Madame Terre repeuple un village abandonné

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants,
Passer, gonflant ses voiles,
Un rapide navire enveloppé de vents,
De vagues et d’étoiles ;

Et j’entendis, penché sur l’abîme des cieux,
Que l’autre abîme touche,
Me parler à l’oreille une voix dont mes yeux
Ne voyaient pas la bouche :

— Poëte, tu fais bien ! poëte au triste front,
Tu rêves près des ondes,
Et tu tires des mers bien des choses qui sont
Sous les vagues profondes !

La mer, c’est le Seigneur, que, misère ou bonheur,
Tout destin montre et nomme ;
Le vent, c’est le Seigneur ; l’astre, c’est le Seigneur ;
Le navire, c’est l’homme. —

Victor Hugo, Les Contemplations (Autrefois)

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Pour la 25ème action poélitique de Madame Terre, O décidé de l’emmener, toujours à vélo, de Paris au village abandonné de Goussainville. En repartant, il l’a photographiée sous le cèdre de Roissy. Il raconte tout cela lui-même un peu plus loin dans la note.

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Récit par O :

La première âme que j’ai vue en pénétrant dans le village abandonné fut un chat noir. Il traversait la route sereinement sans se soucier de la circulation ; il avait raison. Ici point de voitures, point de passants, point de vivants ou alors des allures qui lèvent le nez sur des ruines qui s’affaissent. Ici même les morts semblent plus morts encore, abandonnés dans le cimetière jouxtant l’église encore debout parce que classée monument historique.

Mais c’est tout le village qui est monument historique ; un village aux allures de décor de cinéma figé à l’année 1974 lorsque Roissy en France devint Roissy Charles de Gaule.

Je croise un des rares passants et lui demande si l’église est ouverte. Il me répond qu’elle n’ouvre que pour les enterrements. Décidément la mort compte pour beaucoup dans le vieux pays.

Voyant que je m’intéresse au village, il se met à me parler à son tour. Il a passé toute sa jeunesse ici, et ça lui serre le cœur de voir son village dans cet état. Oui, sa famille comme bien d’autres est partie … ailleurs … « Surtout à cause du Concorde … c’était devenu impossible … les autres avions, on finissait par s’habituer, mais le Concorde … un supersonique vous pensez … »

Oui je pense … je songe même … 400 avions par jour, même sans Concorde, il y a de quoi en avoir par dessus la tête, devenir sourd ou fou.

Nicolas n’est rien de tout ça. Tel un Mohican du Val d’Oise, il est le dernier à tenir boutique dans le village. Livres anciens et d’occasion … vous savez ces trucs en papier, découpés en pages, écrits en tout petit et que l’on ne cesse de tourner. J’en feuillette un (comme je croquerais dans une madeleine) et regarde distraitement par la fenêtre munie d’une vitre en verre (ce qui est un exploit dans ce village).

Un shooting photo se prépare dans la rue. Deux anorexiques sur fond de ruines … ça donne envie d’acheter des fringues ou de se faire vomir, c’est selon …

N’ayant que trop assisté, à Paris, au remplacement de librairies par un de ces fripiers de luxe, je me demande bien pourquoi ces derniers ne s’intéressent pas aux murs de celle-ci … ? Puisqu’ils font profession de capturer l’opportunité de l’instant … puisque le décor semble les inspirer dans sa tristesse inouïe que la pluie qui s’est mise à tomber rend encore plus triste …

Triste à mourir comme le regard sans flammes que me lancent les deux squelettes qui se recoiffent et peuplent comme elles peuvent la rue de Goussainville vieux village.

Oui O, mais Madame Terre, elle, quoique taille fine, est dodue comme il faut pour réhabiter en bonne vivante même les pays morts !

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roissy-4La librairie Goussainlivres a un site internet, à visiter !

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Les « 50 romans de notre temps » du Spiegel et vos livres à vous

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Ceux de cette liste que j’ai lus sont, dans l’ordre où ils y apparaissent : Les Versets sataniques de Salman Rushdie (seulement le début, car c’est trop mal écrit) ; Lust d’Elfriede Jelinek ; American Psycho de Bret Easton Ellis ; Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq ; La tache de Philip Roth ; Neige d’Orhan Pamuk ; La route de Cormac Mc Carthy. C’est fort peu. Ces dernières années j’ai lu bien peu des livres qui sortaient, mais je m’étonne de l’absence dans cette liste de Haruki Murakami ou de Vladimir Sorokine, par exemple. Réalisme, réalisme. La liste en dit plus long sur l’esprit des médias de notre temps que sur notre temps.

Allez, c’est ma journée conseil. Après les conseils sur la santé physique, un conseil pour l’esprit : ne pas négliger bibliothèques et bouquinistes, ou rééditions électroniques gratuites de livres tombés dans le domaine public. Les livres de votre temps ne sont pas forcément ceux du temps des médias. Ils peuvent même être tout autres. Le bonheur, c’est de les trouver. Je me rappelle par exemple du jour où j’ai trouvé chez un bouquiniste l’édition originale de Moby Dick dans la traduction de Lucien Jacques, Joan Smith et Jean Giono (le bateau de sa couverture ne rappelle-t-il pas celui des migrants ? « notre temps »). Un de ces livres qui sont de tous les temps, et ne vous enferment pas dans « notre temps » mais vous transportent dans l’éternité.

