Le bonheur au lycée

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Le bonheur au lycée : être en cours avec mes élèves ; et me retrouver seule, paisible, dans la salle à part de la salle des profs, avec mes feuilles, mes cahiers, mes pensées.

Aujourd’hui, la gorge nouée au fond de la classe au moment de la mort de Molière dans le film d’Ariane Mnouchkine, me rappelant mon fou rire au fond de la classe, il y a près de trente ans, pendant le visionnage du Bourgeois gentilhomme avec d’autres de mes élèves. Pendant cet intervalle de presque trente ans je n’ai pas enseigné, ou disons que j’ai enseigné autrement, hors de l’école. Dans le film de Mnouchkine aussi il y a un effet de boucle, de boucle ouverte. La vie est grande et belle.

Ce n’est pas faire du théâtre, faire cours. Je ne suis pas en représentation, en classe. Nous sommes ensemble, avec le verbe être au sens de faire aussi, « faire » comme dans le mot poésie, en grec. Et quand cela se passe dans la vérité, il y a un effet de troupe théâtrale. C’est très exaltant. Très difficile. Très exaltant. Il y a un effet de maïeutique. Notre enfant invisible crie, il est vivant.

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Grâces de la Préhistoire et de l’Histoire naturelle. Le rêve et la raison

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Du tir à l’arc préhistorique comme sport d’avenir. Et deux millions de dessins zoologiques en accès libre sur la Biodiversity Heritage Library : une splendeur de grâce dont voici quelques images, glanées dans cette bibliothèque en ligne où le dessin se fait écriture du vivant, comme toute bonne écriture propre à saisir la beauté du vivant sans l’assassiner, en l’exaltant tout en glorifiant à la fois le rêve et la raison.

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De l’animation en classe

j'ai photographié ce rideau de fer tagué hier sur un quai de RER, je le trouve très beau

j’ai photographié ce rideau de fer tagué hier matin, tôt, sur un quai de RER, je le trouve très beau

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La politique pédagogique en cours consiste le plus souvent à transformer l’enseignement en animation, les enseignants en animateurs, en « gentils organisateurs », comme on dit au Club Med. Leur tout est de savoir varier les activités au cours de l’heure de façon à remplir le temps de cerveau disponible des élèves de prêt-à-savoir et de prêt-à-questionner qui, couplé avec le prêt-à-punir, les fasse se tenir à peu près tranquilles, voire carrément amorphes.

Mon constat, au bout d’un trimestre d’enseignement, est que pour bien enseigner l’enseignant ne doit pas se soucier d’animation, mais jongler avec l’animation naturelle de la classe. Une jeune collègue m’a dit un jour à l’Espé qu’elle avait lu une étude (anglaise, si je me souviens bien) selon laquelle les apprentissages se faisaient mieux dans une atmosphère de léger brouhaha en classe. Et je remarque que ce sont les conditions dans lesquelles je préfère travailler, car elles donnent les résultats les meilleurs. Trop de bruit peut être invalidant, et pour obtenir une classe animée sans excès il faut souvent lutter contre les débordements, surtout dans la dernière heure de la journée ou le dernier jour de la semaine, quand les élèves sont fatigués, excités. Mais les (rares) fois où il m’est arrivé d’être face à une classe tout à fait silencieuse, j’ai constaté que son intelligence en était d’autant plus éteinte.

Il faut distinguer entre élève silencieux et classe silencieuse. Un élève silencieux peut très bien être en éveil, suivre le cours en réfléchissant – et cela y compris, voire encore mieux, dans une classe animée. Mais toute une classe silencieuse somnole. Quand les élèves répondent aux questions c’est de façon mécanique, sans vie, sans fulgurance, sans génie. Et finalement l’efficacité est moindre, ils travaillent moins bien, et surtout ils apprennent beaucoup moins bien à réfléchir.

