des mûres, des raisins, des pommes, une poire, des courges, des tomates, des aubergines… et une rose,
tout à l’heure au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
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des mûres, des raisins, des pommes, une poire, des courges, des tomates, des aubergines… et une rose,
tout à l’heure au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
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En Russie, une crue de l’Amour sans précédent inonde un million de kilomètres carrés, soit un territoire aussi vaste que l’Oklahoma, le Texas et le Nouveau-Mexique réunis. Beaucoup de dégâts matériels, mais pas de mort d’homme.
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En Russie toujours, à Krasnoïarsk, un homme est arrivé à l’hôpital, sans papiers et ne se souvenant de rien, avec un tabouret sortant du crâne – l’un des pieds métalliques étant fiché dans sa tête sur onze centimètres. Les médecins le lui ont retiré, il est sauvé.
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La guerre en Syrie ne sera pas une promenade, note un spécialiste russe. Promenons-nous tant qu’il en est encore temps. L’histoire que nous font les grands de ce monde semble sortir du journal d’un fou.
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« Ben, prévois de jouer Precious Lord, Take My Hand à la réunion de ce soir. Joue-le de la plus belle manière ». Ce sont les dernières paroles de Martin Luther King.
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cet après-midi à Paris, photos Alina Reyes
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Après avoir publié son petit livre sur la Dame à la licorne, qui était le thème de mon roman La Chasse amoureuse, paru juste avant, après avoir, dans un gros roman grassement payé et promotionné, repris des dizaines de figures de Forêt profonde et de quelques autres de mes livres (voir A la Grande Ourse), voici que Y.H., en cette rentrée, publie un roman dont les thèmes sont aussi essentiels dans Voyage (et d’autres de mes livres précédents) : dormir dehors, relever les inscriptions dans les rues, sortir du système par la marche. Bien entendu ces thèmes ne m’appartiennent pas, je n’en suis pas non plus l’inventeur, et j’aime les trouver dans la littérature – mais ici, cela fait pitié.
En exergue de son livre cette citation de Walter Benjamin : Vaincre le capitalisme par la marche à pied. Programme un peu étriqué par rapport à celui de mes Pèlerins d’Amour, qui, marchant à pied, voient un peu plus loin et un peu plus profond que le fait de vaincre le capitalisme, mais c’est quand même un bon programme. Seulement, il ne suffit pas de marcher dans les rues, il faut aussi et d’abord renoncer à marcher dans le système. Renoncer aux avantages et aux positions que confère le système quand on accepte ses compromis, ou quand on fait même pire. Je le dis parce que je crois qu’il a besoin que je le dise. Dans quel enfer il s’est ferré. Alors que je ne lui en veux pas. Tout homme qui fait de lui-même un parasite, et tout homme qui s’enferme dans une obsession, se fait beaucoup de mal. Ne te fais pas de mal, cela suffit ainsi. Que Dieu te délivre.
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Bien malheureux l’homme victime d’une injustice, non d’une injustice qui lui a été faite, mais d’une injustice dont il a profité.
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Je continue à travailler pour faire vivre ce site et participer à ma façon à la rentrée littéraire par des éditions et rééditions – ma façon de dire que contrairement à la loi du système, la littérature n’est pas un produit éphémère et saisonnier – rééditions de livres dont Voyage fera partie. Il sera bientôt disponible en format numérique sur ce site, et en promotion à bien moindre prix sous sa forme papier, incha’Allah.
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A la Grande Ourse, en PDF gratuit
À l’occasion de la rentrée littéraire, voici un premier cadeau : À la Grande Ourse, que vous pouvez télécharger gratuitement en pdf.
Les pages de ce livre sont issues de mon Journal et traitent, entre septembre 2007 et mars 2010, à la fois du procès pour plagiat que j’intentai à Y.H. (et que je perdis), et du processus de l’écriture. Elles sont un témoignage sur une épreuve douloureuse, qui s’inscrit dans un questionnement fort de la littérature, de l’écriture, et aussi du milieu littéraire et de l’esprit du monde contemporain. Pour aboutir à une remise en question radicale de la littérature, et de la vie – qui s’est depuis poursuivie avec l’écriture, puis la publication par moi-même (seul moyen de le publier en toute liberté de parole), de Voyage. L’aventure continue, puissante.
