L’habit vert

foretphoto Alina Reyes

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Andreï Makine élu à l’Académie française (au fauteuil d’Assia Djebar, avec laquelle je fus aux chutes du Niagara). Je me souviens d’un jour où je me trouvai à Prague en même temps que lui, et où il me parla de la cabane qu’il s’était faite dans les bois et où il avait habité, à la sauvage, les premiers temps de sa jeunesse en France. Comme je me souvins, il y a peu, quand ce fut Dany Laferrière qui reçut l’habit vert, des jours et des nuits où nous marchions dans le froid de Montréal en riant. Et je me rappelle aussi quand O et moi allions travailler dans la merveilleuse bibliothèque Mazarine, dans ce même palais de l’Institut, après avoir confié nos bébés à la crèche pour quelques heures. La jeunesse est belle, ne laissons pas les institutions nous la voler.

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Haïkus des pluies de mars

J’écoute la pluie

son bruit doux dans la couleur

de perle du ciel

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Des gouttes tapotent

la vitre puis longuement

s’écoulent en dansant

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La fin de l’hiver

mimosa d’eau et lumière

entre averses brusques.

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Grande Mosquée de Paris

Voici encore quelques images de la Grande Mosquée de Paris, prises le mois dernier (après d’autres, prises en diverses saisons, au printemps, sous la neige… et dans d’autres lieux de la mosquée). Intensément au travail en vue des épreuves de l’agrégation, qui auront lieu à partir de lundi prochain et pendant toute la semaine, je suis en plein bonheur des lettres et de leur sens, comme à la mosquée. Avec des pics de joie quand je découvre quelque chose que je n’ai encore jamais vu dit, par les textes étudiés et par la lecture approfondie que j’en fais.

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mosquee 12photos Alina Reyes

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Montaigne et la question de l’homme, par Jean-Louis Poirier

http://dai.ly/xlw4uk
Tout simplement, mais encore faut-il le dire et le redire, le lire et le réentendre – plus que jamais en ces temps.
Quant à Las Casas, rappelons qu’il appelait les génocidaires non pas les Espagnols, comme le disent les traductions, mais « los cristianos », ce qui a un sens profond à méditer. Lui-même prêtre dominicain dénonçait ainsi l’outrage fait au Christ par les chrétiens, et tâcha dans la controverse de Valladolid de défendre une autre façon d’être chrétien. Force est de constater que les chrétiens allaient commettre encore bien d’autres crimes contre l’humanité, et que ce qu’il reste aujourd’hui d’exclusion des femmes et d’abus sur les enfants dans l’Église n’est pas étranger au principe d’exclusion et de discrimination dénoncé par Montaigne et qui fonde cette institution. Racisme et sexisme se fondent sur une croyance en la supériorité de tel type d’homme sur les hommes, et de l’homme sur la femme – croyance partagée par les religieux de toutes obédiences et par bien des religieux qui s’ignorent, des croyants qui se croient incroyants.
D’autre part, quand répondant à une question, Jean-Louis Poirier récuse justement la comparaison avec l’existentialisme sartrien en disant que pour Montaigne il n’y a pas d’essence de l’homme, j’ajouterai personnellement que s’il est vrai que de ce fait l’existence ne peut pas précéder l’essence, il reste possible de dire que l’essence précède l’existence dans le sens d’une essence individuelle, de ce que Montaigne appelle la différence de chaque homme – différence qui n’est pas seulement culturelle. « Tout exemple cloche ». Chaque être est unique, et c’est aussi une maladie de l’aveuglement que de chercher toujours à identifier tel être à tel autre – ce qui est encore une façon de marquer cette peur de l’altérité d’où naissent racisme, xénophobie, sexisme, gynophobie, et tous les crimes qui s’ensuivent.
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montaigne

« L’esprit grec, plus affamé de vérité que de profit » Lawrence Durrell, l’un des auteurs au programme

sans abri pitie salpetriereun microvillage de personnes sans abri le long de l’entrée fermée de la Pitié-SalpêtrièreC215 pitie salpetriereune fresque de C215 dans l’autre entrée de l’hôpital
photos Alina Reyes

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Toujours préparant l’agrégation de Lettres modernes, dont les épreuves commencent dans huit jours maintenant. Elles dureront toute la semaine : lundi 7 mars, 7 heures de composition française sur l’une des huit œuvres françaises au programme ; mardi, 5 heures d’étude grammaticale (ancien français et français postérieur à 1500) ; mercredi, 7 heures de composition française sur l’une questions de littérature comparée, avec six autres œuvres au programme ; jeudi, 4 heures de version de grec ancien ; vendredi, 4 heures de version d’anglais. Ceci pour les épreuves d’admissibilité – les admissibles devront ensuite, pour être admis (ou non) passer les épreuves orales, au moins aussi redoutables, avec des temps de préparation de 6 heures pour des exposés de 40 mn.

Il est clair que je m’y suis prise beaucoup trop tard, n’y ayant songé qu’au moment de la clôture des inscriptions, en octobre dernier, et alors que mes études universitaires datent de trente ans. Mais je ferai de mon mieux. J’essaie de combler mes oublis et lacunes en cherchant à saisir la substantifique moelle des œuvres, leur sens profond. Comme je n’ai pu suivre aucune préparation, ni à la fac ni par correspondance (car elles sont payantes), ni acheter de livres (presque tous empruntés à la bibliothèque), je trouve en ligne quelques choses gratuites, des vidéos de conférences et des articles d’universitaires. Vive Internet et ses généreux contributeurs ! Si j’échoue, je serai quand même contente d’avoir préparé ce concours. Et si jamais, miracle, je réussis, je serai heureuse d’enseigner.

J’ai pris l’initiative d’interrompre au moins jusqu’au concours un traitement qui me fatiguait énormément et m’a empêchée de travailler correctement toutes ces dernières semaines, finissant par m’assommer de migraines persistantes malgré les antidouleurs. Depuis deux jours, tout va mieux. Je suis passée hier à la Pitié-Salpêtrière. J’ai dû faire le tour, à cause du plan Vigipirate. Le long de l’entrée principale, fermée donc, s’est installé un microvillage de tentes. Ses habitants jouaient aux cartes dans le froid sur une table bricolée. J’étais venue pour prendre un rendez-vous, mais c’était samedi et les bureaux étaient fermés, j’ai marché dans les couloirs souterrains sombres et déserts. En repartant j’ai photographié la fresque à l’entrée de l’hôpital. C215 n’est pas mon street artiste préféré mais il a un grand succès auprès des institutions. Il a décliné plusieurs fois ce thème de la femme qui souffle dans sa main dont sortent des oiseaux, c’est pas mal, non ?

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