Les films de mer bretons de Jean Epstein

Après sa splendide adaptation de  La chute de la maison Usher (1928)(nous y reviendrons une autre fois peut-être), Epstein en proie à des difficultés financières part en Bretagne et sous le choc de la découverte abandonne tout autre projet pour filmer le pays qu’il découvre. Entre documentaire et fiction, ses courts-métrages d’avant-garde sont des chefs d’oeuvre d’une intense puissance poétique, faisant parfois penser à des installations vidéo d’artistes d’aujourd’hui travaillant l’image et le son de façon à plonger le spectateur dans un état quasi second. En fait, il me semble qu’Epstein filme en profondeur les éléments et les sons pour révéler à travers eux un cinquième élément et une autre voix.

De son premier film, Finis Terrae (1929), je n’ai trouvé en ligne que des extraits, qui valent vraiment d’être vus. D’autres films ont été réalisés ensuite, comme expliqué ici.
J’ai trouvé les deux derniers dans leur intégralité, dont celui qui est réputé être l’un de ses plus beaux, film de vingt minutes, Le Tempestaire (1947). Epstein est passé au cinéma parlant et ses acteurs disent leur peu de texte de façon « mal jouée » mais cela ne fait qu’ajouter à la poésie de cette parole dont on ne sait en fait d’où elle vient, puisqu’elle semble être dite tout autant par les éléments. Une jeune femme inquiète pour son fiancé parti à la pêche va demander l’aide d’un vieux « tempestaire » censé savoir calmer les tempêtes. Et en effet il se passe quelque chose d’étrange.
Le dernier film est aussi le dernier de Jean Epstein, un film de commande sur les phares pour le compte de l’ONU. Les feux de la mer, Lights that never fail (1948), est ici en entier et en anglais – mais les images se suffisent et certaines sont bouleversantes aussi.


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https://youtu.be/58L2qA-6Hm0
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À voir ici

Capture du 2016-01-27 00:45:03

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J’ai mis un peu d’ordre dans les vidéos présentes ici, en les classant. En attendant les films suivants…

Films d’animation : divers films, courts ou plus longs, notamment à partir de peintures

Documentaires (brefs ou longs) : sur des artistes et sur l’art brut, le street art, le graff, l’art pariétal, la peinture ; sur des écrivains (Durrell, Artaud, Breton, Weil, Benjamin…) ; sur Reinhold Messner ; sur les antifas ; sur l’Afrique par René Vautier ; sur les Masaï ; et quelques autres sujets.

Cinéma (longs ou courts métrages de fiction) : les huit films du cycle Edgar Poe de Roger Corman ; Extase et Érotikon de Gustav Machaty ; Alice et autres de Jan Svankmajer ; La lumière bleue de Leni Riefenstahl ; At Land, Meshes of the Afternoon et autres de Maya Deren ; Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse ; L’intendant Sansho de Kenzi Mizoguchi

Gregory Corso, « Acté la veille de mon 32ème anniversaire, Un lent réfléchi spontané poème » (ma traduction)

J’ai 32 ans

et finalement je fais mon âge, sinon plus.

 
Est-ce un bon visage, un visage qui n’est plus celui d’un enfant ?

Il paraît plus épais. Et mes cheveux,

ils ont arrêté de boucler. Ai-je un gros nez ?

Les lèvres sont les mêmes.

Et les yeux, ah les yeux deviennent meilleurs tout le temps.

32 ans et pas de femme, pas d’enfant ; pas d’enfant fait de la peine

mais j’ai encore tout le temps.

J’ai arrêté de faire n’importe quoi.

Ce qui fait dire à mes soi-disant amis :

« Tu as changé. Tu étais si merveilleusement dingue. »

Ils ne sont pas à l’aise avec moi quand je suis sérieux.

Qu’ils aillent donc au Radio City Music Hall.

