Madame Terre au moulin bibliothèque d’Aragon et Triolet, une merveille

L’eau y coule dedans comme dehors. Très beau lieu dans une très belle nature, site désormais ouvert aux visiteurs et aux artistes, cet ancien moulin de Saint-Arnoult en Yvelines fut leur maison de campagne, de repos et de travail,  avec les 30 000 livres de leur bibliothèque, toujours là et disponible pour les chercheurs. La présence d’Elsa Triolet et de Louis Aragon y est maintenue vivante, tant par les souvenirs et objets d’art qui furent leurs que par ceux qui témoignent de la continuité de la création jusqu’à nos jours.

Hier après-midi, faisant fi de la canicule, O s’y est rendu, toujours à VTT et par les chemins buissonniers depuis Paris, pour y présenter Madame Terre – qui y a été très bien comprise et reçue, merci – et accomplir le rite que les lecteurs de ce blog connaissent bien depuis l’année dernière. Avant de donner les photos qu’il a prises en chemin et sur place, voici deux vidéos – la première sur un mode poétique, la seconde reportage pour la télévision – présentant la maison : un enchantement. Puis, après les photos, nous écoutons et voyons les deux auteurs parler de littérature, notamment Triolet sur Tchekhov et Aragon sur Stendhal. Enfin, musique ! Aragon qui aimait qu’on change ses poèmes en chanson adore certainement cette interprétation de « Gazel du fond de la nuit » par Gnawa Diffusion, rejoignant le Ghazal, l’art raffiné de la poésie courtoise arabe – et le texte du poème.

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mme terre vers triolet aragon 2une ferme en chemin

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mme terre vers triolet aragon 5un vestige du chemin de Compostelle

mme terre vers triolet aragon 6le chemin se poursuit par les sentiers en forêt du noble chevalier errant

mme terre vers triolet aragon 7puis c’est l’arrivée à destination

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Je suis rentré dans la maison comme un voleur
Déjà tu partageais le lourd repos des fleurs au fond de la nuit

J’ai retiré mes vêtements tombés à terre
J’ai dit pour un moment à mon cœur de se taire au fond de la nuit

Je ne me voyais plus j’avais perdu mon âge
Nu dans ce monde noir sans regard sans image au fond de la nuit

Dépouillé de moi-même allégé de mes jours
N’ayant plus souvenir que de toi mon amour au fond de la nuit

Mon secret frémissant qu’aveuglement je touche
Mémoire de mes mains mémoire de ma bouche au fond de la nuit

Long parfum retrouvé de cette vie ensemble
Et comme aux premiers temps qu’à respirer je tremble au fond de la nuit

Te voilà ma jacinthe entre mes bras captive
Qui bouges doucement dans le lit quand j’arrive au fond de la nuit

Comme si tu faisais dans ton rêve ma place
Dans ce paysage où Dieu sait ce qui se passe au fond de la nuit

Ou c’est par passe-droit qu’à tes côtés je veille
Et j’ai peur de tomber de toi dans le sommeil au fond de la nuit

Comme la preuve d’être embrumant le miroir
Si fragile bonheur qu’à peine on peut y croire au fond de la nuit

J’ai peur de ton silence et pourtant tu respires
Contre moi je te tiens imaginaire empire au fond de la nuit

Je suis auprès de toi le guetteur qui se trouble
A chaque pas qu’il fait de l’écho qui le double au fond de la nuit

Je suis auprès de toi le guetteur sur les murs
Qui souffre d’une feuille et se meurt d’un murmure au fond de la nuit

Je vis pour cette plainte à l’heure ou tu reposes
Je vis pour cette crainte en moi de toute chose au fond de la nuit

Va dire ô mon gazel à ceux du jour futur
Qu’ici le nom d’Elsa seul est ma signature au fond de la nuit !

