Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Présente !

Lumière sur la Seine, cet après-midi en rentrant à pied de chez les tatoueuses et tatoueurs, photo Alina Reyes

Lumière sur la Seine, cet après-midi en rentrant à pied de chez les tatoueuses et tatoueurs, photo Alina Reyes

Au fond c’est assez amusant qu’on se demande communément, depuis longtemps, pourquoi Homère qualifie le porcher de divin, sans se le demander, en fait. Je veux dire, sans le demander à Homère, qui le dit pourtant très clairement. Les pistes de compréhension de l’Odyssée données par Homère sont grosses comme des pistes d’atterrissage de gros avions, mais il semble que tous les passagers aient leur bandeau de sommeil sur les yeux et ne voient que ce qui rumine dans leur caverne de tête. Il est pas mal question de pilotes dans l’Odyssée, des pilotes de « vaisseaux traverseurs de mers », de mers « aux larges voies », aussi larges que les voies du ciel du texte. Pilote en grec ancien se dit cybernète, comme aujourd’hui dans l’espace dérivé du même nom. Mesdames, messieurs et autres, j’ai l’honneur d’être votre cybernète et je vous ferai faire, dans l’esprit d’Homère, un vrai grand beau voyage.

Ça y est, j’ai une magnifique chouette d’Athéna encrée sur le sein, qui n’attend plus que sa mise en couleur, un peu plus tard, par ma talentueuse tatoueuse ; j’en reparle (et sans doute montre) bientôt.

Ni genre ni maître

Saloua Raouda Choucair, Fractional Module, 1947-1951, 49,5 x 59 cm, Courtesy Saloua Raouda Choucair Foundation

Saloua Raouda Choucair, Fractional Module, 1947-1951, 49,5 x 59 cm, Courtesy Saloua Raouda Choucair Foundation

Comme la question des genres littéraires ou artistiques, la question transgenre accorde aux genres une importance très exagérée. Comme la société le fait. La société assigne à chaque genre une identité, une place, des injonctions. Vouloir s’en débarrasser est tout à fait salutaire, à condition de ne pas tomber dans d’autres assignations. Des assignations d’un genre à celles d’un autre. Comment faire autrement, si on se définit par son genre ? Les genres sont en très grande partie des constructions fantasmatiques, qui ne se maintiennent que par croyance. Biologiquement, nous sommes de tel ou tel sexe – le reste est littérature, voire sexisme (sur quoi repose le sexisme, sinon sur la croyance aux genres ?)

L’anthropologie, ou même le simple voyage, suffit à révéler que les genres sont avant tout culturels, et que leur prétendue « nature » varie en fonction des cultures. Les femmes Masaï ont la tête rasée, sont vêtues sobrement, triment dur, construisent les maisons, tandis que leurs hommes, coiffés avec art, très coquets, couverts de bijoux, se contentent de mener le bétail à la pâture, tâche que sous d’autres cieux on confie ou confia aux enfants, aux petites filles. Par ailleurs les hommes Masaï sont aussi, à l’occasion, des guerriers. Ce n’est pas le monde à l’envers, c’est juste une autre culture, juste un exemple parmi tant de cultures différentes, dans l’espace et dans le temps. Des guerrières, il y en eut et il y en a dans nombre de cultures. « Je brûle de combattre », dit une nouvelle fois Athéna à Ulysse, où j’en suis dans ma traduction, quand elle l’exhorte encore à préparer la liquidation de tous les prétendants.

Dans l’Odyssée, les femmes qu’on vante, reines ou servantes, sont presque toujours savantes, savantes en « brillants travaux », c’est-à-dire en travaux d’art. C’était il y a près de trois mille ans, alors qu’au siècle dernier des artistes new-yorkais mâles s’irritaient de la présence d’une artiste femelle sur une photo de groupe de quatorze de ces messieurs, comme le raconte Hedda Sterne dans cet article sur la nouvelle exposition «Elles font l’abstraction », au Centre Pompidou, que je compte bien aller voir. Nul besoin d’être d’un genre ou d’un autre, ni pour travailler, ni pour guerroyer, ni pour faire œuvre d’art.

Ulysse est l’homme qui travaille avec les dieux. Voilà ce qui le définit le mieux. « Les dieux », notamment représentés par Athéna, je montrerai ce que cela signifie, et pourquoi cette figure, Ulysse, venant après celle de Prométhée, est la plus importante dans l’histoire de l’humanité. Ce genre d’humanité dont je suis (en partie).

Le texte dans la peau

Où j’en suis dans ma traduction, Ulysse et Télémaque viennent de se retrouver (début du chant XVI). Je vis ce qu’ils vivent, à fond, et j’ai la joie d’aller vers le moment où finalement seront tués tous ces « prétendants présomptueux qui machinent dans ta maison, contre le gré d’un homme tel que toi », comme le dit Ulysse à son fils Télémaque – qui ne l’a pas encore reconnu, mais ce sera fait dans moins d’une centaine de vers, donc avant la fin de la semaine. Puis j’irai me faire tatouer la chouette d’Athéna.