32 ans. Vu toute l’Europe, rencontré des millions de gens ;

pour certains ce fut génial, pour d’autres terrible.

Je me souviens de mon 31ème anniversaire, je pleurais :

« Dire que j’ai peut-être encore à vivre 31 ans ! »

Je ne ressens pas la même chose cette fois.

Je sens que je veux être sage, avec des cheveux blancs dans une haute bibliothèque,

dans un fauteuil profond à côté de la cheminée.

Une année de plus au cours de laquelle je n’ai rien volé.

8 ans maintenant que je n’ai rien volé !

J’ai arrêté de voler !

Mais je mens encore de temps en temps

et je suis encore sans honte quand vient la honte

de demander de l’argent.

32 ans et quatre durs réels drôles tristes mauvais merveilleux

livres de poésie

– le monde me doit un million de dollars.

Je crois que j’ai eu de bien étranges 32 années.

Et rien de tout cela ne fut de mon fait.

Nul choix entre deux voies ; si je l’avais eu,

nul doute que j’aurais choisi les deux à la fois.

Il me plaît de penser que le sort a voulu que je joue de la cloche.

L’indice en est, peut-être, ma déclaration éhontée :

« Je suis un bon exemple qu’il existe une chose appelée âme ».

J’aime la poésie parce qu’elle me fait aimer

et me présente la vie.

Et de tous les feux qui meurent en moi,

il y en a un qui brûle comme le soleil.

Il ne fait peut-être pas au quotidien ma vie privée

ni mes relations avec les gens

ni mon comportement face à la société

mais oui, il me dit que mon âme a une ombre.

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texte source

« Extase », de Gustav Machaty, avec Hedy Lamarr

Mariée à un homme qui a du mal à mettre la clé dans la serrure et à passer la porte avec elle, qui plus est affligé de TOC, un homme qui a le nez dans le journal et écrase les petites guêpes avec le pied de sa chaise, la jeune femme jouée par Hedy Lamarr est pour le moins frustrée. Jusqu’au jour où, levée par la belle lumière d’un matin, elle va se baigner dans le lac. Pendant son bain sa jument, attirée par un étalon, lui fausse compagnie avec ses vêtements. Elle la poursuit, nue à travers champs et forêt. Un beau terrassier la lui rend. Et lui offre une fleur où il a déposé une petite guêpe, bien vivante. Il y a de l’amour dans l’air et bientôt le premier orgasme filmé. Je ne spoile pas la suite, mais il ne faut surtout pas rater la scène de course nue dans la nature, puis d’amour le soir dans la maison. Le désir actif et le plaisir d’une femme révélés pour la première fois au cinéma, et en beauté. La scène finale, énigmatique juste comme il faut, hymne à la vie et à la joie, laisse la porte ouverte à l’avenir de l’homme et de la femme : qui sait…? Gustav Machaty (dont nous avons déjà vu Erotikon) filme à merveille la sensualité de la nature, aussi bien dans les fleurs que dans les visages et les corps de ses acteurs, notamment Hedy Lamarr, dotée d’autant d’intelligence que de beauté. Le film fut empêché de remporter un prix à la Mostra de Venise en 1934 par l’intervention conjuguée de Mussolini et du Vatican, puis censuré aux États-Unis pendant 7 ans. Malgré les efforts du mari jaloux de l’actrice pour faire supprimer toutes les copies, il existe encore, Dieu merci. Bon film !

Erotikon, de Gustav Machaty (par une nuit d’hiver une voyageuse…)

Ah l’érotisme des trains et autres véhicules aux moments des bandaisons et pénétrations, l’érotisme des réveils et des pendules, l’érotisme de la pluie la nuit, l’érotisme des chevaux noirs galopant les yeux fous dans la nuit, l’érotisme du jeu d’échec, l’érotisme des yeux, des corps… Certaines scènes somptueuses donnent à ce film au noir et blanc puissant, non dénué d’humour, d’impressionner la mémoire.
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