 

Louis Aragon (in Le Fou d’Elsa, 1963)

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à voir aussi : une précédente note comprenant la vidéo du film d’Agnès Varda sur Aragon et Triolet

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Quelques images du temps

bassinpêche aux coquillages à marée basse, Andernos, août 2015

*enfant et bouee

eglise

O

enfant et pelle

blockhaus

coucher de soleilbassin d’Arcachon, août 2015

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brocante

lune et mosquee

dictionnaire de grecle Bailly, dictionnaire de grec ancien que j’ai acheté d’occasion à la librairie L’Harmattan et qui a appartenu à un professeur et administrateur du Collège de France, Maurice Croiset, qui y reçut Albert Einstein

feux

jour de pluie

chateau de la reine blanchele château de la Reine Blanche, dans le 13e

toitPhotos Alina Reyes, bassin d’Arcachon et Paris, 2015

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En situation, en action, en puissance

Après une nuit quasiment blanche – les voix des voisins montant et s’amplifiant presque jusqu’au matin, la canicule tenant les gens éveillés et les fenêtres ouvertes, puis près d’une heure de métro debout compressée dans la foule et la chaleur, j’ai passé mon avant-dernier oral d’agrégation en essayant de parler à peu près distinctement malgré le voile sur ma voix et la brume sur mon cerveau. Avant d’y retourner demain pour l’épreuve reine, comme on dit au vélo – six heures de préparation, quarante plus dix minutes de passage, l’équivalent du Tourmalet sans dopage – et alors qu’on annonce 35 degrés, je me repose et me réconforte en songeant un moment, au hasard d’une photo vue sur mon ordinateur, à l’action que j’ai menée jusqu’ici, à savoir l’acte d’écrire, qui se poursuivra autant que vie me sera prêtée.

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tandaim reyes le boucheradaptation théâtrale du Boucher par la compagnie Tandaim

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foret profonde a republique,mon roman Forêt profonde photographié par un jeune homme à République

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poupee_anale_nationale

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presley reyes !

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Arche de jeunesse

à dix-sept ans, en Grèce, photographiée par mon amie allemande, Eva

à dix-sept ans, en Grèce, photographiée par mon amie allemande, Eva

À dix-sept ans, j’avais changé mon sang, l’affaire était entendue : transfusée de poésie à haute dose, mon ADN devenu corde solide, souple, sensible, apte à toutes les variations, toutes les démultiplications, j’étais armée pour la vie.

Armée pour être vivante, sans cesse.

Ayant bu et mangé de la littérature par milliers de pages à l’âge où les veines sont tendres, accueillent le flux et le transportent follement vite et pur au cœur du cœur, réécrite par mes actes de lecture, mes lectures de textes et de nature, j’entrai à jamais dans la vie de lecture, d’écriture, de relecture et de réécriture qui s’appelle perpétuelle jeunesse.

Lisez ! Savoir lire est la connaissance.

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Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,
Le gouffre à l’étambot,
La célérité de la rampe,
L’énorme passade du courant
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.

Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le comfort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l’éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce Vaisseau.
Repos et vertige
À la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d’étude.

Car de la causerie parmi les appareils, — le sang, les fleurs, le feu, les bijoux —
Des comptes agités à ce bord fuyard,
— On voit, roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s’éclairant sans fin, — leur stock d’études ; —
Eux chassés dans l’extase harmonique,
Et l’héroïsme de la découverte.

Aux accidents atmosphériques les plus surprenants
Un couple de jeunesse s’isole sur l’arche,
— Est-ce ancienne sauvagerie qu’on pardonne ? —
Et chante et se poste.

