Le grand dragon



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Je suis allée voir El Gran Dragon, documentaire sur les hommes de la forêt d’Amazonie et leur connexion avec les plantes qui guérissent. Hommes, forêt et connaissance menacés par l’exploitation industrielle, comme les indigènes péruviens, dont le nombre passa de douze millions à un million, le furent par les colons et les évangélisateurs qui condamnèrent leur savoir.

Connexion est un mot qui revient fréquemment au cours du film. Ces hommes sont connectés avec leur environnement naturel, ils en font partie. Des ethnologues comme Jeremy Narby aussi bien que le poète penseur Antonin Artaud se sont intéressés à leur mode d’entrée dans une autre dimension par la « mère des plantes », leur enseignante. Quand la science occidentale comprendra que la clé qui lui manque est là, l’humanité fera un grand pas.

Il est inutile de demander à un voyageur

Des conseils pour construire une maison.

Le travail ne sera jamais achevé.

Citation du Livre des Odes, un ouvrage chinois, par Bruce Chatwin, dans son livre capital sur les aborigènes australiens, Le Chant des pistes.

« Les psychiatres, les politiciens, écrit ensuite Chatwin, les tyrans nous assurent depuis toujours que la vie vagabonde est un comportement aberrant, une névrose, une forme d’expression des frustrations sexuelles, une maladie qui, dans l’intérêt de la civilisation, doit être combattue. Les propagandistes nazis affirmaient que les Tziganes et les Juifs – peuples possédant le voyage dans leurs gènes – n’avaient pas leur place dans un Reich stable. Cependant, à l’Est, on possède toujours ce concept, jadis universel, selon lequel le voyage rétablit l’harmonie originelle qui existait entre l’homme et l’univers. »

Aujourd’hui on confond souvent voyage et tourisme. Le voyage est spirituel, ou il n’est pas. Ceux qui ont réellement voyagé savent que le voyage commence vraiment quand ils deviennent eux-mêmes le voyage. Les habitants de la forêt, les habitants de leur espace, même s’ils ne font que se déplacer dans leur environnement immédiat, y voyagent réellement, en communion spirituelle avec le cosmos. Avec le chemin qu’ils deviennent eux-mêmes (et qui désoriente tant les sédentaires).

Le vent se lève

le vent se leve

J’ai vu tous les films de Miyazaki, génie absolu, à mon sens le plus grand artiste vivant au monde, et c’est dans Le vent se lève, qu’il nous offre comme sa dernière œuvre, qu’il nous est donné d’entendre quelques mots en français, prononcés par des Japonais : « Le vent se lève !… » (dit la toute jeune fille), «il faut tenter de vivre ! », termine le jeune homme. Ce vers de Valéry sera redit. L’hommage à Monet est bouleversant aussi.

Monet

Miyazaki a tenté ici quelque chose qu’il n’avait jamais fait, un film réaliste, une biographie, qui reste pourtant du pur Miyazaki. Son ingénieur dessine des avions comme lui, le cinéaste, dessine des mangas. Avec grand art. Sauf que les mangas du cinéaste, quelque violence qu’ils puissent contenir, contrairement aux avions de l’ingénieur, ne tuent pas, mais œuvrent pour la paix. Le vent se lève livre un message clair, et si certains ont douté de sa limpidité c’est parce qu’il est aussi complexe que simple, aussi profond qu’évident, et qu’une lecture du film qui se tiendrait entre deux eaux ne verrait plus ni la lumière évidente de la surface ni la lumière cachée des profondeurs de cet océan.

Le film prend tout le temps qu’il faut, et pourtant j’aurais voulu que chaque plan demeure une heure, qu’il ne disparaisse pas, que nous ayons loisir de le contempler aussi longtemps qu’un tableau. Formellement aussi il est splendide, les cadrages et la composition de l’histoire ouvrent des espaces d’ample respiration, les couleurs délicates, nuancées, fortes, donnent une épaisseur charnelle aux paysages, aux ciels, aux nuages. Le vent s’entend, la terre aussi. Tout vit, même la mort. Tant d’hommes sont inconséquents et aveugles, leurs œuvres portent la mort sans qu’ils le voient, mais le message de Miyazaki passe.

(J’ai fait un lapsus d’écriture, j’ai écrit « le vent se lèvre », lèvre veut aussi dire parole en langue sémitique.)

Les péniches Louise-Catherine, « concrete », Adamant, la tour 13…

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Nous aussi nous avons déjeuné sur l’herbe, échafaudant d’humbles et splendides projets…

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Sur la Seine, d’autres déjeunaient aussi au soleil à bord de leur péniche

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Nous avons avancé vers l’est

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et sommes montés à bord de la Louise-Catherine, ou péniche Le Corbusier, anciennement péniche de l’Armée du Salut

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Toute en béton, mais de beaux espaces

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Et une belle exposition de photos de femmes. Celle-ci par exemple, une inconnue, pose devant de nombreux livres, dont au premier plan un livre de Maître Eckhart

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toujours à l’intérieur de la péniche

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et la voici vue du pont

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rive droite, une péniche « concrete » pour les fêtards insatiables

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et de l’autre côté du pont et de l’horloge de la gare de l’Est…

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la péniche hôpital psychiatrique de jour Adamant

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vers la source…

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repassons rive gauche, avec son vert musée de la mode…

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à l’arrière de la gare d’Austerlitz

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et voici la fameuse tour 13

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revenons aux immeubles habités

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rue Bellièvre, c’est une petite Afrique

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continuons dans le Paris tout neuf de ce quartier du 13e

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bientôt ces chemins de fer seront couverts

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cet après-midi à Paris, photos Alina Reyes