Espèces en voie d’illumination et couleurs du bonheur

À partir du 16 novembre et jusqu’au 15 janvier, le Jardin des Plantes offrira une « promenade nocturne » pleine d’animaux et de plantes illuminées : « Espèces en voie d’illumination ». Pour l’instant, les espèces en question, tout juste déballées et pas encore en place, attendent leur heure sur les pelouses, telles un manuscrit en cours. Voici les couleurs de ma promenade du jour, couleurs du bonheur.

 

ander

especes en cours d'illumination 1

especes en cours d'illumination 3

especes en cours d'illumination 2

Je me suis assise en face de la grenouille et je l’ai dessinée dans mon carnet, puis je l’ai coloriée une fois de retour à la maison, en ajoutant en grec le mot bios, vie

bios

Mais avant de repartir du jardin, j’ai contemplé une fois de plus le beau manège des animaux disparus

manege des animaux disparusAujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Animaux du jour

J’ai ma pierre au jardin alpin, comme j’avais ma pierre à la montagne. Sous un pin où je m’assois, très longtemps parfois, miraculeusement à l’écart dans un jardin public. En ce beau dimanche ensoleillé il y avait du monde au jardin des Plantes et souvent les gens, soudain m’apercevant là dans mon bel isolement (une seule personne peut pénétrer dans cet endroit), Ici le chemin se perd sur mes genoux, élevaient leur portable et photographiaient la scène. Je les comprends, c’est si paisible.

De ma place j’ai vu une corneille effleurer en vol la tête d’une femme, qui a poussé un cri de surprise et de frayeur. Quand j’ai repris mon chemin, un peu plus tard, une palombe m’a fait la même chose. J’ai senti le souffle de ses plumes sur mes cheveux, j’ai légèrement sursauté, j’ai souri. Les oiseaux avaient envie de parler, aujourd’hui.

Les arbres aussi, et j’ai parlé avec eux, sans paroles. Je suis la chamane éternelle, la poussière tourbillonnant dans la lumière, la joie incarnée.

platane oriental

En reprenant mon chemin dans le jardin, j’ai vu ce nid posé entre les jambes de la nymphe chevauchant un poisson (Joseph Félon a appelé sa statue « Nymphe tourmentant un dauphin », mais l’animal ne ressemble pas beaucoup à un dauphin). Le nid de l’oiseau invisible, descendu de quel ciel ?

nid naiade

J’ai contemplé un panda roux endormi puis réveillé à plusieurs mètres du sol sur ses bambous, et un wallaby pensif dans les roseaux ; puis je suis allée continuer à lire sous un autre arbre.

panda roux

panda roux,

wallabyaujourd’hui au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Vie douce, parfums

Je suis allée marcher dans des jardins, respirer les odeurs des plantes et des arbres.

bob le flamant roseSur un mur dans la rue, j’ai vu une série de photos de Bob le flamant rose.

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postit ancienDans un jardin, j’ai eu le plaisir de revoir ce PostIt  que j’avais placé là en juin, toujours là, avec quelques feuilles qui ont poussé devant.

*square rene le gall jardin partagé 1Le jardin partagé du square René Le Gall est arrangé avec joliesse et grâce, pour la vie douce

square rene le gall jardin partagé 2

square rene le gall jardin partagé 3

square rene le gall jardin partagé 4

square rene le gall jardin partagé 5

square rene le gall jardin partagé 6*

square rene le gall 1

Et dans un coin sauvage du jardin, poussent quelques fraises des bois

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tag benallaDans la rue, j’ai photographié des tags

tag désert

street artet une œuvre de street art toute fraîche.

sethJ’ai aussi rephotographié cette œuvre de Seth et Kislow déjà ancienne.

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conifereDans une miniforêt, j’ai ramassé quelques branchages de conifères coupés et je les ai mis dans un pot sur mon bureau, pour la bonne odeur vivifiante

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Puis j’ai pris mes crayons et mes feutres, dont le doré et l’argenté que je venais d’acheter, et j’ai colorié une carte postale publicitaire. Voici l’image d’origine :

parfums de chineEt la voici, récupérée elle aussi comme les branchages odoriférants, et transformée :

parfum*

hier et aujourd’hui à Paris, photos et coloriage Alina Reyes,

entre pages d’écriture

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Pommes, poires, figues, jardinière, jardinier et autres merveilles des jardins et des rues

jardin collaboratifDans la rue, un potager collaboratif, avec invitation à se servir (j’ai pris une petite branche de basilic) et à arroser à l’occasion

jardin des plantes 1 grenouilleAu Jardin des Plantes, une grenouille verte dans les roseaux renversés par la tempête