Arthur Rimbaud, Mouvement

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Tout est lumineux dans les poèmes des Illuminations, à qui sait lire

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Écriture et image

C’est l’un des thèmes essentiels de ma thèse, Poétique du trait. Pour la penser, j’ai souhaité le faire d’abord avec mes mains. Je travaille sur Internet depuis de nombreuses années, j’ai eu de nombreux blogs, de pages de réseaux sociaux… comme autant d’œuvres éphémères, de work in progress en ligne, un travail apparenté dans mon esprit à celui du Street Art, que je photographie beaucoup, assistant au fil du temps à ses transformations sur les murs de la ville et à ses transformations de la ville. J’ai un ordinateur depuis la fin des années 80, j’ai écrit par ce moyen les milliers et les milliers de pages de mes livres, de mes articles et de bien d’autres textes. Et là, pour ma thèse, pour des raisons notamment intellectuelles, poétiques et politiques, j’ai eu envie de revenir à l’écriture manuscrite, que je n’ai d’ailleurs jamais abandonnée, à la pratiquer délibérément, tout en la mélangeant avec des tapuscrits et des imprimés, et à la joindre au trait, aux traits formés par moi-même avec des stylos, des feutres, des crayons, des pinceaux, sur les pages écrites ou non, et aux images, par collages ou récupération dans un but à la fois documentaire et poétique.

Je dois en être à une centaine de pages d’écriture ornées – comme on dit grottes ornées pour les grottes préhistoriques, toutes proportions gardées. J’en ai rephotographié quelques-unes ce matin, telles qu’elles sont dans leur classeur, lui-même posé pour l’occasion sur l’une de mes peintures sur bois. De temps en temps, j’ai masqué un peu le texte. Mais il ne s’agit pas du texte définitif de la thèse, il s’agit, toujours, du work in progress : parallèlement, la thèse s’écrit et s’ordonne sur un ordinateur, nourrie de ce témoin qu’est l’œuvre manuscrite.

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© Alina Reyes

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De l’université de Cergy-Pontoise à la BnF

Je suis allée passer la journée à l’université de Cergy-Pontoise, pour un séminaire « Écriture et image » qui m’intéressait pour ma thèse, et était effectivement très intéressant. C’est une université nouvelle et innovante, avec un campus qui va bientôt s’agrandir et accueillir notamment une université anglaise. Je l’ai photographiée, puis de retour à Paris, étant sortie de la gare de Lyon du côté de Bercy, j’ai fait, du pont, une photo du quai et une autre des bateaux et de la BnF à l’arrière-plan. C’était une belle journée.

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entre l’université et le RER, ce trompe-l’œil :

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et de retour à Paris, du pont de Bercy :

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bnf

aujourd’hui à Cergy et à Paris, photos Alina Reyes

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Stupides, forcément stupides

Le « coup de théâtre » dans l’affaire dite du petit Gregory réveille des souvenirs douloureux pour ceux qui comme moi l’ont vécue dans leur jeunesse. Je n’ai jamais oublié l’abominable article demandé à Marguerite Duras par Libération et publié par ce journal. Intitulé « Sublime, forcément sublime », d’après la façon dont l’écrivaine délirante et irresponsable qualifiait la mère de l’enfant, qu’elle accusait d’infanticide sur Gregory. En montant un scénario grotesque et inique sur une prétendue mésentente des parents de l’enfant, alors qu’ils ont toujours été unis.

Cet acte et cette publication réitéraient les mécanismes qui avaient abouti au meurtre, au sacrifice de Gregory. Il y avait fallu une bande de gens plus stupides que des bêtes. La première bande pour tuer l’enfant et harceler ses parents de lettres anonymes. Puis une bande pour diffamer, sans rien savoir de ce qui s’était passé, une femme déjà torturée par la perte de son enfant et la grossièreté, la férocité de l’emballement médiatique autour de cet événement et autour de son couple souffrant.

On n’a pas avancé depuis les vieux récits bibliques de tentation de sacrifice d’enfant (ou de juste). Cette humanité crasseuse est toujours là, toujours prête à réitérer le crime, à céder à ses fantasmes de mort, de meurtre, d’acharnement en groupe sur un individu ou quelques individus isolés, manigances et crimes justifiés par des mensonges plus épais que la cendre caillée, motivés par des jalousies, des pulsions sexuelles inavouées, des hantises, toute une inconscience avide de s’enfoncer toujours plus dans sa masturbation morbide. Une humanité se roulant dans sa stupidité comme le porc dans sa fange – mais le porc est bien moins mauvais.