Résumés de ma thèse terminée

ÉCRIRE

Tracer pour habiter le monde, de la Préhistoire à nos jours

Résumé :

Que signifie « habiter poétiquement le monde », selon la formule de Hölderlin ? Cette thèse se propose d’étudier comment le fait d’écrire ou d’inscrire des traces, dans un geste préexistant à l’écriture au sens moderne du terme, permet à l’humain de s’inscrire dans le monde, de faire du monde un monde habité de représentations comme d’autant de repères pour baliser le chemin et en faire une habitation possible. Une habitation vivable malgré toutes les forces de mort à l’œuvre, que l’écriture sous toutes ses formes conjure.

À travers les structures anthropologiques de l’imaginaire, et à travers certains faits historiques, apparaissent, dès avant Homo sapiens et jusqu’à nos jours, des invariants et des variations de ce qui fonde notre humanité, telle qu’elle s’exprime à travers ses constructions et élaborations poétiques. Qu’il s’agisse d’un cercle de stalactites dressées par des Néandertaliens dans la grotte de Bruniquel ou de mystères que nous éclairons dans les Illuminations de Rimbaud, qu’il s’agisse de l’expérience de dépassement de l’humain par l’humain dont témoignent une Vénus préhistorique, un sonnet de Shakespeare, des textes de Victor Hugo ou d’Edgar Poe, l’Odyssée ou les Mille et une nuits, une peinture de Vélasquez ou un tableau de Magritte…

De très nombreuses productions de l’imaginaire humain sont convoquées, analysées, comparées, à la lumière notamment de la pensée des Présocratiques, et de toutes disciplines et sciences susceptibles d’éclairer cette recherche. Sont interrogés successivement les mythes convoqués aussi bien par Freud que dans la Bible ou le Coran, comme en écho à la découverte de très anciens carnages anthropophages ; puis, à travers des exemples choisis, diverses formes du mal à l’œuvre dans l’Histoire, passée ou contemporaine, comme dans la littérature de nombreux siècles ; enfin les explorations de poètes aptes à transcender la malédiction de la violence par illuminations et bonds « hors du rang des meurtriers », selon la formule de Kafka.

Ce travail aboutit à une mise en évidence et en action de la relation entre écriture et lecture, par une deuxième partie constituée de lectures sous forme de traductions de divers textes (du grec, de l’hébreu, du latin, de l’anglais, de l’allemand, de l’espagnol, de l’italien, du portugais, de l’ancien français) ; et par des textes de fiction de l’auteure qui reprennent la recherche sous une autre forme, témoignant que le fond et formes s’associent étroitement dans la quête et la découverte.

12e jourPhoto Alina Reyes, prise aujourd’hui, treize jours après l’opération (mastectomie + reconstruction). Le chirurgien interviendra encore, mais j’ai déjà regagné un beau décolleté. Merci aux chirurgiens, médecins, soignants hommes et femmes, qui font un beau métier et du bon travail !

Dépôt électronique de ma thèse effectué. En train de finir de compléter les notes et la bibliographie, avant de l’imprimer et d’envoyer ses 750 pages aux membres du jury. Soutenance le 24 septembre prochain.

*

Summary :

What does it mean to « inhabit the world poetically », according to Hölderlin’s words ? This thesis shows how writing allows humans to make the world their home.

Through the anthropological structures of the imaginary, and through some historic facts and events, even before Homo sapiens to these days, invariants and variations of what makes our humanity, as it is expressed through the poetic constructions, appear. Whether it be a circle of stalactites erected by Neanderthals in Bruniquel’s cave or mysteries we can highlight in the Illuminations of Rimbaud, or what is meant by a prehistoric Venus, a Shakespeare sonnet, texts by Victor Hugo or Edgar Poe, Kafka or Borges, Homer or from Sacred Books, a painting by Velasquez or by Magritte… as well as the story of an hospital or of a recent revolutionary movement.

Numerous examples of the human imagination and history are analyzed and compared, in the light also of the Presocratics, and of several disciplines and sciences which are likely to enlighten this research, which concludes with translations (from greek, hebrew, latin, english, spanish, italian, deutch, portuguese, ancient french) and an original creation by the author.

*

Lotus

« Quiconque dans l’action dédie ses œuvres à l’Esprit Suprême, en écartant tout intérêt égoïste dans leur résultat, n’est pas plus atteint par le péché que la feuille de lotus n’est affectée par l’eau. » Bhagavad-Gîtâ, 5.10

Les champs de lotus présentent tous les états de la plante à la fois : en bouton, en fleur épanouie, en graines. C’est pourquoi elle représente, entre autres, la concomitance, la réunion, du passé, du présent et du futur. L’accomplissement spirituel.

Je les photographie tous les ans au jardin des Plantes, cela me fait du bien. Cela me parle. Aujourd’hui je les ai visités à la lumière d’une jeune fille en fleur nommée Asia et championne en art martial.

 

fleur de lotus

feuille de lotus

fleur de lotus 4

fleur de lotus 2

coeur de lotus

fleur de lotus 3aujourd’hui à Paris au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

*

Sein de Schrödinger

En hommage à mon sein, à la fois parti au paradis des seins et toujours là, tendre et doux, par la grâce d’un ouvrage d’art chirurgical, voici le début du chapitre consacré aux seins dans mon livre Corps de femme (1999). Depuis longtemps, chaque fois que se présente dans ma tête la phrase de Rimbaud « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul », elle se présente légèrement changée en « Le combat spirituel est plus rude… » En tout cas, n’étant pas Dieu mais sachant être de ses combattant·e·s, je jouis pleinement de la vision de la justice : imparfaite en ce monde et pourtant parfaite.

