Une grande partie du bonheur des humains s’en va lorsqu’ils ne font plus rien de leurs mains, ou de leur corps. Lorsque leur corps est réduit à l’état de mécanique utilitaire qui leur permet de vaquer à leurs occupations sociales, à leurs affaires et affairismes, à leur agitation de remueurs de vent dont on ne tire aucun bon pain.
C’est après que mon corps a été contraint trop de temps aux oubliettes, et après la maladie qui s’en est suivie, que je me suis remise au sport, et aux ouvrages faits main. Et c’est de là que je tire ma joie et ma paix. De plus le « DIY », le fait-main, est bon pour la planète, comme on dit, parce qu’il rééquilibre le règne de l’industriel et le plus souvent, est moins polluant.
Les disques démaquillants et les lavettes que j’ai crochetées en nombre, pour nous et pour d’autres, remplacent très avantageusement les cotons et éponges jetables, non seulement parce qu’ils sont faits pour durer très longtemps, mais aussi parce qu’ils sont au moins aussi efficaces, voire meilleurs, et encore parce que se servir de quelque chose faite à la main fait plaisir.
Dans le même esprit, j’ai fait aussi un tapis de bain, en travaillant au crochet des lanières découpées dans deux vieilles polaires : épais et texturé, un vrai régal pour les pieds.
Et puis je me suis essayée aussi à deux petits vêtements, ce châle-boléro que j’ai montré l’autre jour, et puis ce pull à manches spéciales que j’ai terminé ce matin et que j’ai stylisé moi-même, après avoir commencé à m’inspirer d’un tuto de pull à manches longues, et avoir tout changé, à part le choix du point.
J’ai aussi fait un bracelet au crochet, dont j’ai trouvé le tuto en ligne, et que je mets notamment pour aller à la salle de sport, car c’est un bijou qui ne gêne nullement, que ce soit à la machine à squat ou sur le tapis d’exercices.
Ce soir j’ai commencé un autre petit vêtement auquel j’ai réfléchi la nuit dernière dans mon lit, j’ai le début en tête puis je verrai : ce qui est merveilleux avec le crochet, c’est qu’on peut le travailler comme une terre glaise, le modeler, le sculpter, en ajoutant ou en enlevant ici ou là, pour voir où on arrive au plus satisfaisant.
J’ai réuni deux ou trois autres vieux vêtements que je pourrai découper en lanières pour réaliser encore d’autres choses, et j’essaierai encore d’autres matériaux.
Par hasard cet après-midi je me suis trouvée sur le chemin de la manif la plus triste du monde, rassemblant, sous le mode délétère d’un en-même-temps qui n’a que trop sévi, et sous l’égide de l’un des malheureux éborgnés de la macronie, Jérôme Rodriguez, quelques centaines de personnes hétéroclites, gilets jaunes, fafs, antifas, insoumis, tradis, nationalistes, corses, propalestiniens, antivax, type déguisé en Christ portant sa croix, porteurs de pancartes citant Gandhi ou Etty Hillesum ou insultant ordurièrement Macron en guise de réponse à son envie de les « emmerder ». Sans oublier à peu près autant de flics armés jusqu’aux dents, et leurs dizaines de camions. Voilà où en est une partie de notre pays. Contre toute cette morbidité, cette confusion, cette absence de sens, plus que jamais, faire vivre et affirmer les forces de vie.
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