Héraclite et les sorts des hommes

mes traductions, du grec ancien, de ces pensées d’Héraclite rapportées par Clément d’Alexandrie :

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Une fois nés, ils veulent vivre et toucher leurs parts du sort, et laissent derrière eux des enfants destinés aux sorts.
(Ne restez pas derrière eux).

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L’homme fiable sait ce qu’il en est des apparences ; il veille. Assurément Justice se saisira des fabricants de mensonges et de leurs témoins.

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Ce qui attend les hommes après leur mort, ils ne l’espèrent ni ne l’imaginent.

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Les meilleurs choisissent, à l’encontre de tous, l’intarissable bonne nouvelle ; mais la plupart sont rassasiés comme le bétail.

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Lire des polars

Contrairement à l’homme, la vérité ne vieillit ni ne meurt, c’est pourquoi elle a tout son temps. Elle peut apparaître et disparaître à tout moment, mais ses conséquences sont sans cesse à l’œuvre.

Le mensonge n’est jamais vivant, n’accède jamais à la vie. Même à la mort, à laquelle il appartient, il finit par être enlevé, pour sombrer dans le néant.

Je continue à lire des polars (en ce moment Michael Connelly), en parallèle à l’étude des Présocratiques. Un excellent exercice. Comme le dit Héraclite : de ce qui ne sombre jamais, comment se cacher ? Si piétinée soit-elle, la vérité sourit, sereine, et vous regarde.

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Héraclite nous parle d’aujourd’hui

ma traduction, du grec ancien, et mes commentaires, de ces pensées d’Héraclite rapportées par Origène et Clément d’Alexandrie :

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Ils se purifient en se teintant d’un autre sang comme s’ils voulaient se laver de la lie en marchant dans la lie. Qui agirait ainsi paraîtrait frappé de folie à tout homme qui s’en apercevrait. Et ils adressent des vœux à ces parures, comme s’ils conversaient avec des constructions, sans savoir ce que sont les dieux et les héros.

(Ainsi de ceux qui croient se purifier de l’antisémitisme par cet autre antisémitisme qu’est l’islamophobie. Ils s’en remettent à cette parure, cette construction idéologique, ignorant ce que sont les essences et les vertus).

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Les porcs se réjouissent plus dans le bourbier que dans l’eau pure.

(Borboros, le bourbier, se retrouve dans borborygmos, bruit des intestins. Les consommateurs se réjouissent plus au bruit de leurs intestins qu’à celui de la parole de vérité).

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De ce qui ne sombre jamais, comment pourrait-on se cacher  ?

(Le verbe lanthano, pour « se cacher », pourrait se retrouve dans le mot aletheia, vérité, précédé du préfixe privatif a : aletheia serait ce qui est non-caché. Ce qui ne sombre jamais empêche les hommes d’échapper à la vérité, même s’ils s’emploient à l’occulter).
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Sales paroles, sales actes

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La mosquée d’Aix-les-Bains, incendiée le 8 janvier dernier. Les actes islamophobes ont augmenté de 110% au cours des deux dernières semaines

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Obama appelle l’Europe à mieux intégrer sa population musulmane, et à ne pas se contenter de répondre aux problèmes par la force. « Notre principal avantage, dit-il, est que notre population musulmane n’a pas de problème à se sentir américaine (…) Il y a certaines parties de l’Europe où ce n’est pas le cas. Et c’est probablement le plus grand danger auquel l’Europe doit faire face. » Faudra-t-il que les Américains refassent un « débarquement » sur nos plages pour venir au secours de l’Europe rongée par ses démons ? Le fait est que les chiens sont lâchés, et qu’ils sont décidés à sauter à la gorge, encore et encore, de tous ceux qu’ils perçoivent comme des étrangers s’approchant de la propriété privée de leurs maîtres – migrants violentés par la police (la même que les manifestants acclamaient le 11 janvier dernier à Paris), réfugiés internés, roms chassés, et concitoyens musulmans. Les sales actes étant accompagnés et soutenus par les sales paroles de nombre d’intellectuels. Chaque jour en apporte son lot. Aujourd’hui je lis qu’Alain Finkielkraut a déclaré sur Itélé que « l’islamophobie est la moindre des choses dans la situation actuelle ». Imaginons quelqu’un déclarer à la télé, quand Israël bombarde Gaza, que l’antisémitisme est la moindre des choses dans la situation actuelle ; ou bien, quand on rapporte la multiplication d’achats d’enfants illégalement nés de mères porteuses, que l’homophobie est la moindre des choses à l’heure actuelle. Etc. Personne ne pourrait se permettre de telles déclarations contre une partie de la population, mais contre les musulmans, elles se multiplient. Michel Houellebecq, en Allemagne où il est reçu en star (et où sévit le puissant mouvement islamophobe Pegida (lancé maintenant en France par l’écrivain Renaud Camus), qui a tué un réfugié musulman la semaine dernière), déclare que son livre n’est pas islamophobe (n’hésitant pas à se dédire puisque précédemment il avait déclaré « j’utilise le fait de faire peur » avec l’islam), mais qu’on a le droit d’écrire un livre islamophobe (remplacez islamophobe par antisémite et sachez que vous n’aurez jamais l’occasion de voir l’auteur d’un tel livre dans les médias). L’explosion des déclarations et des actes islamophobes n’empêche pas Michel Onfray de déclarer sur son blog que « la France est islamophile au-dedans ». Quelque part sur facebook, un internaute commente : « BHL, Finkielkraut, Onfray, ces « philosophes » sont un indicateur que la France est devenue fasciste ». Disons que si l’on ajoute à cette banalisation de la parole et des actes haineux et stigmatisants les alertes lancées par Amnesty International, Human Rights Watch et la Ligue des Droits de l’Homme contre les dizaines d’arrestations qui ont eu lieu ces deux dernières semaines pour « apologie du terrorisme », certaines suivies de plusieurs mois de prison ferme, comme pour ce débile léger ayant déclaré, ivre, que l’attentat à Charlie l’avait fait « bien rigoler », il y a en effet de quoi s’inquiéter de la pente sur laquelle ce pays est en train de glisser. Oui, le voilà, le plus grand danger. Le retour de l’antisémitisme qui vise aujourd’hui ces autres sémites que sont les musulmans, et qui jadis dirigé contre les juifs, conduisit l’Europe à la mise en œuvre du nihilisme total.

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Héraclite essayant de réveiller les dormeurs, serviteurs du monde

ma traduction (du grec ancien) de pensées d’Héraclite rapportées respectivement par Sextus Empiricus, Plutarque, Origène, Marc-Aurèle – à méditer par ces temps de division :

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Il faut aller vers le commun. Car le commun appartient à tous. Mais bien que le Logos soit commun à tous, la plupart vivent comme s’ils avaient une intelligence à eux.

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Pour les éveillés le monde est à la fois un et commun à tous, mais les endormis, à l’inverse, se tournent chacun vers leur propre monde.

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Le caractère humain ne possède pas la droite raison, mais le caractère divin la possède.
L’homme est entendu par le divin comme un enfant en bas âge, ainsi que l’enfant par l’homme.
(L’enfant en bas âge au sens où Freud parle de l’enfant au stade anal, qui veut tout retenir et ramener à soi, comme les endormis de la proposition précédente.)

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Ceux qui dorment sont ceux qui travaillent et coopèrent au monde comme il va.

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