Le lundi j’ai un cours en module, c’est-à-dire en deux demi-groupes (dix-sept élèves par demi-groupe) pour les Seconde. Le premier a lieu de midi trente à treize heures trente, le second de seize heures trente à dix-sept heures trente. Lorsque nous faisons autre chose qu’un atelier d’écriture (là les conditions de travail sont tout autres), le premier groupe est toujours animé, le second, en toute fin de journée, trop animé, bavard, agité. Je dois y lutter pour obtenir l’attention, mais finalement le travail avance toujours autant qu’avec le premier groupe, voire même un peu plus vite.

Voici par exemple, sur le même exercice, les deux tableaux que j’ai obtenus en moins de dix minutes à la fin du cours, le premier du premier groupe :

tableau 1

et celui-ci, aussi judicieusement mais davantage rempli, du second groupe :

tableau 2

Le premier groupe est un très bon groupe (quoique aussi hétérogène quant aux niveaux que le second) et cela ne signifie pas que le groupe le plus bruyant travaille systématiquement mieux, mais qu’il peut travailler au moins aussi bien (de façon certes plus fatigante pour moi). Par ailleurs j’ai constaté aussi que certains des élèves les plus bavards de la classe sont aussi parmi ceux qui se souviennent le mieux de ce qui a été dit ou visionné au cours précédent – je l’ai constaté encore hier avec l’élève intelligent et sympathique que la tutrice de l’Espé associe dans son rapport à « l’enfer ». J’ai demandé à un autre, le plus pipelette d’entre eux, pourquoi il ne pouvait jamais s’arrêter de parler, il m’a répondu : « parce qu’à la maison, avec mon père, je n’ai rien à dire, alors quand je suis au lycée, je parle ». J’ai convoqué les dix bavard.e.s en AP et je leur ai fait faire pendant toute l’heure un exercice dans lequel ils et elles devaient apprendre à garder leur calme. Cela a assez bien fonctionné. Sans bien sûr régler l’affaire une bonne fois pour toutes. Tant pour l’enseignement que pour la discipline je continue à expérimenter, explorer, c’est à la fois ma responsabilité et un travail d’équipe, avec eux. Ils ne font pas toujours bien et moi non plus, mais eux et moi sommes aussi capables du meilleur, le meilleur qui advient souvent caché derrière ou dans l’animation, mais qui advient bel et bien.

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Têtes creuses, policées, évacuatrices d’humain et de littérature

vu du RER, ces jours-ci, photo Alina Reyes

vu du RER, ces jours-ci, photo Alina Reyes

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Quand je vois ce qu’on fait de la littérature et de son enseignement, je songe aux évacuations de camps de Roms, de migrants, de pauvres divers. Je ne dis pas que tous les éditeurs, que tous les professeurs participent à cette entreprise de solution finale. Mais c’est le sens dans lequel on est poussé à aller.

J’ai assisté à des journées d’étude dans une université qui a mis en place un Master de création littéraire, comme cela se fait de plus en plus.  Du néant figé. Formalisme, médiocrité, absence de sens. Des auteurs invités, donnés en exemple, qui écrivent à partir d’images trouvées en ligne. J’ai demandé ce qu’il en était de l’écriture à partir de la vision intérieure, personne n’a compris ma question, même après que j’ai essayé de l’expliciter.

L’une de nos formatrices de l’Espé (qui un jour nous envoya une vidéo d’elle fraîchement manucurée pour nous dire en six longues minutes ce qu’elle aurait pu nous communiquer par écrit en deux phrases) a repris cette pratique en guise d’atelier d’écriture avec ses Seconde en AP (« aide personnalisée », pour juste une petite poignée d’élèves les plus faibles). Elle leur propose un choix d’images qu’elle a prises religieusement sur un site officiel, autorisé, et que chacun consulte sur sa tablette numérique avant d’en choisir une à son tour et d’écrire un texte à partir d’elle. Chaque élève a donc les yeux fixés sur son Ipad. Il doit s’imaginer être le créateur de l’image et dire pourquoi il la fait. Chaque élève est chassé de lui-même, projeté dans une image fixe toute faite, neutralisé dans la fascination numérique. L’humain est évacué, le résultat est comme le dispositif clean, lisse, sans aucun problème publiable à son tour en ligne, avec l’image autorisée en regard, de façon parfaitement proprette.

