série télévisée de 1979, adaptation la plus fidèle du roman : ici
L’immense château, aujourd’hui en ruine, demain sans doute rénové, où ont été signées les ordonnances de Villers-Cotterêts, dont celle sur la langue française (voir lien plus haut et vidéo plus bas)
Alexandre Dumas toujours en bonne place où il est né
L’eau y coule dedans comme dehors. Très beau lieu dans une très belle nature, site désormais ouvert aux visiteurs et aux artistes, cet ancien moulin de Saint-Arnoult en Yvelines fut leur maison de campagne, de repos et de travail, avec les 30 000 livres de leur bibliothèque, toujours là et disponible pour les chercheurs. La présence d’Elsa Triolet et de Louis Aragon y est maintenue vivante, tant par les souvenirs et objets d’art qui furent leurs que par ceux qui témoignent de la continuité de la création jusqu’à nos jours.
Hier après-midi, faisant fi de la canicule, O s’y est rendu, toujours à VTT et par les chemins buissonniers depuis Paris, pour y présenter Madame Terre – qui y a été très bien comprise et reçue, merci – et accomplir le rite que les lecteurs de ce blog connaissent bien depuis l’année dernière. Avant de donner les photos qu’il a prises en chemin et sur place, voici deux vidéos – la première sur un mode poétique, la seconde reportage pour la télévision – présentant la maison : un enchantement. Puis, après les photos, nous écoutons et voyons les deux auteurs parler de littérature, notamment Triolet sur Tchekhov et Aragon sur Stendhal. Enfin, musique ! Aragon qui aimait qu’on change ses poèmes en chanson adore certainement cette interprétation de « Gazel du fond de la nuit » par Gnawa Diffusion, rejoignant le Ghazal, l’art raffiné de la poésie courtoise arabe – et le texte du poème.
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une ferme en chemin
un vestige du chemin de Compostelle
le chemin se poursuit par les sentiers en forêt du noble chevalier errant
puis c’est l’arrivée à destination
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Je suis rentré dans la maison comme un voleur Déjà tu partageais le lourd repos des fleurs au fond de la nuit
J’ai retiré mes vêtements tombés à terre J’ai dit pour un moment à mon cœur de se taire au fond de la nuit
Je ne me voyais plus j’avais perdu mon âge Nu dans ce monde noir sans regard sans image au fond de la nuit
Dépouillé de moi-même allégé de mes jours N’ayant plus souvenir que de toi mon amour au fond de la nuit
Mon secret frémissant qu’aveuglement je touche Mémoire de mes mains mémoire de ma bouche au fond de la nuit
Long parfum retrouvé de cette vie ensemble Et comme aux premiers temps qu’à respirer je tremble au fond de la nuit
Te voilà ma jacinthe entre mes bras captive Qui bouges doucement dans le lit quand j’arrive au fond de la nuit
Comme si tu faisais dans ton rêve ma place Dans ce paysage où Dieu sait ce qui se passe au fond de la nuit
Ou c’est par passe-droit qu’à tes côtés je veille Et j’ai peur de tomber de toi dans le sommeil au fond de la nuit
Comme la preuve d’être embrumant le miroir Si fragile bonheur qu’à peine on peut y croire au fond de la nuit
J’ai peur de ton silence et pourtant tu respires Contre moi je te tiens imaginaire empire au fond de la nuit
Je suis auprès de toi le guetteur qui se trouble A chaque pas qu’il fait de l’écho qui le double au fond de la nuit
Je suis auprès de toi le guetteur sur les murs Qui souffre d’une feuille et se meurt d’un murmure au fond de la nuit
Je vis pour cette plainte à l’heure ou tu reposes Je vis pour cette crainte en moi de toute chose au fond de la nuit
Va dire ô mon gazel à ceux du jour futur Qu’ici le nom d’Elsa seul est ma signature au fond de la nuit !
