Bonnes lectures !

Et bonne exploration de ce site. Vous y trouverez nombre de textes, dont les catégories principales s’affichent en colonne.

Et aussi mes derniers travaux, livres offerts gracieusement en PDF :

– mon Journal d’une prof

– ma Lecture du Coran

– ma traduction de « l’Odyssée » d’Homère : Dévoraison

– mon essai Une chasse spirituelle

– mon roman Nus devant les fantômes, Franz Kafka et Milena Jesenska

– mon micro-roman La Dameuse

– ma traduction de la nouvelle d’Edgar Poe La chute de la Maison Usher

– mes deux traductions du poème d’Edgar Poe Le Corbeau

– ma traduction, postfacée, du Poème de Parménide, « Autour de la nature »

– ma traduction, préfacée, de longs passages de la Bible

et en ligne ici, plusieurs de mes traductions d’extraits de textes de diverses langues et cultures
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Quelques-unes de mes peintures, collages, etc., sont à voir ici sur ArtMajeur.

chasse spirituelle,Une chasse spirituelle, offert plus haut en PDF, est aussi disponible chez Amazon, en format papier et ebook, à prix très doux, et avec une peinture maison en couverture.

Pour toutes les personnes qui s’intéressent à la littérature, profane et sacrée, et s’interrogent sur notre humanité. Et pour toutes celles qui poursuivent des études, un appareil de notes détaillées permet de continuer le travail de recherche.

Au menu, art préhistorique, histoire, littératures de tous les temps, traductions, Bible, Coran… Un vaste panorama en forme d’opéra.

Allez voir la description et, en le feuilletant en ligne, découvrir son plan et commencer à le lire
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Et voici les couvertures papier d’origine (certaines ont changé au fil des éditions, et il faut y ajouter de nombreuses éditions de poche, et les traductions) de mes plus de trente autres livres – romans, poésie, essais, recueils d’articles etc. Bibliographie non exhaustive quant aux ouvrages collectifs, anthologies ou autres. J’ajoute à la fin des ouvrages d’auteurs qui étudient entre autres mon travail.

"Forêt profonde", 2007, éd du Rocher, 376 pages

« Forêt profonde », 2007, éd du Rocher, 376 pages

 

"Voyage", 2013, éd alinareyes.net, 952 pages

« Voyage », 2013, éd alinareyes.net, 952 pages

"Lilith", 1999, éd Robert Laffont, 281 pages

« Lilith », 1999, éd Robert Laffont, 281 pages

"Le boucher", 1988, éd du Seuil, 98 pages

« Le boucher », 1988, éd du Seuil, 98 pages

"Nus devant les fantômes, Franz Kafka et Milena Jezenska", 2000, Éditions 1, 194 pages

« Nus devant les fantômes, Franz Kafka et Milena Jezenska », 2000, Éditions 1, 194 pages