Rien à voir avec les ateliers d’écriture que je fais avec mes élèves, à partir de mises en danger verbales. Par exemple l’un des tout premiers : « Un loup sans forêt. Racontez ». Ou le dernier : « Qu’est-ce que, selon vous, le courage de la vérité ? » Avec rien d’autre qu’une feuille de papier, un stylo, et vingt minutes pour aller chercher au fond de soi les mots et les écrire, écrire. Dire l’humain, comme l’humain le fait depuis la dite Préhistoire (c’est le sujet de ma thèse). C’est ce que je leur fais faire, c’est ce que l’éducation contemporaine s’emploie à empêcher, à gommer, à recouvrir d’images toutes faites, comme on collerait des affiches sur les parois des grottes ornées, comme on immolerait les livres sur l’autel de la Bêtise – « bienveillante », il va sans dire.

Certes les écrits de mes élèves ne pourraient être publiés sans, souvent, scandaliser l’institution et leurs parents. C’est que la mort n’est pas mon métier. Je n’assassine pas la littérature à peine née, je n’assassine pas l’humain, je les fais vivre.

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Le monde se traîne, le génie avance

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Georges Tron est arrivé au tribunal déguisé en bite, avec son écharpe plus abondante et blanche que le sperme de ses tristes branlettes autour du gland malade qui lui sert de tête. Défendu par Dupond-Moretti qui fit blanchir les pédocriminels d’Outreau, le voilà gratifié d’un procès interruptus. À croire que le juge a vécu dans le velours toute sa vie, ignorant la sidération que peut provoquer une situation d’extrême iniquité.

Les Australiens n’en finissent pas de découvrir l’ampleur sidérante des crimes pédophiles dans leur pays, en très majeure partie commis par des prêtres et autres catholiques. Les médias continuent à faire profil bas sur la présence de l’un d’eux au Vatican, George Pell, couvreur de pédocriminels et lui-même pédophile, ministre des finances du pape, autant dire personnage encore plus important que l’homme en blanc à la direction de l’Église.

Des élèves manipulés psychologiquement par des adultes ? Les délégués commis de petits maîtres comiques ne voient pas plus qu’eux ce que la vérité voit. Le monde en état de sidération devant l’indignité, l’iniquité, la manipulation de ses puissants impuissants attend que la justice lui rende justice. À chaque juste de le faire, chaque jour.

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Kaïroï du jour JJJ

de la grande ourse a la grande ourse !*

Kaïroï (ou kairi, selon la prononciation en grec moderne), pluriel de kaïros : car il y eut plus d’un Moment, ou d’un it comme dit Kerouac à propos de musique. D’abord celui de la citation. Souvent je commence le cours en écrivant au tableau une citation d’un bon auteur. Les élèves sont habitués, ils la notent (ou pas, je ne vérifie pas, c’est un espace de liberté). Donc ils ont commencé à noter, et puis ils ont vu le nom de l’auteur : l’un d’eux. L’un d’eux, pas du tout le meilleur élève et encore moins le moins bavard, qui m’avait dit, lorsque je leur avais demandé d’écrire sur ce qu’était selon eux le courage de la vérité, et qu’ils trouvaient à juste titre cela difficile : « c’est en accomplissant les choses difficiles qu’on avance dans la vie ». Je l’avais félicité, du coup il l’avait redit dans sa copie, et du coup, en leur rendant les copies, je leur ai donné cette phrase comme citation du jour et cela les a bien amusés, cela leur a même fait un effet bien meilleur encore.