jardin des plantes 2 roseaux

jardin des plantes 3

jardin des plantes 4 cabane

jardin des plantes 5 bassin

jardin des plantes 6 lotusEt toujours les lotus

jardin des plantes 7 lotus

jardin des plantes 8 lotus

jardin des plantes 9 mere et enfantAvoir quelques mois et découvrir les merveilles de la vie sur terre et dans les eaux

jardin des plantes 10 poisson

jardin des plantes 11

jardin des plantes 12

jardin des plantes 13

jardin des plantes 15 jardiniere

Les jardinières et les jardiniers sont au travail pour entretenir ce fantastique jardin

jardin des plantes 16 jardinier

jardin des plantes 17 pommes

Fruits de la saison qui vient, des pommes et des poires

jardin des plantes 18 poires

mosquee figueset à côté, à la mosquée, des figues

Les herbes sauvages des rues ne sont pas les moins belles

rue herbe sauvage

Ce matin à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

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Grothendieck : « faire des « maisons » (comme on « ferait » l’amour…) » (Récoltes et semailles, 2)

Lire Grothendieck est une merveille pour tout·e chercheur·e, pour comprendre ce que nous faisons quand nous cherchons et découvrons. Voici une deuxième salve d’extraits que j’ai sélectionnés, assise sur ma pierre dans un recoin du jardin alpin, après avoir longuement contemplé la vie dans les bassins.

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bassin et carpe 2*

« Ce qui fait la qualité de l’inventivité et de l’imagination du chercheur, c’est la qualité de son attention, à l’écoute de la voix des choses. Car les choses de l’ Univers ne se lassent jamais de parler d’elles-mêmes et de se révéler, à celui qui se soucie d’entendre. Et la maison la plus belle, celle en laquelle apparaît l’amour de l’ouvrier, n’est pas celle qui est plus grande ou plus haute que d’autres. La belle maison est celle qui reflète fidèlement la structure et la beauté cachées des choses.

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grenouille 2*

Mais la réalité (qu’un rêve hardi parfois fait pressentir ou entrevoir, et qu’il nous encourage à découvrir…) dépasse à chaque fois en richesse et en résonance le rêve même le plus téméraire ou le plus profond.

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goutte lotus*

Plutôt que de me laisser distraire par les consensus qui faisaient loi autour de moi, sur ce qui est « sérieux » et ce qui ne l’est pas, j’ai fait confiance simplement, comme par le passé, à l’humble voix des choses, et à cela en moi qui sait écouter. La récompense a été immédiate, et au delà de toute attente. En l’espace de ces quelques mois, sans même « faire exprès », j’avais mis le doigt sur des outils puissants et insoupçonnés. Ils m’ont permis, non seulement de retrouver (comme en jouant) des résultats anciens, réputés ardus, dans une lumière plus pénétrante et de les dépasser, mais aussi d’aborder enfin et de résoudre des problèmes de « géométrie de caractéristique p » qui jusque là étaient apparus comme hors d’atteinte par tous les moyens alors connus.

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nymphea*

Dans notre connaissance des choses de l’Univers (qu’elles soient mathématiques ou autres), le pouvoir rénovateur en nous n’est autre que l’innocence. C’est l’innocence originelle que nous avons tous reçue en partage à notre naissance et qui repose en chacun de nous, objet souvent de notre mépris, et de nos peurs les plus secrètes. Elle seule unit l’humilité et la hardiesse qui nous font pénétrer au cœur des choses, et qui nous permettent de laisser les choses pénétrer en nous et de nous en imprégner.

Ce pouvoir-là n’est nullement le privilège de « dons » extraordinaires – d’une puissance cérébrale (disons) hors du commun pour assimiler et pour manier, avec dextérité et avec aisance, une masse impressionnante de faits, d’idées et de techniques connus. De tels dons sont certes précieux, dignes d’envie sûrement pour celui qui (comme moi) n’a pas été comblé ainsi à sa naissance, « au delà de toute mesure ».

Ce ne sont pas ces dons-là, pourtant, ni l’ambition même la plus ardente, servie par une volonté sans failles, qui font franchir ces « cercles invisibles et impérieux » qui enferment notre Univers. Seule l’innocence les franchit, sans le savoir ni s’en soucier, en les instants où nous nous retrouvons seul à l’écoute des choses, intensément absorbé dans un jeu d’enfant…

je ne vois personne d’autre sur la scène mathématique, au cours des trois décennies écoulées, qui aurait pu avoir cette naïveté, ou cette innocence, de faire (à ma place) cet autre pas crucial entre tous, introduisant l’idée si enfantine des topos.