"Derrière la porte", 1994, éd Robert Laffont, 213 pages

« Derrière la porte », 1994, éd Robert Laffont, 213 pages

"La jeune fille et la Vierge", 2008, éd Bayard,169 pages

« La jeune fille et la Vierge », 2008, éd Bayard,169 pages

"Notre femme", 2007, éd Atelier In8, 32 pages

« Notre femme », 2007, éd Atelier In8, 32 pages

"Lumière dans le temps", 2009, éd Bayard, 185 pages

« Lumière dans le temps », 2009, éd Bayard, 185 pages

"Lucie au long cours", 1990, éd du Seuil, 128 pages

« Lucie au long cours », 1990, éd du Seuil, 128 pages

"Autopsie", 2000, éd Inventaire Invention, 53 pages

« Autopsie », 2000, éd Inventaire Invention, 53 pages

"Ma vie douce", 2001, éd Zulma, 401 pages

« Ma vie douce », 2001, éd Zulma, 401 pages

"Cueillettes", 2010, éd. Nil, 126 pages

« Cueillettes », 2010, éd. Nil, 126 pages

"Le carnet de Rrose", 2006, éd Robert Laffont, 80 pages

« Le carnet de Rrose », 2006, éd Robert Laffont, 80 pages

"Charité de la chair", 2010, 192 pages

« Charité de la chair », 2010, 192 pages

"La dameuse", 2008, éd Zulma

« La dameuse », 2008, éd Zulma, 52 pages

"Nue", avec des photos de Bernard Matussière, 2005, éd Fitway, 141 pages

« Nue », avec des photos de Bernard Matussière, 2005, éd Fitway, 141 pages

"La chasse amoureuse", 2004, éd Robert Laffont, 270 pages

« La chasse amoureuse », 2004, éd Robert Laffont, 270 pages

"Une nuit avec Marilyn", 2002, éd Zulma, 45 pages

« Une nuit avec Marilyn », 2002, éd Zulma, 45 pages

"Corps de femme", 2002, éd Zulma, 133 pages

« Corps de femme », 1999, éd Zulma, 133 pages

"Politique de l'amour", 2002, éd Zulma, 120 pages

« Politique de l’amour », 2002, éd Zulma, 120 pages

"Quand tu aimes, il faut partir",  1993, éd Gallimard

« Quand tu aimes, il faut partir », 1993, éd Gallimard, 95 pages

"L'exclue", 1999, éd Mille et une nuits, 56 pages

« L’exclue », 1999, éd Mille et une nuits, 56 pages

"Souviens-toi de vivre", 2010, éd Presses de la Renaissance, 158 pages

« Souviens-toi de vivre », 2010, éd Presses de la Renaissance, 158 pages

"La première gorgée de sperme, c'est quand même autre chose", 1998, éd Blanche, 77 pages

« La première gorgée de sperme, c’est quand même autre chose », 1998, éd Blanche, 77 pages

"Poupée, anale nationale", 1998, éd Zulma, 85 pages

« Poupée, anale nationale », 1998, éd Zulma, 85 pages

"La vérité nue", avec Stéphane Zagdanski, 2002, éd Pauvert, 200 pages

« La vérité nue », avec Stéphane Zagdanski, 2002, éd Pauvert, 200 pages

"Sept nuits", 2005, éd Robert Laffont, 84 pages

« Sept nuits », 2005, éd Robert Laffont, 84 pages

"Le chien qui voulait me manger", 1996, éd Gallimard, 180 pages

« Le chien qui voulait me manger », 1996, éd Gallimard, 180 pages

"Moha m'aime", 1999, éd Gallimard, 120 pages

« Moha m’aime », 1999, éd Gallimard, 120 pages

"Satisfaction", 2002, éd Robert Laffont, 198 pages

« Satisfaction », 2002, éd Robert Laffont, 198 pages

"Au corset qui tue", 1992, éd Gallimard, 88 pages

« Au corset qui tue », 1992, éd Gallimard, 88 pages

"Il n'y a plus que la Patagonie", 1997, éd Julliard, 127 pages

« Il n’y a plus que la Patagonie », 1997, éd Julliard, 127 pages

"La nuit", 1994, éd Joëlle Losfeld, 100 pages

« La nuit », 1994, éd Joëlle Losfeld, 100 pages

"Âme", préface aux photographies de Gilles Berquet, 1992, éd Jean-Pierre Faur

« Âme », préface aux photographies de Gilles Berquet, 1992, éd Jean-Pierre Faur

"Apotheosis", préface aux peintures de Terry Rodgers, 2006, éd Torch Books

« Apotheosis », préface aux peintures de Terry Rodgers, 2006, éd Torch Books

    "Érotique & érotisme : huit femmes, huit rencontres", de Rémi Boyer ; préf. d'Alina Reyes ; postf. de Sarane Alexandrian, 2004, éd R. de Surtis, 157 pages

« Érotique & érotisme : huit femmes, huit rencontres », de Rémi Boyer ; préf. d’Alina Reyes ; postf. de Sarane Alexandrian, 2004, éd R. de Surtis, 157 pages

"Un siècle érotique", anthologie présentée par Tran Arnault, 2010, éd Omnibus, 1027 pages

« Un siècle érotique », anthologie présentée par Tran Arnault, 2010, éd Omnibus, 1027 pages

"Dictionnaire de la sexualité humaine", collectif sous la direction de Philippe Brenot, 2004, éd L'esprit du temps, 736 pages

« Dictionnaire de la sexualité humaine », collectif sous la direction de Philippe Brenot, 2004, éd L’esprit du temps, 736 pages

"Nouveaux voyages aux Pyrénées", avec Stéphanie Benson et Lucien d'Azay, 2000, éd Climats, 142 pages

« Nouveaux voyages aux Pyrénées », avec Stéphanie Benson et Lucien d’Azay, 2000, éd Climats, 142 pages

"Cent mots pour les bébés d'aujourd'hui", collectif dirigé par Patrick Ben Soussan, 2009, éd Èrès, 366 pages