Dolmen Petit, Dolmen du Berceau, Menhir du But de Gargantua… les mégalithes de Changé, en Eure-et-Loir, ont cinq mille cinq cents ans. Ils ont servi de sépultures ou ont été utilisés pour des cérémonies. O a fait une partie du trajet en transilien depuis Paris, puis 88 km à VTT pour s’y rendre avec Madame Terre : ses photos ont été prises en chemin, puis sur le site.
Je paraphrase le titre du poème de René Char À la santé du serpent pour le titre de cette note que je dédie au Sapiens de Jebel Irhoud – 315 000 ans, la nouvelle révolutionnaire de la semaine -, à ses inventeurs et à la science (voir en bas de la note). Car je vois dans ce texte de Char une évocation héraclitéenne du « tout change », comme le fleuve coule, comme le serpent mue, grâce à quoi il continue à grandir toute sa vie.
Tout proche, le château de Maintenon (XII-XVIIe siècles)
À voir les champs et les nuages photographiés par O sur le site où Claude Debussy a composé son chef d’œuvre, on se dit qu’il a pu être inspiré aussi par eux, par leur ampleur et leur mouvement aussi magnifiques que ceux de la mer liquide. Ciels et terres océaniques, puissants, scintillants, vivants. Je donne à la fin de la note un enregistrement exquisement sensible de La Mer par Vladimir Ashkenazy et l’orchestre de Cleveland. Cette action poélitique me touche particulièrement : cette œuvre fut l’un des tout premiers 33 tours de musique classique que j’achetai, jeune adolescente, après en avoir entendu, subjuguée, quelques mesures en tournant au hasard le bouton d’une toute petite radio, une nuit. Le son était faible et crachotait, et la puissance de l’œuvre n’en était que plus étonnante, pleine de mystère et de familiarité, comme si j’entendais soudain parler l’océan au bord duquel je vivais alors, l’estuaire que je traversais en bateau deux fois par semaine. Debussy lui avait donné voix, ou plutôt avait su, le premier, retranscrire sa voix, son chant, sa parole symphonique.
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après avoir fait une partie du trajet en Transilien pour se rapprocher de sa destination en Bourgogne, O a poursuivi son chemin à VTT pendant des dizaines de kilomètres sur les sentiers de terre le long des méandres de la Seine, puis de l’Yonne, rencontrant de beaux paysages, passant aussi, tel un chevalier errant, par une forêt où il n’y avait plus de chemin…
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puis il est arrivé sur le lieu :
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Et voici La Mer, trois esquisses symphoniques pour orchestre :
1. De l’aube à midi sur la mer
2. Jeux de vagues
3. Dialogue du vent et de la mer
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autres notes avec Debussy : cliquer sur le mot clé
Je n’ai pas lu les aventures de Babar, enfant. Les histoires d’un roi, qui plus est soupçonné de colonialisme, ne faisaient pas partie de la culture communiste. Mais laissons tomber les lectures politiques de ces contes inventés par Cécile Sabouraud pour les enfants du couple qu’elle formait avec le dessinateur Jean de Brunhoff, qui les mit en images. Ce qui véritablement éclate dans leur grâce intemporelle, c’est que la véritable royauté dont ils parlent, c’est celle de l’enfance. L’enfance reine, dans son humanité et son animalité non séparées, dans cet état qu’il est urgent pour l’humanité de protéger dans l’enfant et de remettre au jour dans l’adulte.
Sur le territoire de la commune a été implanté Eurodisney – cela fait deux conceptions de la culture, disons. Je préfère la poésie, et Babar en est. Voici les images faites par O en chemin vers Chessy, puis au village avec l’école sise juste en face de la maison des parents de Babar et portant le nom du précepteur des enfants de Babar et Céleste, Cornelius. Ensuite l’enregistrement de l’adaptation musicale de l’histoire de Babar par Francis Poulenc, portée à merveille par la voix de Jacques Brel.
en chemin (à vélo), des usines, la Marne…
…puis l’arrivée au village et son magnifique chêne
et la maison de naissance de Babar
l’école…
et Madame Terre posée sur Cornelius, sous les regards médusés des enfants jouant par là
Les actions poélitiques avec Madame Terre ont repris au printemps. Hier O a fait pas moins de 115 km à VTT aller-retour depuis Paris pour aller rendre hommage au résistant Emmanuel d’Astier de la Vigerie, enterré à Arronville. Cet « homme qui ne ressemblait à personne », selon Pierre Viansson-Ponté, fut l’auteur de l’inoubliable Complainte du Partisan, reprise notamment par Leonard Cohen – voir à la fin de la note.