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Cancer et rémission

C’est un nouveau et jeune médecin beau comme un dieu méditerranéen qui m’a annoncé hier à la Pitié-Salpêtrière que j’étais en rémission. Je veux témoigner de mon expérience, sachant que tout témoignage peut aider. Mon cancer au sein était petit (7 mm) et non agressif. Je l’ai découvert moi-même (je faisais rarement les mammographies de dépistage) il y a bientôt deux ans. Je ne regrette pas de l’avoir fait enlever, mais je sais maintenant qu’il arrive que des cancers de ce type n’évoluent pas ou même régressent et se résorbent d’eux-mêmes. Après l’opération j’ai suivi une radiothérapie, puis j’ai commencé une hormonothérapie qui devait durer cinq ans. Les premiers mois tout s’est bien passé malgré quelques effets secondaires consistant surtout en douleurs articulaires. Puis les fatigues sont devenues de plus en plus fréquentes et lourdes. Je n’arrivais plus à travailler. Insomnies et migraines si intenses que rien ne pouvait les calmer. Quinze jours avant de passer l’agrégation, que cet état m’avait empêché de préparer correctement, je me suis décidée à arrêter le traitement, voyant que sinon je ne tiendrai pas le coup aux épreuves (7 heures pour chaque dissertation). Je n’ai pas été reçue au concours mais bien que le chirurgien, revu quelques semaines après, m’ait ordonné un nouveau traitement, je ne l’ai pas pris non plus. Il y a donc plus de huit mois que je l’ai arrêté. Les fatigues ne se sont pas arrêtées d’un coup, mais l’amélioration est évidente. Et finalement, si les médecins ne me disent pas franchement que j’ai bien fait, ils me disent maintenant qu’ils comprennent et que ce n’est pas grave, étant donné les bons résultats de tous les examens que je viens de repasser.

Cependant rémission n’est pas forcément guérison et il faut tout de même veiller à limiter les risques de récidive. Voici les bons conseils que je suis ou essaie de suivre et que je transmets : garder la ligne, une bonne alimentation, un bon sommeil et de l’exercice. Et dans l’alimentation, des anti-oxydants naturels sont excellents (et pas seulement contre les risques de cancer) : thé vert, épices (curcuma + gingembre, cannelle, piment… on peut les associer selon son goût dans des plats ou dans le thé), fruits rouges. Pour ce qui est de l’exercice, je marche tous les jours d’un bon pas, au moins une demi-heure pour aller travailler et en revenir, parfois deux heures ou plus si j’ai davantage de déplacements à faire ou si je me promène ; de temps en temps je me déplace à vélo ; je n’ai pas d’activité sportive proprement dite mais j’ai rêvé cette nuit que je me remettais à la danse orientale :)

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Lumières d’octobre

bibliotheque-jardin-des-planteshier à la bibliothèque du Jardin des Plantes

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couleurs-dautomnecet après-midi à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière

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bateau-migrants-college-de-francece soir au Collège de France, où cette oeuvre  de Barthélémy Toguo intitulée Road to exile (2008, collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée) a été installée à l’occasion d’un colloque sur les migrants

photos Alina Reyes

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Madame Terre chez Zola à Paris et à Médan

Les joueurs appelaient cette salle-là l’hôpital. On y avait entreposé un billard hors d’usage et le matériel déglingué. (…) il jouait là, tout seul. Je lui ai dit : « Monsieur Numance, vous n’avez pas froid ? » (…) Il avait même reprisé le billard (…) Il me dit : « C’est simplement plus difficile, mais on y arrive. »
Jean Giono, Les âmes fortes
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zola-rue-de-bruxelles

zola-21-bis-rue-de-bruxelles

mme-terre-chez-zola-a-parisAprès être allé chez Zola à Paris, au 21 bis rue de Bruxelles dans la maison et le jardin où se trouvent aujourd’hui l’AGESSA (caisse de cotisation des auteurs), et où il est mort (voir plus loin dans la note), O est allé à vélo jusqu’à Médan accomplir la 24ème action poélitique de Madame Terre chez Zola, qui travaillait du printemps à l’automne en haut de la tour carrée, derrière la baie vitrée qu’on voit sur la photo.

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mise-de-terre-chez-zolaPuis il a fait un tour au château de Médan où ont vécu les poètes Ronsard, Du Bellay, Maeterlinck, et que Cézanne a peint :

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Voici une vidéo où l’on aperçoit notamment le billard de Zola. Je publierai bientôt une note où il sera question, par la bande, du billard de Giono.

Zola fut insulté par La Croix et l’extrême-droite à sa mort- vraisemblablement un assassinat – (au lendemain d’une nouvelle Manif pour tous qui s’acharne et de la canonisation d’un « martyr » de la Révolution française, l’Histoire a de la suite dans les idées) mais rappelons l’hommage que lui rendit Anatole France :

« Devant rappeler la lutte entreprise par Zola pour la justice et la vérité, m’est-il possible de garder le silence sur ces hommes acharnés à la ruine d’un innocent et qui, se sentant perdus s’il était sauvé, l’accablaient avec l’audace désespérée de la peur ?
Comment les écarter de votre vue, alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ?
Puis-je taire leurs mensonges ? Ce serait taire sa droiture héroïque.
Puis-je taire leurs crimes ? Ce serait taire sa vertu.
Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l’ont poursuivi ? Ce serait taire sa récompense et ses honneurs.
Puis-je taire leur honte ? Ce serait taire sa gloire.
Non, je parlerai.
Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte.
Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand.
Il fut un moment de la conscience humaine. »

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Voir aussi mes notes sur Zola photographe et un passage de La Fortune des Rougon-Macquart.