L’insupportable morgue et domination des journalistes

Corporatisme des journalistes qui n’aiment pas qu’on attaque tel ou tel titre ou journaliste. Les articles bidonnés ou bâclés par certain·e·s de leurs confrères et consœurs, ils ne les voient pas ? Ils les gobent comme le lecteur moyen, qui ne sait pas ? Ils ignorent à ce point leur métier ? Ou bien ils voient, et cela ne leur fait ni chaud ni froid ? Je dis qu’un titre trop accommodant avec le mensonge perd toute crédibilité, même si certains de ses journalistes font un travail correct. Il devient illisible, comme tout ce qui est corrompu à la racine.

Même des journalistes de gauche, ceux qui aiment bien dénoncer les dominations, soutiennent et exercent eux-mêmes une domination sournoise, minable, voire criminelle, à la fois sur leurs lecteurs et sur les gens dont ils parlent. Se permettant si souvent de déformer les propos qu’on leur tient, de déformer des faits, d’affirmer sans avoir enquêté, et même de bidonner des articles, d’inventer ce qu’ils présentent comme vrai, de mentir (raison pour laquelle, les ayant trop pris sur le fait, je n’ouvre plus ni L’Obs ni Libé). J’ai une formation de journaliste et je vois ce qu’ils font, depuis cette formation et aussi depuis ma position de proie potentielle pour les journalistes – combien de fois m’a-t-on prêté des discours que je n’avais pas tenus, combien de fois a-t-on rapporté avec des approximations énormes ce que j’avais dit ou fait, combien de fois m’a-t-on insultée parce qu’on avait la possibilité de le faire et que je n’avais pas la possibilité de répondre, à combien de milliers de gens ont-ils de la même façon nui, combien de fois ai-je vu leur traîtrise, leurs connivences avec tel ou tel pouvoir, leur fausseté, leur propension non à dire les faits mais à promouvoir ou salir telle ou telle personne, tel ou tel événement.

Voilà qui ferait un beau sujet d’étude pour des sociologues. Le journalisme a sa noblesse, s’il est exercé avec honnêteté. La France fait partie des pays, malheureusement, où il est particulièrement corrompu et vendu. En toute impunité. Cela aussi devra changer. Cette domination inique, si largement répandue, elle aussi devra être largement dévoilée, remise en question, mise en accusation, sanctionnée. Afin que puisse continuer à vivre, et vive, un journalisme au service des faits et des citoyens, plutôt qu’au service de tel ou tel notable, de tel ou tel pouvoir.

Palestine, et combat des forces morbides contre les forces de vie

Pourquoi les médias ne parlent-ils jamais des mouvements de gauche de la résistance palestinienne ?, se demande-t-on dans cet article de Oumma.com. Mais déjà, en 2006, cet article dans Le Monde rappelait comment et pourquoi Israël avait favorisé le Hamas.

Le mot apartheid pour désigner le régime israélien n’est plus tabou aux États-Unis, même dans des médias mainstream, détaille cet article de Mondoweiss (en anglais).

Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de la rédaction de Libération, le journal encore promoteur de violeurs, déclare à la télé que la colonisation est un cancer pour Israël. Discours pernicieux, propageant l’idée d’un Israël toujours victime. C’est pour les Palestiniens que la colonisation est un cancer, comme pour tous les peuples colonisés et sous régime d’apartheid.

Manifester à Paris pour soutenir les Palestiniens, comme cela se fait un peu partout dans le monde, est interdit. Devant la violence coloniale, fermer les yeux – et si besoin avec des grenades lacrymogènes, pour ceux qui les garderaient ouverts. C’est l’exception française. L’exception d’un pays où tant de coincé·e·s ne supportent ni la vue d’une femme voilée, ni la vue d’une femme dévoilée, comme dans ce fait divers où, à Bordeaux, une jeune femme a été frappée par une autre femme, sans que personne ne vienne à son secours, parce qu’elle allaitait son bébé en public. Comme personne ne vient au secours des femmes battues et menacées, malgré les belles paroles de nos sinistres ministres et président. Fait divers emblématique du combat des forces morbides contre les forces de vie, combat qui prend de l’ampleur dans notre pays, et ailleurs dans le monde.

Bella Hadid l’a dit : «Les générations futures regarderont en arrière, incrédules, et se demanderont comment nous avons pu laisser la souffrance des Palestiniens durer si longtemps.»

Je suis la Palestine,
sans fin spoliée, réduite, martyrisée.
Mais nul autre que la vie ne gouverne chez moi.
Et je sais que toujours un jour vient
où tout se retourne.
Que les criminels sont vus pour ce qu’ils sont.
Au ciel – et c’est le plus terrible, dit-on,
mais sur terre aussi.
Il y a bel et bien un jugement des humains
sur les humains.