Sur le chemin de retour, il est passé par Menouville, où il a photographié les ruines d’une ferme faisant partie d’un château où vécut « le plus grand marchand de mort des temps modernes », comme l’appelait Romain Gary : Basil Zaharoff, malhonnête, traître et pourri qui s’enrichit et fut décoré de la Grand-Croix de la Légion d’honneur et Chevalier grand-croix de l’Ordre de l’Empire britannique – ce qu’on appelle un homme qui a réussi, dans la philosophie de la réussite de notre nouveau président et de ses pareils.
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puis Menouville…
et il est temps de repartir :
et de réécouter la Complainte du Partisan mise en musique par Anna Marly et interprétée par Leonard Cohen
Toujours par monts et par vaux sur son VTT pour courir les environs de Paris (jusqu’à des plus de 100 km aller-retour), O est allé avec Madame Terre dans cette campagne où Jacques-Louis David eut sa maison et un atelier (avec église à côté) où il peignit le Sacre de Napoléon et couronnement de l’impératrice Joséphine, œuvre de propagande telle que s’en charge aujourd’hui la télévision.
Il a photographié le lavoir du village parce que j’aime les lavoirs, puis il a procédé au rite de la terre, et sur son chemin il a photographié Madame Terre avec un coquelicot parce que j’aime les coquelicots
Avant d’aller rendre hommage à Léon Blum à Jouy-en-Josas où il est mort, O, toujours à vélo depuis Paris, a transporté Madame Terre sur l’Éverest de l’Île de France (231 mètres d’altitude, si si, la colline d’Élancourt est le plus haut point de toute la région !), puis il est passé par ce qui fut l’aéroparc de Louis Blériot, qui s’éleva bien plus haut. Enfin il a réalisé le rite de la terre devant la maison de Blum, qui était en travaux, raison pour laquelle on ne la voit pas entière, un peu comme la révolution sociale en ce moment. Après les photos, un excellent documentaire de Julia Brachet et Hugo Hayat, Blum-Pétain, duel sous l’Occupation - pour méditer sur ce qu’il en est du progrès véritablement humain, et de ce que peut dissimuler la formule pétainiste « ni de droite ni de gauche » aujourd’hui revendiquée tant par Le Pen que par Macron, des menaces fascisantes qu’elle peut contenir quand elle sert de paravent, dangers qui ont d’ailleurs commencé à se réaliser – pensons à la Loi Renseignement, à la Loi Travail, aux violences policières, à la propagande de masse, au système oligarchique et ploutocratique du néolibéralisme de grand banditisme et vampirique qui règne sur le monde. Plus pour longtemps, si nous sommes vaillants, vigilants, résistants.
Par la belle journée d’hier, O a repris son vélo avec Madame Terre et l’a emmenée accomplir le rituel chez Pauline Viardot, une cantatrice étoile en son temps comme Maria Callas au siècle suivant, auprès de qui vécut Ivan Tourgueniev, auteur à redécouvrir, qui contribua notamment par ses écrits à l’abolition du servage en Russie. Et, tout près de leur datcha, chez leur voisin Georges Bizet, que nous écouterons chanté par Maria Callas.
L’accès à la maison est clôturé par un haut grillage, mais O a trouvé un endroit où il a pu passer par-dessus et entrer
cherchez les trèfles à quatre feuilles !