Ensuite, en rendant lesdites copies, j’ai demandé à l’un d’eux, champion du bavardage lui aussi (et qui impressionna fort la tutrice de l’Espé qui y vit un enfer, alors que tous ses profs, y compris moi évidemment, le trouvent très sympathique, le bonheur de vivre incarné) où il avait trouvé l’inspiration pour finir son texte par cette question : « Mais au final, qu’est-ce que la vérité ? » Il n’a pas su que répondre, il avait trouvé ça, c’est tout. Je lui ai dit : c’est bien, c’est une question très célèbre. Un peu plus tard, il m’a appelée et m’a demandé pourquoi cette question était célèbre. Je lui ai expliqué que dans l’évangile de saint Jean, quand Jésus est présenté à Pilate avant d’être crucifié, il lui dit qu’il est né et qu’il est venu pour témoigner de la vérité, et que tous ceux qui sont de la vérité l’écoutent – et qu’alors Pilate lui demande : « qu’est-ce que la vérité ? », et que Jésus ne répond pas.

Toujours en rendant les copies, j’ai eu le bonheur de demander à un autre élève, très « faible » d’un point de vue scolaire habituellement, s’il voulait expliquer oralement pourquoi il appelait « la boucle » sa pensée sur la vérité et le courage de la vérité – il ne l’a pas fait, mais je lui ai dit que son texte était très bien, car il l’était, d’une pensée profonde et assurée, étonnante.

Puis en leur faisant un cours sur le courage de la vérité selon Foucault et sur Socrate qui, leur ai-je dit, apprenait à ses élèves à penser par eux-mêmes, ce qui n’a pas plu du tout aux autorités en place, qui veulent des gens dociles et non pensants, il y a eu un bref débat entre deux élèves : l’une demandant si l’opinion (dont je leur avais donné le sens philosophique) n’était pas une pensée neutre, raisonnable, alors que les pensées personnelles étaient toujours extrémistes ; l’autre (un élève érudit et très réfléchi) rétorquant aussitôt que c’est justement ce qu’on veut nous faire croire.

Tout cela s’est passé dans le bruit de fond habituel du vendredi, et plus d’une fois je me suis fâchée pour leur demander du calme, j’ai même ramassé quelques carnets (façon de menacer d’y inscrire un mot à faire signer par les parents ou une colle) mais à la fin des deux heures j’ai rendu les carnets sans y avoir rien mis, même si les bavardages n’avaient pas cessé, car pourquoi les punir pour des bavardages ? Ils n’en sont pas coupables. Responsables oui, et c’est pourquoi j’ai instauré la note de conduite, en espérant que ceux qui sont maintenant passés au-dessous de la moyenne vont se ressaisir afin de remonter. Mais la faute des bavardages en classe revient d’abord et en tout premier lieu et même uniquement à l’institution, qui ne prend pas les mesures pour que les classes travaillent calmement sans qu’on ait à punir. Moi je suis une lectrice de Nietzsche et de Foucault, entre autres, je ne vais pas me mettre à infantiliser, abêtir, ni à « surveiller et punir ». Le voudrais-je, je ne le pourrais pas. Je ne fonctionne pas ainsi, c’est tout. Et je sais que malgré le bruit, il y a des kaïroi, des Moments qu’il n’y aurait pas dans des cours ordinaires, et que malgré le bruit aussi, même si certains en sont seulement à moitié conscients, ils entendent ce que je dis, cela pénètre en eux (ainsi que ce que je ne dis pas, comme le fait de ne pas les punir). Ils entendent, comme on entend Jésus, saint Jean ou Don Juan, qui n’ont pas plus besoin de répondre à la question « qu’est-ce que la vérité ? » qu’un éléphant n’a à répondre à la question « qu’est-ce qu’un éléphant ? »

Ensuite nous avons commencé à regarder le formidable film d’Ariane Mnouchkine sur la vie de Molière, et je tremblais de bonheur, à la fois du film et des réactions des élèves, par moments. Ce sont des choses infimes dont je parle, sans doute la plupart des gens ne les verraient pas, ne les sentiraient pas, mais moi je sens, je sais ce qui se passe, par-delà les apparences, et si infime cela soit-il, c’est immense.