« Cent mots pour les bébés d’aujourd’hui », collectif dirigé par Patrick Ben Soussan, 2009, éd Èrès, 366 pages

"Qu'est-ce que la culture ?", collectif sous la direction d'Yves Michaud,  2001, éd Odile Jacob, 844 pages

« Qu’est-ce que la culture ? », collectif sous la direction d’Yves Michaud, 2001, éd Odile Jacob, 844 pages

"Because mots notes", collectif, livre + CD musique sous la direction de Garlo, 1998, éd Le Castor Astral

« Because mots notes », collectif, livre + CD musique sous la direction de Garlo, 1998, éd Le Castor Astral

"Sept écrivains au stade : Coupe du monde de football 1998, éd Le Monde/Le Serpent à plumes, 48 pages

« Sept écrivains au stade : Coupe du monde de football 1998, éd Le Monde/Le Serpent à plumes, 48 pages

"Origines littéraires de la pensée contemporaine XIXe-XXe siècles : Goethe, Poe, Huysmans, Mallarmé, Tolstoï, Wells, le roman policier, Jean Ray, Borges, Barthes, Alina Reyes", de N-B Barbe, 2002, éd. Bès, 260 pages

« Origines littéraires de la pensée contemporaine XIXe-XXe siècles : Goethe, Poe, Huysmans, Mallarmé, Tolstoï, Wells, le roman policier, Jean Ray, Borges, Barthes, Alina Reyes », de N-B Barbe, 2002, éd. Bès, 260 pages

avec Bernadette Soubirous, Franz Werfel, Henri Lasserre, Émile Zola, Léon Bloy, J.-K. Huysmans, Francis Jammes, François Mauriac, Anatole France, Irène Frain, Denis Tillinac, Didier Decoin, Alina Reyes, Edgar Morin...

avec Bernadette Soubirous, Franz Werfel, Henri Lasserre, Émile Zola, Léon Bloy, J.-K. Huysmans, Francis Jammes, François Mauriac, Anatole France, Irène Frain, Denis Tillinac, Didier Decoin, Alina Reyes, Edgar Morin…

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Collectif (actes d'un colloque auquel j'ai participé) : "L'Homo Americanus", Editions de L'Oeil, 2020

Collectif (actes d’un colloque auquel j’ai participé) : « L’Homo Americanus », Editions de L’Oeil, 2020

Cadavre exquis assisté

Homme lisant au lit la nuit, photo Alina Reyes

Homme lisant au lit la nuit, photo Alina Reyes

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Robin Sloan est un romancier californien. Le 18 octobre dernier, le New York Times consacrait un article à sa nouvelle façon d’écrire, assistée par ordinateur. Il commence une phrase, un petit programme d’intelligence artificielle la termine. Dans son nouveau roman, la Californie est retournée à l’état sauvage. Il écrit : « Les bisons sont rassemblés autour du canyon ». Il envoie. L’ordi fait « pock », analyse les dernières phrases et ajoute : « sous le ciel nu ». Il poursuit : « Les bisons voyageaient depuis deux ans », l’ordi ajoute quelque chose comme « en pleine ville ». Il n’avait pas pensé à ça, il est content. Le cadavre exquis assisté, en quelque sorte. C’est amusant. Depuis cet article les incendies sont passés, il devient de moins en moins improbable que la Silicon Valley puisse retourner bientôt à l’état sauvage. Il n’y aura plus qu’à se remettre à écrire avec son propre cerveau.

 

Léonard de Vinci, l’homme aux myriades de cerveaux

da-vinci-studies-of-embryosJ’ai commencé hier soir à relire les Carnets de Léonard de Vinci, lus au moins partiellement plusieurs fois au cours des dernières années. Auteur et penseur de premier plan, dont les paroles valent d’être méditées autant que les peintures et les machines. Mais il est intéressant aussi de se pencher sur la façon dont Léonard est reçu, vu, à travers le temps. En 1550, trente et un ans après la mort de Léonard, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Giorgio Vasari vante la merveille de son génie, mais lui reproche sévèrement sa prétendue inconstance dans le travail, et va jusqu’à inventer un pieux repentir du peintre sur ce sujet au moment de mourir. Que l’inachèvement de plusieurs de ses œuvres fasse partie de son œuvre et de son génie -comme il arrive chez certains autres génies- n’est pas compris à l’époque, et sans doute reste aujourd’hui à éclairer.