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lieu d’effroi / le jour vient d’un petit soupirail en hauteur c’est par là qu’on leur passe leur nourriture / assises côte à côte / le corps rivé au mur par des chaînes / des boulets aux pieds / mort lente /
monde confus / univers de cruauté / de charité et de corruption mêlées / où religion / péché / punition / sexe / et fouet / sont présents / latents / partout / où les bourreaux fouettent les fouetteurs / où le bien / le mal / se retournent comme des gants
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Au milieu de descriptions d’horreurs (catholiques) s’étendant sur près de quatre siècles, soudain cet îlot dans le livre de Mâkhi Xenakis, qui a construit sur les archives son poème, Les folles d’enfer de la Salpêtrière, paru aux éditions Actes Sud en août 2004 (je mets des / où le livre laisse dans le texte des espaces) :
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on est loin du monde arabe / à Bagdad / au Caire / à Fez / au septième siècle / qui leur construit des hôpitaux / et qui pour toute thérapie leur prescrit / de la musique / de la danse / des spectacles / et des récits merveilleux /
on est loin de l’Espagne au quinzième siècle où laïcs et riches commerçants / financent des hôpitaux accueillant les fous de tous les pays / de tous les gouvernements / de tous les cultes / pour une vie en pleine nature / rythmée par les saisons / les moissons / les vendanges / la cueillette des olives / à Valence / Saragosse / Séville / Tolède
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toutes les notes « De la Pitié à la Mosquée » ici
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La jeune fille musulmane qui s’est défenestrée après avoir été agressée par des skinheads est vivante. Il semble que depuis son agression elle ait eu à subir beaucoup de suspicions, voire de harcèlement, de la part de la police – et nous savons toute la suspicion avec laquelle cette affaire a été relatée dans la presse. Une agression comme celle qu’elle a subie est très traumatisante, mais le traumatisme devient gravissime quand le témoignage de la victime est partout mis en doute et qu’elle se retrouve en position d’accusée. Sur internet, nos bons concitoyens continuent à exprimer leurs doutes face au témoignage de cette jeune fille, mais à Annecy, où une nouvelle agression de skinheads sur des musulmans vient de se produire, l’un des agresseurs vient d’être arrêté. Qu’on cesse de nier le problème.
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MARIE LUMINE
À deux heures, Marie avait deux yeux noirs et brillants comme des boutons de bottines. Ils firent sursauter la fée venue se pencher sur son berceau.
« Sapristi, se disa-t-elle, cette fille c’est un puits ! »
La tête toute droite Marie fixait la blondasse de ses deux pièges à lumière.
La fée détourna le regard, éprouva le besoin de tirer sur sa robe qui n’arrêtait pas de remonter, ces temps derniers. Elle avait un peu grossi et ses seins débordaient du corsage, à croire qu’elle était nourrice plutôt que créature de l’entremonde. Quand elle leva de nouveau les yeux sur le berceau, la petite continuait à la considérer effrontément.
Ah çà, depuis le temps qu’elle faisait chaque jour le tour des maternités, la fée n’avait jamais vu tant d’insolence sur le visage d’un microbe ! Du coup, elle ne savait plus quel don lui accorder. Est-ce que ça avait besoin d’un don, ça ?
D’habitude, elle adressait aux petites filles une ou deux des formules en usage :
« Sois belle et tais-toi »,
ou bien
« Aime et pleure »,
ou encore
« Soigne et veille »,
enfin bref, les grands classiques.
Mais là… le regard que lui lançait cette… cet… être… ! La fée eut l’impression que si elle lui jetait un vœu, les yeux de la petite l’enverraient rebondir de toute leur force et c’est elle, la blonde créature, qui le recevrait en pleine poire !
Elle se mit à réfléchir, deux secondes.
MARIE HONNÊTE
À quinze ans, Marie avait un regard noir et brillant comme une nuit de feux follets. Elle vivait dans une écurie avec ses parents adoptifs, qui l’envoyaient tout le jour courir la ville pour vendre le lait de leur jument.
Dès potron-minet Marie pressait entre ses doigts les pis de la bête qu’elle vidait jusqu’à la dernière goutte – le poulain ayant été depuis longtemps sevré au chocolat. Puis elle chargeait ses deux gros bidons sur le porte-bagages, enfourchait son vélo et sonnaillant sur les chemins s’en allait livrer le liquide encore chaud sous tous les toits du patelin.
Au retour, il lui fallait encore étriller la chevale et son petit chevau, leur récurer le crottin sous les sabots et les mener dans la courette brouter le gazon vert.
Or un beau matin, à l’heure de la laitière, une Madame vint la quérir chez ses parents. Il était temps, soi-disant, de la mettre à l’école. Marie suivit Madame, qui avait moulé sa graisse dans un tailleur saumon et filait dans le flux du monde comme une grosse maquerelle.
MARIE GO (DANS LE MÉTRO)
« Salut Marie !, lui dit Madame. Sais-tu pourquoi tu as grandi dans l’écurie ? Tu avais juste un mois quand ta maman est morte du sida que ton papa lui refila avant de disparaître. Mais sache que tes parents, mon enfant, foin de ces vils palefreniers qui t’ont élevée, étaient les phénix des hôtes de mon toit. C’est de Vénus que tu sortis, une pouliche des plus gagneuses ! Et lui, celui qui te conçut, était consul ! »
La face de la Madame, sous l’épaisse couche de fardure, était aussi expressive qu’une tanche. La peau tirée comme une chaussette usée menaçait de se détacher à chaque instant. Aussi Madame évitait-elle de sourire, et même pour parler gardait sa grosse bouche, artificiellement gonflée, presque immobile.
