Philosophie du langage : une lecture du Génie de Rimbaud et une conférence d’Ali Benmakhlouf

génie

Génie ; présent ; maison ouverte ; force et amour ; extase ; mesure ; raison ; jouissance ; vie ; voyage ; sonne ; souffles, têtes, courses ; perfection, formes, action ; fécondité ; univers ; grâce ; vue ; jour ; musique ; pas ; migrations ; monde ; chant ; nuit ; château ; foule ; plage ; regards ; voir ; déserts, neige ; vue ; souffle ; corps ; jour

J’ai réenluminé le « Génie » des Illuminations en écoutant cette conférence d’Ali Benmakhlouf à l’ENS :

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Vie douce, parfums

Je suis allée marcher dans des jardins, respirer les odeurs des plantes et des arbres.

bob le flamant roseSur un mur dans la rue, j’ai vu une série de photos de Bob le flamant rose.

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postit ancienDans un jardin, j’ai eu le plaisir de revoir ce PostIt  que j’avais placé là en juin, toujours là, avec quelques feuilles qui ont poussé devant.

*square rene le gall jardin partagé 1Le jardin partagé du square René Le Gall est arrangé avec joliesse et grâce, pour la vie douce

square rene le gall jardin partagé 2

square rene le gall jardin partagé 3

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square rene le gall jardin partagé 6*

square rene le gall 1

Et dans un coin sauvage du jardin, poussent quelques fraises des bois

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tag benallaDans la rue, j’ai photographié des tags

tag désert

street artet une œuvre de street art toute fraîche.

sethJ’ai aussi rephotographié cette œuvre de Seth et Kislow déjà ancienne.

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conifereDans une miniforêt, j’ai ramassé quelques branchages de conifères coupés et je les ai mis dans un pot sur mon bureau, pour la bonne odeur vivifiante

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Puis j’ai pris mes crayons et mes feutres, dont le doré et l’argenté que je venais d’acheter, et j’ai colorié une carte postale publicitaire. Voici l’image d’origine :

parfums de chineEt la voici, récupérée elle aussi comme les branchages odoriférants, et transformée :

parfum*

hier et aujourd’hui à Paris, photos et coloriage Alina Reyes,

entre pages d’écriture

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Cassage de spaghetti en deux et autres actus

Après la révélation de ses travaux illégaux dans sa maison édition à Arles, celle de ses travaux délibérément cachés (réalisés petit à petit pour éviter d’alarmer les services de la ville de Paris), dans l’immeuble historique de son siège parisien : Françoise Nyssen a décidément une façon d’habiter le monde bien malhonnête. Mais ce qui est plus malhonnête encore, c’est d’avoir confié le ministère de la Culture à cette riche patronne de l’édition (en conflit d’intérêts flagrant, si bien qu’on a fini par lui retirer la responsabilité du secteur de l’édition, un secteur qui ne fait donc plus partie des attributions du ministère de la culture !) qui a accepté sans sourciller la dégradation dramatique de la condition des auteurs – les intérêts des éditeurs et ceux des auteurs étant aussi différents que ceux des grands patrons et ceux des ouvriers – et dont la malhonnêteté intellectuelle, manifestée par sa proximité avec la secte anthroposophe, est plus grave et plus dangereuse que ses magouilles administratives. J’ai dénoncé sa nomination dès le début, quand tout le monde l’acclamait ; finalement les vérités finissent par se savoir assez rapidement parfois.

Daech s’est empressé de revendiquer le crime commis par un malade hier à Trappes. Ces cinglés savaient-ils déjà que les deux victimes de ce cinglé étaient sa mère et sa sœur ? La maladie et la mort de la pensée finissent toujours par endommager la civilisation, blesser et tuer des innocents, et s’achèvent dans l’éclatement et le suicide moral des faussaires de la pensée.