 

Leonardo_da_Vinci_-_Virgin_and_Child_with_St_Anne_C2RMF_retouchedEn 1910, Freud dans Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci commet un énorme délire sur l’homosexualité, prétendument frigide et platonique, du peintre. Son essai, fondé sur une faute de traduction, en dit davantage sur Freud que sur Léonard, mais reste sauvé du plantage total par une observation pertinente sur la figuration de ses deux mères (la naturelle et l’adoptive) dans le tableau La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne. Aujourd’hui la vie homosexuelle du peintre, dans presque  tous les documentaires sur lui que j’ai pu visionner, fait encore manifestement l’objet des fantasmes de ceux qui en parlent comme s’ils avaient tenu la chandelle, lui prêtant des liaisons sexuelles multiples, y compris avec un enfant. En réalité, en l’absence de témoignages sur la question, on ne peut rien affirmer. Seulement supposer, d’après ce que son œuvre écrite et peinte laisse comprendre de lui, qu’il ne fut ni « platonique » ni débauché mais tout à la fois libre et raisonné, d’esprit donc de corps aussi.

Lire ce qui est dit de Léonard m’aide aussi à réfléchir sur mon propre travail, passé, présent et à venir, et à le guider. Après la note d’hier, voici quelques autres réflexions qui ont retenu mon attention :

Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour« Coleridge appelle Shakespeare l’homme aux « myriades de cerveaux ». Si la discussion baconienne était ouverte, un parallèle serait possible avec la multiplicité des cerveaux de Léonard. » Et : « chez lui, la beauté d’expression nous obsède jusqu’à la torture ». E. MacCurdy, dans son Introduction aux Carnets de Léonard.

André Chastel, dans son édition du Traité de la peinture de Léonard de Vinci, note « l’impression ambiguë que laisse l’étrange Léonard ».  Et :

« Le passage de Léonard ne se marque pas seulement – comme celui d’un Rubens ou d’un Greco – par le fait que les peintres sont saisis de nouveaux problèmes ou d’une nouvelle face des problèmes de leur art. Il se signale aussi par des écarts, des prétentions, des fixations nouvelles, enfin tout ce qui laisse supposer que Léonard comptait par la tension, l’inquiétude, l’interrogation, la critique, bref l’irritation intellectuelle et nerveuse qu’il propageait, autant que par les exemples de son art. »

« Ce que l’on admire d’ordinaire et respecte instinctivement chez Léonard, ce qu’il offre en tout cas de peu commun, c’est l’indépendance du comportement. »

« Les deux notions [scientifique et irrationnelle] sont actives dans son esprit comme les deux faces également exigibles du merveilleux. »

« Léonard est un admirable écrivain, tour à tour nerveux et sinueux, direct et enveloppé, froid et enthousiaste. »

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Leonardo_da_Vinci_-_Portrait_of_a_MusicianIl fut aussi chanteur et musicien, et inventa des instruments, notamment une « viola organista » qui a été réalisée récemment d’après ses dessins et que l’on peut entendre prendre vie grâce au pianiste polonais Sławomir Zubrzycki. Pour en savoir plus, consulter cet article sur France Musique.

Dans ce Portrait de musicien, on peut lire sur la partition de l’homme peint par Léonard (il me plait de penser que ce pourrait être lui-même) : « Cant…Ang… » Le chant des anges, je présume. C’est en tout cas ce que fait entendre cet instrument, dans cet enregistrement que je ne me lasse pas d’écouter et réécouter :

Pour en entendre davantage et le voir de plus près :

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Et pour plus sur ce génie, suivre le mot clé Léonard de Vinci.

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Faire obliquer les plis de la voile dans le vent

obliques*

J’ai fait ce dessin hier soir dans mon cahier en écoutant Claudine Tiercelin. J’ai vu sur mon bureau trois poussières disposées obliquement en triangle dans un arc de cercle formé par un cheveu, et j’ai reproduit l’image en visage au stylo, le reste a suivi. J’ai l’impression que le mot oblique est formé en latin à partir du verbe liqueo, « être liquide » et de la préposition ob qui marque un versement ou un renversement. Il y a ce beau vers au Livre V, 16 de L’Énéide :

obliquatque sinus in uentum ac talia fatur

« il obliqua les plis de la voile dans le vent et parla ainsi »

Ainsi va parfois au but la parole.