Work in progress, sous bandage et brassière de sport... à suivre. Ce matin dans le miroir, photo Alina Reyes

Work in progress, sous bandage et brassière de sport… à suivre. Ce matin dans le miroir, photo Alina Reyes

*

« (…) Sécurité, chaleur, délice vital, toute gorge gonflée nous ramène à ce fantasme où le désir se mêle à la béatitude.

Le retour à la poitrine pigeonnante, à l’aide de Wonderbra ou de silicone, n’est autre qu’un retour au pigeonnier, à l’abri d’un repaire protecteur. Ce qui pourrait se traduire politiquement par un repli sur soi, par la société de l’assistance, où chacun ne rêve plus que de s’accrocher aux mamelles de l’État, ou, selon les cas, de la religion, de la nation, de la tradition, etc.

Mais ne boudons pas complètement notre plaisir : le sein pigeonnant, c’est aussi le triomphe du désir. Même si ce dernier s’avoue plus corseté qu’en certaines périodes révolutionnaires où Marianne, fièrement dépoitraillée, entraînait le peuple ; ou encore qu’en ces années 70 où, pour fêter le relâchement du corps social et l’affranchissement du corps individuel, les femmes libéraient leurs seins de l’oppression du soutien-gorge.

Depuis toujours, les seins furent les symboles de la victoire de la vie, comme en attestent ces deux histoires de la mythologie grecque, où l’allaitement permet de remonter le temps, d’aller contre sa force mortifère :

le nouveau-né qui buvait au sein de la morte…

En donnant le jour à son fils, Aéropé mourut. Le père de l’enfant, qui n’était autre qu’Arès, fit en sorte que le nouveau-né pût continuer à boire au sein de la morte.

et la fille qui allaita son père

Tectaphos, prince indien, avait été fait prisonnier par Dériadès. Enfermé dans un souterrain, il était condamné à mourir de faim. Sa fille Éérié, qui venait d’être mère, réussit à persuader les gardes de la laisser entrer. Elle avait les mains vides et voulait simplement, leur dit-elle, rendre une dernière visite à son père. Une fois dans la prison, elle donna le lait de son sein à son père. Ayant appris ce trait de piété, Dériadès, touché, libéra son ennemi.

Mamelle mystiques

Les mystiques, qui ne craignent pas d’érotiser leur rapport à Dieu, l’imaginent volontiers comme une sucée divine. Ainsi sainte Thérèse d’Avila compare-t-elle l’âme à un enfant à la mamelle. Les âmes, dit-elle, appliquées aux divines mamelles, ne savent plus que jouir.

Et saint François de Sales écrit : Notre Seigneur, montrant le très aimable sein de son amour à l’âme dévote, il la ramasse, et, par manière de dire, il replie toutes les puissances d’icelle dans le giron de sa douceur plus que maternelle. Il serre l’âme, il la joint, il la presse et colle sur ses lèvres de suavité ses délicieuses mamelles, la baisant du sacré baiser de sa bouche et lui faisant savourer ses tétins meilleurs que le vin.

Le sein de l’amazone et le téton des hommes

Plus loin dans notre imaginaire, au-delà de la figure primitive d’une poitrine abondante, le sein détourné de sa fonction nourricière peut se révéler plus troublant encore. Les amazones, qui choisissent de se couper un sein pour mieux manier l’arc et la lance, ne sont-elles pas terrifiantes ? Terrifiantes et fascinantes, comme en attestent nombre de héros grecs tombés sous leur charme étrange.

Séduisant aussi, le charme impertinent des petits seins, le charme pointu et léger de ces femmes qui ont sur garder dans leur poitrine un zeste d’enfance, signe d’une sensualité peut-être plus fantaisiste…

Mais bien sûr, celle que je préfère, c’est la poitrine ferme des hommes, avec ses délicieux petits tétons, si sensibles, si agréables à pincer et à déguster, en accompagnement d’autres caresses… Ceci est une autre histoire… »

corps de femme

Salle de réveil. Champions du monde !

Entendons « champions du monde » pas seulement comme « les plus forts du moment » mais surtout au sens chevaleresque : champions au service du monde, équipe de génies au service du monde. Admiration et joie.

La première chose que j’ai vue l’autre jour en ouvrant les yeux après l’anesthésie, ce fut le visage d’une infirmière peint aux couleurs de l’équipe de France. Au service de la vie.

*

Haïkus de l’amour en été

Les martinets crient.
Tissu de soie dans mes mains
et petits ciseaux

*

Les martinets crient.
Couchés tous deux sur le toit
nous faisons l’amour

*

Les martinets crient.
La soie roule sur ma peau
caressée au fond

*
*
*

succulenteCette succulente a fait sa première floraison cet hiver à la maison en se couvrant de fleurs jaunes comme des boutons d’or. Puis elles sont toutes tombées. Accrochée pour l’été dehors à la fenêtre, elle vient de produire une fleur d’une autre couleur : orangé vif (plus vif que sur l’image) aux nuances merveilleusement subtiles

*