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mare*

Oui, la rivière est profonde, et vastes et paisibles sont les eaux de mon enfance, dans un royaume que j’ai cru quitter il y a longtemps. Tous les chevaux du roi y pourraient boire ensemble à l’aise et tout leur saoul, sans les épuiser! Elles viennent des glaciers, ardentes comme ces neiges lointaines, et elles ont la douceur de la glaise des plaines. Je viens de parler d’un de ces chevaux, qu’un enfant avait amené boire et qui a bu son content, longuement. Et j’en ai vu un autre venant boire un moment, sur les traces du même gamin si ça se trouve – mais là ça n’a pas traîné. Quelqu’un a dû le chasser. Et c’est tout, autant dire. Je vois pourtant des troupeaux innombrables de chevaux assoiffés qui errent dans la plaine – et pas plus tard que ce matin même leurs hennissements m’ont tiré du lit, à une heure indue, moi qui vais sur mes soixante ans et qui aime la tranquillité. Il n’y a rien eu à faire, il a fallu que je me lève. Ça me fait peine de les voir, à l’état de rosses efflanquées, alors que la bonne eau pourtant ne manque pas, ni les verts pâturages. Mais on dirait qu’un sortilège malveillant a été jeté sur cette contrée que j’avais connue accueillante, et condamné l’accès à ces eaux généreuses. Ou peut-être est-ce un coup monté par les maquignons du pays, pour faire tomber les prix qui sait? Ou c’est un pays peut-être où il n’y a plus d’enfants pour mener boire les chevaux, et où les chevaux ont soif, faute d’un gamin qui retrouve le chemin qui mène à la rivière…

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mare aux nympheas*

Sans avoir eu à me le dire jamais, je me savais le serviteur désormais d’une grande tâche : explorer ce monde immense et inconnu, appréhender ses contours jusqu’aux frontières les plus lointaines; et aussi, parcourir en tous sens et inventorier avec un soin tenace et méthodique les provinces les plus proches et les plus accessibles, et en dresser des cartes d’une fidélité et d’une précision scrupuleuse, où le moindre hameau et la moindre chaumière auraient leur place… C’est ce dernier travail surtout qui absorbait le plus gros de mon énergie – un patient et vaste travail de fondements que j’étais le seul à voir clairement et, surtout, à « sentir par les tripes ». C’est lui qui a pris, et de loin, la plus grosse part de mon temps, entre 1958 (l’année où sont apparus, coup sur coup, le thème schématique et celui des topos) et 1970 (l’année de mon départ de la scène mathématique).

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chemin fougeres*

La « création » dans mon travail de mathématicien, c’était avant tout là qu’elle se plaçait : dans cette attention intense pour appréhender, dans les replis obscurs, informes et moites d’une chaude et inépuisable matrice nourricière, les premières traces de forme et de contours de ce qui n’était pas né encore et qui semblait m’appeler, pour prendre forme et s’incarner et naître… Dans le travail de découverte, cette attention intense, cette sollicitude ardente sont une force essentielle, tout comme la chaleur du soleil pour l’obscure gestation des semences enfouies dans la terre nourricière, et pour leur humble et miraculeuse éclosion à la lumière du jour. »

aujourd’hui au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Voir d’autres extraits de Récoltes et semailles ou de La Clef des songes : mot-clé Alexander Grothendieck

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Lotus, méthode et position

« Comme un lotus pur, admirable, par les eaux n’est point souillé, je ne suis pas souillé par le monde. » Anguttaranikâya, 2, 39

L’eau et les poussières sont en suspension sur la feuille de lotus comme le fakir sur la planche à clous (voir l’excellent documentaire après les images), jusqu’au moment où la goutte glisse au sol, entraînant avec elle les poussières, sans avoir touché la plante.

« Fleur, pourrait-on dire, première et qui éclot, sur des eaux généralement stagnantes et troubles, avec une si sensuelle et souveraine perfection, qu’on l’imagine aisément, in illo tempore, comme la toute première apparition de la vie, sur l’immensité neutre des eaux primordiales », écrit le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, en préambule au long article Lotus.

Les lotus du jardin des Plantes commencent à feuiller. Pour les fleurs et les graines, et aussi et d’autres éléments de la symbolique de la plante, voir mes notes des années précédentes, mot-clé lotus.

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feuille de lotus 1

feuille de lotus 2

feuille de lotus 3

feuille de lotus 4

feuille de lotus 5

feuille de lotus 6

lotus et canards

canard

caneces jours-ci au jardin des Plantes à Paris, photos Alina Reyes

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