Notre modernité

Tandis qu’on pénalise les clients des prostituées, tandis qu’on instaure un programme scolaire pour l’égalité des sexes (ou pour la négation des corps ?), on se prépare à autoriser la gestation pour autrui (aujourd’hui le gouvernement a sagement reculé sa loi famille, mais malgré leurs dénégations Manuel Valls et d’autres ministres et élites sont pour, voire militent pour la gestation pour autrui). Ce n’est déjà pas glorieux de vendre son corps, ou d’acheter un corps, dans des relations entre adultes, mais le vendre ou en acheter un dans une relation de mère à enfant, de parent à enfant, c’est plus ignoble que tout. Car même dans les cas où les mères porteuses sont censées ne pas vendre l’enfant, en fait elles sont payées pendant leur grossesse, ce qui revient au même. Et même si elles n’étaient pas payées, quel genre de mères voudrait-on promouvoir, capables d’abandonner l’être qu’elles ont porté et qui a besoin d’elles (et pas d’un ou d’une autre), de le faire non à cause de quelque tragédie (cela le nouveau-né peut le comprendre), mais parce que l’homme moderne doit pouvoir se procurer des enfants comme n’importe quel autre bien ? C’est donc cela, leur libération de la femme ? C’est ainsi qu’ils comptent réaliser l’égalité des sexes, en faisant des corps des machines, en niant la relation de mère à enfant pendant les neuf mois de grossesse, en arrachant l’enfant à celle qui l’a porté comme s’il n’y avait eu aucune relation entre eux ? Piétiner, insulter l’amour et la vérité, c’est cela maintenant, les valeurs de la gauche ? Ou ce sont tout simplement celles de l’homme moderne. Alors il faut s’interroger sur ce qu’est notre modernité : une mise au tombeau de l’humanisme.

À une femen qui ne parle pas français, qui se laisse acheter par n’importe qui y compris le diable comme elle le dit, qui salit les femmes et l’homme en général, on donne un passeport français, le droit de séjourner sur notre sol et l’honneur de figurer Marianne sur un timbre. Tandis qu’en plein hiver on chasse les familles roms avec leurs enfants de leurs bidonvilles, qu’on enferme des migrants dans des centres de rétention, qu’on expulse des réfugiés, qu’on interdit à des femmes voilées d’accompagner leurs enfants en sortie scolaire. Voilées ou non voilées, quoique bien françaises nos concitoyennes d’origines maghrébine ou africaine ne posent pas pour Marianne. Elles n’ont tout simplement pas l’avantage d’être de type caucasien. Voilà encore notre modernité.

Nous ne voulons pas d’une modernité qui a des relents puants de vieilles pages d’histoire sinistre, ni d’une modernité de science-fiction et de planète des singes. Nous voulons la modernité éternelle et toujours neuve de l’amour, de la vérité, de la vie, de la joie. Et nous l’avons, et elle vaincra.

Ceux qui s’accrochent à la mort

Entendu l’autre soir l’enregistrement d’une émission de télé où l’un des ces auteurs qui deviennent soudain auteurs disait que la prière des contemplatives berce le monde – ce qui sonne comme ce que j’ai écrit sur la prière de l’Église semblable au chant de Marie pour l’enfant Jésus la nuit, mais selon l’habitude en inversant tout : le monde n’est pas Dieu, chanter Dieu n’est pas bercer le monde mais au contraire le tenir en éveil. Le même auteur faisant ensuite l’apologie de la souffrance, qui nous « enracine ». Là je me suis mise à chanter, sur l’air de Maréchal nous voilà, « Heidegger nous voilà ». Il n’y a que les sadiques et les masochistes pour faire l’apologie de la souffrance. Car dans quoi la souffrance enracine-t-elle l’homme ? Dans la mort, dans la merde. Voyez les êtres humains et les peuples qu’on fait souffrir : ils se meurent, ou ils deviennent mauvais. Mourants ou mauvais, c’est ainsi que les dominants, domestiques ou publics, veulent les autres, afin qu’ils soient réduits. Morts et mauvais, c’est ainsi que sont les dominants, accrochés à la mort, la leur et celle qu’ils veulent infliger aux autres, comme à leur seule bouée dans l’univers immonde où ils pataugent. Le Christ vainqueur de la mort garde la marque des clous dans sa chair, chacun la verra le regarder au Jour dernier.

Quelques remarques (et photos et vidéo) sur la « manif pour tous »

Je suis allée voir l’arrivée de la manif pour tous place Denfert-Rochereau (voir mes reportages photo et vidéo sur Citizenside). Beaucoup, beaucoup de monde. N’ayant pas assisté au défilé, je n’ai pas vu ses composantes les plus désagréables, celles que je n’avais pas envie de revoir une fois de plus (après la « Marche pour la vie » et le « Jour de colère »). J’ai vu seulement des familles, des gens qui m’ont paru très fermement opposés à la succession d’évolutions sociétales que le gouvernement promeut de façon intempestive, sans esprit de concertation ni égards pour ceux qui ne partagent pas leur idéologie. D’autant que le pays continue à souffrir de la crise. Une politique en forme de jeu dangereux, qui pousse à bout des pans entiers de la population. Il est facile d’enlever le mot « détresse » à la loi Veil, de faire voter le mariage homosexuel ou d’introduire à l’école de nouveaux cours d’éducation sexuelle. Bien plus facile que de promouvoir une politique de responsabilité quant à la procréation et la contraception, bien plus facile que de réduire le chômage, bien plus facile que de lutter contre les inégalités, à commencer par celles qui frappent les enfants à l’école, non de par leur sexe mais de par leur origine sociale.

Contrairement à ce qu’on entend dire parfois, le mariage civil n’est en rien sacré. La preuve en est qu’il comporte la possibilité de divorcer, c’est-à-dire qu’il accepte que ce mariage repose sur un mensonge quant aux obligations, comme l’obligation de fidélité, qu’il implique. Un pacte qui est prévu pour ne pas tenir parole est un pacte invalide. Autant il me paraît incohérent que les chrétiens et les musulmans veuillent défendre à tout prix ce mariage qui n’est absolument pas sacré, autant je comprends leur inquiétude quant à la menace de voir s’étendre les trafics liés à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui. On nous assure qu’il n’est pas question de légaliser en ce sens, mais il n’est pas illégitime de faire pression pour empêcher, retarder ou limiter cette évolution. Car toute évolution sociétale qui consiste à se soumettre au prétendu droit de chacun, droit à l’avortement « banal » comme l’écrit une féministe, droit au mariage homosexuel mais aussi droit à l’enfant pour ceux qui ne peuvent pas en avoir, est le nouveau grand nihilisme à l’œuvre dans le monde. L’enfant y est considéré comme un objet que l’on peut rejeter ou se procurer à volonté. Son droit propre n’est pas envisagé, seul compte le « droit », en fait le désir des adultes qui veulent de lui ou ne veulent pas de lui. Rien n’est plus nihiliste que nier l’enfant comme personne humaine, car l’enfant est le devenir de l’homme, le porteur de l’avenir de l’humanité, et aussi, au plan spirituel, le possible porteur de notre innocence.

Serge Poliakoff

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J’ignorais que Poliakoff avait procédé à cette juxtaposition de petits tableaux, inspirée des iconostases. C’est aussi ce que j’avais décidé de faire avec mes (très modestes) petits masques (qu’on peut voir en bas de la page peintures).