Nouvelles de mon marathon de traduction

Je fais des rêves fantastiques ; hier j’effectuai un long et extraordinaire ballet dans les airs, et cette nuit un messager m’annonça un prix faramineux, de façon positive. Depuis trois semaines je souffrais d’une tendinite à l’avant-bras gauche ; comme la douleur s’était éveillée vingt minutes après ma vaccination, je pensais qu’il s’agissait d’un effet secondaire ; comme cela commençait à durer beaucoup, j’ai pensé que je fatiguais peut-être trop mon bras au yoga, avec toutes ces postures sur les bras, le gainage etc. Je me suis limitée pendant quelques jours à un yoga d’étirements (yin yoga) ou d’exercices de respiration (pranayama), mais ça n’a rien changé. Et finalement j’ai compris : c’est la manipulation répétitive, des heures et des jours durant, de mon énorme dictionnaire de grec, avec la main gauche (la droite écrivant) qui m’a créé ce dico elbow, si je puis dire, sans doute révélé au moment de la légère inflammation supplémentaire produite par la vaccination. Mon vieux dictionnaire tombe d’ailleurs lui-même en miettes à force de servir, je vais devoir le réparer encore. Mais depuis hier soir je me sers du même dictionnaire, le Bailly, mis en ligne par un groupe qui s’est nommé Hugo Chavez, et que je remercie pour cet énorme travail. Bon en fait c’est moins pratique que le dico papier, mais au moins ça me permet de continuer.

Tout de même, à ce stade de mon travail, je ressens une fatigue mentale certaine. De septembre 2020 à fin janvier 2021 (avec une interruption en décembre), j’ai traduit les quatre premiers chants – ce qui constituait déjà un bon rythme, d’autant que je ne suis pas helléniste et que j’ai dû travailler au départ avec mon faible bagage de grec du collège et du lycée. Mais de février à aujourd’hui où je suis en train de terminer le chant XV, j’ai donc traduit, en trois mois et demi, onze chants de plus. Je pourrais finir au début de l’été, mais la fatigue m’oblige à ralentir ces jours derniers. On verra. Ce sur quoi je ne transige pas, c’est sur la qualité de mon travail. Je prendrai le temps qu’il faudra pour rendre de mon mieux hommage à Homère et à son texte, à ses vers que je traduis en vers libres mais avec une contrainte dans le nombre de pieds, contrainte très utile pour ne pas s’autoriser les facilités de la prose et trouver des formulations proprement poétiques. L’harmonie sonore de la langue d’Homère s’accompagne de heurts linguistiques, j’essaie de m’approcher au mieux de son esprit. Je travaille toujours avec un œil sur les traductions de mes prédécesseurs, et je continue à noter leur sexisme accablant. Dernier exemple en date : pourquoi, lorsque Homère qualifie une femme de féminine, Leconte de Lisle traduit-il « luxurieuse », Jaccottet « faible», Bérard « pauvre », etc. ? Moi, femme, malgré la fatigue, je me sens en très grande forme. À suivre.

Courir et traduire

Je suis bien fatiguée en ce moment – c’est l’un des effets du médicament que je dois prendre pendant encore deux ans et demi, mais aussi de la masse de traduction que j’ai produite ces derniers mois, des milliers de vers (la fatigue me contraint à ralentir un peu en ce moment mais je continue quand même à avancer dans toute cette splendeur de l’Odyssée, j’aurai fini le chant XV d’ici lundi ou mardi je pense). Peut-être aussi parce que je fais pas mal de sport, en particulier mes trois running par semaine, pas bien longs dans l’absolu (environ trois kilomètres) mais bien intenses pour mes capacités de petite débutante (à tous les sens du terme) de 65 ans. J’adore ça et j’y suis allée ce samedi matin malgré ma grosse fatigue et la pluie et le vent, et j’ai fait un de mes meilleurs temps quoique j’ai enlevé ma veste contre la pluie avec l’arrêt de la pluie puis l’ai remise à la reprise de la pluie, tout en marchant et sans arrêter l’appli avant de me remettre à courir. Je dois trouver mon rythme, je cherche encore, au collège ce qui me convenait parfaitement c’était le 400 mètres ; au sprint sur 60 mètres j’étais assez bonne si je me souviens bien mais trop petite par rapport à la plupart des autres filles pour faire les meilleurs temps ; mais au 400 mètres, où il fallait combiner la vitesse avec un peu d’endurance, là j’étais dans les toutes premières. Quand il fera un peu meilleur je prendrai mon vélo et j’essaierai d’aller courir dans un stade, pour voir. Même pour le footing ça doit être agréable.

Je suis vraiment bien musclée maintenant, c’est bon de se sentir ainsi. Et je ne le fais pas exprès, mais cela m’aide à traduire Homère, parce que c’est très physique, son poème. La chose énorme que j’y vois, et que j’y manifeste dans ma traduction (il y a du changement par rapport aux premiers chants que j’ai mis en ligne ici), puisque je la vois manifeste dans le texte grec, n’a jamais été vue, je pense – sinon cela se saurait. La joie de la découverte est intense. Je cours, en grec, se dit théo, un homonyme du nom théos, dieu.