Puis, à quelques dizaines de mètres de là, la maison de Bizet
Aujourd’hui Bizet aurait sans doute du mal à composer de ce côté de sa maison, bordé par une route très passante, mais à l’arrière, toujours la paix de la Seine…
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Pour finir, Maria Callas, qui sait se faire attendre, et se donner :)
Telle l’hirondelle, le retour de Madame Terre sur les routes annonce le printemps. Le temps redevenant assez doux, O a repris son vélo pour aller cette fois visiter les taxis du cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, à une trentaine de kilomètres au sud de Paris. Pas mal de célébrités y reposent mais c’est aux taxis, qui furent si nombreux et appréciés à Paris dans les années trente, qu’il a eu envie de rendre hommage, en songeant aussi à tous les immigrés d’aujourd’hui.
en chemin, une halte à Orly puis dans un joli paysage, avant l’arrivée au cimetière orthodoxe, et le rite de la prise de terre et de la mise de terre dans la bouteille dont j’ai fait Madame Terre (et qui contient aussi un petit bout de manuscrit, protégé), déjà riche de la terre mêlée à quelques feuilles, fleurs, eaux et cailloux des pèlerinages précédents :
à bientôt pour la suite d’une bouteille à la terre !
O, toujours à vélo avec, tel Atlas, Madame Terre sur le dos, est passé par la maison de Balzac à Passy, en arrivant par la ruelle de derrière, celle par où l’auteur fuyait ses créanciers quand ils arrivaient à la porte de devant
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J’aime spécialement la veine fantastique de Balzac. Voici le début d’une adaptation de sa Peau de chagrin - début au Palais Royal, comme dans Le Neveu de Rameau. Pour connaître la suite, vous pouvez vous abonner à l’INA (3 euros par mois, le premier gratuit), ou mieux encore lire ou relire gratuitement le texte en ligne.
« La poésie ? Elle n’est pas où on la croit. Elle existe en dehors des mots, du style, etc. »
André Breton, entretien avec Roger Vitrac dans Le Journal du peuple, 7 avril 1923, « André Breton n’écrira plus »
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O a parcouru encore beaucoup de chemin à vélo avec Madame Terre dans le dos, allant cette fois à 60 km à l’ouest de Paris, à Orvilliers où Orson Welles a vécu longtemps. Aujourd’hui sa maison est en ruine et le parc magnifique a été cédé à un promoteur immobilier qui y a construit un moche lotissement. Ne faudrait-il pas plutôt rendre publics les lieux de beauté ou d’histoire, en faire des maisons (d’activités) et des parcs publics, au service de tous ? Pour cette 27ème action poélitique de Madame Terre, après l’avoir photographiée en train d’habiter une sorte d’abribus au milieu de nulle part -puisque c’est sa mission de rendre vie à ce qui l’a perdue – il lui a fait faire le tour de la belle maison du génie.
Après une halte au village d’Orvilliers, avec son plan d’eau qui joue des reflets presque comme dans un film d’Orson Welles, Madame Terre a tenu à se faire photographier, sur le chemin du retour, devant le musée d’Art naïf de Vicq -fermé, et qui espère réouvrir . Elle ne dépare pas, non ?*
Un petit film montrant la maison d’Orson Welles, sur sa voix disant le début de la parabole de la Loi dans Le Procès de Kafka :
« Je vous remercie Madame, mais votre dieu est vraiment trop du côté des Versaillais » Louise Michel
Aujourd’hui O a accompli la 26ème action poélitique de Madame Terre aux deux endroits du Mur des Fédérés – au square Samuel-de-Champlain le long du Père-Lachaise où il a été reconstruit avec les pierres d’origine et au lieu de la tuerie à l’intérieur du cimetière. Sur le retour, il s’est arrêté sur le parvis de la gare d’Austerlitz pour faire une photo avec le tout nouveau monument en hommage aux Brigades internationales (que nous avons vu l’autre jour). Suit une vidéo sur la Commune, emmenée par un très bon guide.