Depuis quelques jours, j’ai vu passer des titres sur « comment casser un spaghetti en seulement deux morceaux ». Je n’avais pas ouvert les articles car je sais depuis longtemps comment le faire, ayant réfléchi très vite à la raison qui les fait habituellement se casser en plusieurs morceaux. Songeant que lorsqu’on les casse sans précaution, en les saisissant largement, on multiplie les points de pression donc de casse, je place mes deux pouces l’un près de l’autre à l’endroit souhaité de la cassure et ils se cassent sans aucun problème en seulement deux morceaux, que ce soit un par un ou par paquet. Ce matin j’ai fini par ouvrir un article et y trouver une autre explication et une solution beaucoup plus compliquée. C’est un peu comme d’épingler Nyssen sur ses travaux dans le bâtiment non conformes aux règlements sans s’interroger sur le fond de sa pensée, et de ceux qui l’ont nommée. Ou comme de vouloir apprendre à écrire aux gens alors qu’ils n’ont rien dans la tête ni dans le corps. Ou encore, comme disent les proverbes, de mettre la charrue avant les bœufs, de regarder le doigt quand il montre la lune, etc.

 

cassage de spaghetti*

Quand, il y a longtemps, j’ai acheté une grange en montagne pour y habiter, j’ai demandé au notaire de spécifier qu’il s’agissait d’un bâtiment destiné à être habité, et non un bâtiment agricole comme il l’avait mentionné sur l’acte de vente. Et avant cela, j’étais allée voir le maire pour m’assurer que l’opération ne posait pas de problème. Sans tomber dans la vénération de la loi et des règlements, qui doivent toujours rester discutables et interprétables avec souplesse, il ne faut tout simplement pas perdre de vue que la civilisation ne tient que par le respect d’autrui, et que la dissimulation et le mensonge délibéré la blessent et risquent de la tuer.

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Lire

cet après-midi au jardin alpin du jardin des Plantes, photo Alina Reyes

cet après-midi au jardin alpin du jardin des Plantes, photo Alina Reyes

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Je lis en ce moment trois livres à la fois, et même quatre. C’est une façon de lire que j’ai souvent pratiquée, depuis des décennies. Adolescente puis jeune femme, il m’arrivait de lire plusieurs livres par jour, plutôt les uns à la suite des autres. Il y a eu des périodes où j’ai moins lu, mais j’ai toujours lu, comme j’ai toujours écrit. J’ai lu certains livres plusieurs fois, à différentes périodes. J’ai lu beaucoup de romans dont j’ai ensuite oublié l’histoire, mais il m’en reste presque toujours une impression générale précise et vive. Il m’est arrivé de commencer à lire un livre que je croyais n’avoir pas lu, et de me rendre compte que je reconnaissais les phrases comme si je les avais lues une heure plus tôt. J’ai pour ainsi dire une mémoire musicale des livres. Comme les paroles dans une chanson, l’histoire dans un roman importe pour faire avancer la lecture, mais au fond ce qui dit tout mieux que tout, c’est l’air, le rythme, la musique.

Sauf exception, je n’aime pas acheter les livres en librairie ordinaire. Où l’on ne trouve que les livres qui viennent de sortir, les livres du moment, les livres qui viennent d’être republiés, les livres commandés par l’industrie éditoriale et recommandés par les médias. J’aime trouver les livres qui me conviennent à tel moment. Que ce soit en bibliothèque (le plus souvent car je manque de place dans l’appartement pour pouvoir garder davantage de livres – ils débordent déjà partout) ou, comme je l’ai très souvent pratiqué, chez les bouquinistes. Ce sont les deux endroits, avec sur Internet les ebooks gratuits, où l’on peut trouver des livres qui n’obéissent pas à la pensée unique des médias et de l’édition, qui ne sont pas soumis au temps mais qui vont à la rencontre de notre désir personnel. Les livres sont là pour nous donner la liberté, pas pour nous asservir. Lire ce dont « on » parle, c’est s’asservir à ce « on ». Exemple : c’est un lieu commun colporté par toute la presse de vanter le féminisme de Beauvoir, et on tombe en masses dans le panneau, sans voir qu’on sert là la littérature la plus bourgeoise, la plus aliénante, haineuse et méprisante du peuple, des femmes du peuple et des femmes. Les exemples d’une telle littérature parmi nos contemporains immédiats sont légion, et même parfois pires. La littérature peut apporter la mort de la pensée. Pour trouver la vie dans la littérature, il faut lire en-dehors des clous.