Madame avait tout l’air d’une, comment ? ventre y loque.
C’était l’heure de pointe et le métro plein comme un œuf enfilait trou noir après trou noir.
Dans la rame surpeuplée, Marie s’accrochait ferme à la rampe, pressée par Madame qui lui résumait sa généalogie, et par derrière d’autres qu’elle ne voyait pas. Marie se dit que le moment était venu de prendre ses jambes à son cou, son courage à deux mains et sa liberté jolie. Qu’avait-elle besoin d’aller à l’école ? Dès la première station, elle rua hors de la rame, laissant loin derrière elle et à jamais Madame et les autres presseurs.
La bouche du métro cracha la petite patate chaude à l’air libre.
C’était la première fois que Marie quittait sa riante banlieue, où chacun arborait une rassurante ressemblance avec son animal domestique : gueules de chiens, du caniche au pitbull en passant par toutes sortes de bâtards, mais aussi lapins, chattes et chats, poulettes et poulets, coqs, cochons d’Inde, cochons roses et poissons rouges.
Marie pensa à ses parents, deux vraies têtes d’âne. Un peu de nostalgie la prit, en voyant défiler par les rues de la grand ville tous ces masques de gens. Comme elle avait envie de leur éplucher la façade ! Qu’ils montrent un peu la bête qu’ils étaient !
Bon pied bon œil, bon an mal an et cahin-caha, voici donc notre pimprenelle, un train chassant l’autre, par cette printanière journée, soudain rendue face à un fort fringant, quoique raide, planton.
Marie l’avait remarqué de loin, bien développé de la tête aux pieds dans son uniforme d’un blanc immaculé. Et tout en s’approchant elle ralentissait l’allure de son pas, sans le savoir amplifiant le balancement de ses hanches dans son blue jean troué.
MARIE NAÎT
Tout semblait calme et notre paysanne de Paris pensa une nouvelle fois qu’elle ferait mieux de rebrousser chemin et de s’en aller courir librement par la ville, d’y folâtrer, d’y bondir et d’y flâner à travers rues, ainsi qu’il convient à une jeune pouliche non dressée.
Las ! tant va la femme à l’homme que la cruche à l’eau, et Marie, suivant le cours impétueux de son destin, fit les deux pas fataux qui la séparaient de ce mâle-gâteau. La bandaison, Marie, ça ne se commande pas ! Telle fut sa leçon, buissonnière, du jour. Car elle bandait dur, Marie. Que pouvait bien avoir ce planton-là, pour la mettre en tel état ? Il lui donnait la sensation de chevaucher.
Auriez-vous la bonté de me dire quelle heure il est ?, lui demanda-t-elle.
Allez allez allez, dans ses yeux aussi c’était l’heure de l’amour ! Marie, posant la main sur son trésor, en le palpant sentit évoluer la chose. Un vertige la prit, un tremblement, un bonheur, une déchirure qui la sabra, de l’entrecuisses à l’entroreilles ! Les gens à masques qui continuaient à sillonner la rue ne virent pas qu’une demoiselle venait de traverser le mur.
MARIE EST
Des salves d’applaudissements et de huées accueillirent Marie à son arrivée au bas du toboggan qui s’était ouvert dans l’ombre de la guérite. Encore tout étourdie, elle se frotta les yeux et vit qu’elle était tombée sur le plancher, au beau milieu d’un cercle de lumière. Les cris venaient de la salle, noire comme un vol de corbeaux.
Marie se mit debout, esquissa un sourire modeste, s’inclina légèrement et salua d’un lent hochement de tête, la main sur le cœur. Puis exécuta un pas en arrière, précis et naturel.
Dès lors l’invisible public, tout frein rompu, laissa libre cours à sa folle excitation. Frappant le sol des pieds, élevant des briquets en flammes, jetant des épluchures pourries dans un tumulte de chants tyroliens et autres you-you pleins d’arabesques, ricanements et sifflets. Suivie au millimètre par les halos croisés d’une série de projecteurs disposés là-haut dans la courbure des cintres, Marie arpentait la scène de cour en jardin, de jardin en cour et de fond en bord pour gratifier son public, insatiable, de profondes révérences, de baisers jetés à pleines mains, de gestes tour à tour radieux, coléreux et las, de courses vers les coulisses et de retours sans compter, d’applaudissements à la salle, d’innocentes gambades qui soulevaient des délires de rires, clins d’yeux, sarcasmes, pouces levés, pouces baissés, soupirs et autres mimiques, ouvertures des bras, reculades, roulades avant et arrière, roues, piquets, marches sur les mains, acrobaties, singeries, grimaces…
Finalement Marie, traversant l’autre mur, s’en alla pour de bon dans la paix du jardin.
Ah, soupira Marie, c’est bon, d’être parti !
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