L’après-midi, j’ai fait écrire les Première en atelier d’écriture sur la même question à propos du courage de la vérité. Les Première sont calmes, surtout en demi-groupe et surtout en atelier d’écriture, qui a un effet extrêmement apaisant. Comme toujours, chacun.e a lu son texte à voix haute après l’avoir écrit ; et j’ai même eu le temps, dans la même heure, de leur faire ensuite le petit cours sur Foucault et Socrate. Il faut maintenant que je relise leurs copies pour mieux apprécier certaines choses que j’ai entendues. Cette classe de Première techno (ST2S) comprend des élèves qui ont des expériences de vie parfois très, très difficiles ; certain.e.s élèves sont en éveil, ne demandent pas mieux que d’être réveillées, j’ai le bonheur de voir ça ; d’autres sont déjà plus anesthésiés par le système que les Seconde, l’expérience de travail avec ces élèves est autre, mais tout aussi passionnante. Je songeais à tout cela en sortant du lycée, en marchant dans le noir, en regardant les petites lumières de la banlieue défiler depuis le bus, puis depuis le RER bondé, puis dans le métro bondé aussi. Quelle merveilleuse chance de pouvoir vivre une telle expérience.

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Miracles du jour

Lues dans le RER au rythme de comptine,
Esther et Athalie, sourires de Racine
D’où goutte, mielleux, par brusques accidents
De langue remordue, le sang d’entre ses dents.

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Le premier miracle fut de découvrir que dans le dernier « petit contrôle » que j’ai demandé à mes élèves de faire en classe, à savoir répondre par écrit, en quinze minutes environ et en au moins vingt lignes, à la question « Qu’est-ce que, selon vous, le courage de la vérité ? », les copies ne comportaient quasiment aucune faute d’orthographe, alors que d’habitude elles sont légion à chaque ligne chez la plupart, et plusieurs par texte même sous la plume des meilleurs élèves. J’y vois donc un miracle de l’esprit de vérité. Auquel il faut ajouter cette autre manifestation : la révélation de la profondeur de pensée de certains élèves qui sont parmi les plus faibles dans les exercices scolaires ordinaires, profondeur de pensée qui a jailli ici ou là avec une aisance, voire une virtuosité assez ébahissantes. (Dans son rapport accusateur, la tutrice de l’Espé estime que je n’aurais pas dû leur faire faire ce petit contrôle, un exercice qui ne fait pas partie de la pédagogie officielle).

Le deuxième miracle vient d’avoir lieu, dans le métro. Un chanteur noir aveugle est entré dans la rame avec sa canne, sa sono, son micro, et s’est mis à chanter excellemment des chansons de jazz et de variétés. En cette dernière heure de pointe de la journée, tout le wagon maussade s’est transformé en espace de bonheur. Les gens souriaient, le regardaient, se regardaient, se parlaient, le filmaient, se déplaçaient pour lui donner des pièces, lui parler, le complimenter, se dandiner sur le rythme de ses chansons. Il a demandé qu’on le prévienne quand on serait arrivé à la station où il voulait descendre, et ça a duré longtemps, longtemps, cette transfiguration d’une voiture de métro en communauté de passagers liés par la sympathie et la musique.

Je revenais de l’université de Cergy Pontoise, où se tenait un séminaire sur les cours de Roland Barthes au Collège de France sur « Comment vivre ensemble ». À la sortie, j’ai parlé en marchant avec un homme qui me racontait qu’il existait une île de l’utopie dans les îles de la Désolation, avec une population qui change chaque année. Je me suis rappelée du beau livre de Jean-Paul Kauffmann sur ces îles, les Kerguelen. Puis dans le RER je me suis remise à lire Racine, et riant sur ce vers d’Athalie :

« Pensez-vous être saint et juste impunément ? »

j’ai refermé le livre pour jeter dans mon cahier, songeant à ces deux pièces, les quatre vers qui inaugurent cette note.

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du bus

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péniche, jogger

cergyaujourd’hui à Paris et à Cergy, photos Alina Reyes

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