Je lis. Et j’écris.

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« Hommage à la Catalogne », par George Orwell. Une leçon de démocratie

1984 est, avec Le Seigneur des Anneaux et Voyage au bout de la nuit, l’un des romans les plus puissants et les plus emblématiques du vingtième siècle. Il est né, avec le développement de sa réflexion politique, de la participation d’Orwell à la Guerre d’Espagne. Avant son chef-d’œuvre, Orwell avait fait le récit de cette expérience dans Hommage à la Catalogne, paru à Londres en 1938 (et publié en France en 1955). Témoignage capital dont voici pour aujourd’hui, dans la traduction d’Yvonne Davet, des passages de la première partie, sur l’organisation des milices du POUM (communistes antistaliniens, proches des anarchistes, les vrais révolutionnaires donc de cette guerre) au sein desquelles il combattit. Il s’y trouve toujours une leçon de démocratie à méditer.

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espagne poum cnt*

« Le point essentiel en était l’égalité sociale entre les officiers et les hommes de troupe. Tous, du général au simple soldat, touchaient la même solde, recevaient la même nourriture, portaient les mêmes vêtements, et vivaient ensemble sur le pied d’une complète égalité. Si l’envie vous prenait de taper dans le dos du général commandant la division et de lui demander une cigarette, vous pouviez le faire et personne ne s’en étonnait. En théorie en tout cas, chaque milice était une démocratie et non une hiérarchie. Il était entendu qu’on devait obéir aux ordres, mais il était aussi entendu que, lorsque vous donniez un ordre, c’était comme un camarade plus expérimenté à un camarade, et non comme un supérieur à un inférieur. Il y avait des officiers et des sous-officiers, mais il n’y avait pas de grade militaire au sens habituel, pas de titres, pas de galons, pas de claquements de talons et de saluts obligatoires. On s’était efforcé de réaliser dans les milices une sorte d’ébauche, pouvant provisoirement fonctionner, de société sans classes. Bien sûr ce n’était pas l’égalité parfaite, mais je n’avais encore rien vu qui en approchât autant, et que cela fût possible en temps de guerre n’était pas le moins surprenant.

(…)

Dans la pratique la discipline de type démocratico-révolutionnaire est plus sûre qu’on ne pourrait croire. Dans une armée prolétarienne la discipline est, par principe, obtenue par consentement volontaire. Elle est fondée sur le loyalisme de classe, tandis que la discipline d’une armée bourgeoise de conscrits est fondée, en dernière analyse, sur la crainte. (L’armée populaire qui remplaça les milices était à mi-chemin entre ces deux types). Dans les milices on n’eût pas supporté un seul instant le rudoiement et les injures qui sont monnaie courante dans une armée ordinaire. Les habituelles punitions militaires demeuraient en vigueur, mais on n’y recourait qu’en cas de fautes très graves. Quand un homme refusait d’obéir à un ordre, vous ne le punissiez pas sur-le-champ ; vous faisiez d’abord appel à lui au nom de la camaraderie.

(…)

La discipline « révolutionnaire » découle de la conscience politique – du fait d’avoir compris pourquoi il faut obéir aux ordres ; pour que cela se généralise, il faut du temps,  mais il en faut aussi pour transformer un homme en automate à force de lui faire faire l’exercice dans la cour de quartier. (…) Et c’est un hommage à rendre à la solidité de la discipline « révolutionnaire » que de constater que les milices demeurèrent sur le champ de bataille. »

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orwell*