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Rapport de soutenance de thèse

franz-kafka1[2]Sous le regard de nos ancêtres préhistoriques et historiques, d’Arthur Rimbaud, de Germain Nouveau, de Franz Kafka, d’Edgar Allan Poe et de bien d’autres de mes compagnons, j’ai soutenu ma thèse devant un jury de quatre professeur·e·s le 24 septembre dernier à l’Université de Cergy-Pontoise, université que j’avais choisie pour son ouverture à la modernité. Après avoir délivré mon discours de soutenance (qu’il vaut mieux lire avant de voir le rapport), j’ai écouté les remarques de chaque membre du jury puis taché de répondre à leurs questions. Ce fut un exercice soutenu, qui dura environ trois heures et qui me plut. Ayant été opérée deux semaines plus tôt pour la deuxième fois de l’été, je n’étais pas au mieux de ma forme et mon expression orale put s’en ressentir, mais je défendis vaillamment mon travail, que par ailleurs on me dit fort apprécié, même si l’exercice de la soutenance impliquait de la part des jurés de relever les points qui posaient problème.

Malheureusement les vraies questions de fond ne furent jamais posées, sur le sens général de ma thèse et sur les analyses par lesquelles j’ai apporté un éclairage entièrement nouveau sur des œuvres particulières et sur la littérature. Mais il est très compréhensible et significatif que les jurés aient été d’abord inquiétés par la forme peu académique de ma recherche, et que ce fut le principal sujet de leur questionnement. En quelque sorte, la forme est l’arbre qui cache la forêt du sens, mais comment faire une forêt sans arbre ? J’ai l’habitude d’une telle réception de mon travail, c’est la même chose pour mes romans : les lecteurs voient l’érotisme, la violence, le désordre… et évitent de pénétrer au fond des choses, au sens (préférant ne pas l’affronter, par peur ou par paresse, la littérature étant trop souvent vécue comme une fuite hors de la vie, plutôt que comme une arme à vivre pleinement le réel).

Le rapport de soutenance de thèse se constitue traditionnellement d’un document tronqué, puisqu’il ne rapporte que les interventions du jury, sans les réponses de l’auteur·e de la thèse. Il s’agit d’un procès souvent bienveillant mais sans avocat de la défense. Il est tout de même mentionné que mes réponses ont été satisfaisantes, et le jury m’a accordé le titre de docteure.

Encore une fois, avant d’ouvrir ce rapport que voici, je recommande de lire mon bref discours de soutenance, qui présente mon travail. Quant à ma thèse, elle est ici.

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Zeppelins sur Paris

zeppelin sur paris, dessin-minEn marge de la terrible guerre des tranchées qui faisait rage à une centaine de kilomètres de là, le soir du 29 janvier 1916, deux zeppelins furent envoyés en raid sur Paris. L’un dut faire demi-tour pour avarie, l’autre, à la faveur des nuages qui le dissimulaient, largua rapidement ses bombes sur Belleville et Ménilmontant, faisant 26 morts et 32 blessés.

Voici le compte-rendu de l’évènement dans L’Humanité du lendemain :

DES ZEPPELINS SUR PARIS

DES BOMBES TOMBENT
boulevard de Belleville, rue de Ménilmontant et rue Haxo. Un immeuble détruit. Il y a des victimes.

À vingt-deux heures moins un quart, alors que comme les jours précédents, Paris était dans le calme le plus complet, les pompiers sortaient de leurs casernes, parcouraient les rues à toute vitesse, en cornant, tandis que les clairons sonnaient le « Garde à vous ». Des zeppelins ou des aéroplanes allemands étaient signalés comme ayant franchi les lignes du camp retranché de Paris.

En effet, à vingt-et-une heures vingt, le gouvernement militaire était informé que des zeppelins étaient passés au-dessus de la Ferté-Milon, à 30 kilomètres de Château-Thierry et à 80 kilomètres de Paris.

La nouvelle fut accueillie avec une placidité parfaite. Loin de se cacher dans les caves, les habitants se précipitèrent vers les places et surtout vers la butte Montmartre. Ceux qui étaient chez eux sortirent sur les trottoirs, scrutant le ciel qu’éclairaient les projecteurs.

Tout à coup, à vingt-deux heures dix, trois détonations qui furent entendues d’un bout à l’autre de Paris et même en banlieue, ébranlèrent les maisons.

Sans doute des coups de canon à blanc destinés à effrayer les mécaniciens des aéronefs pour leur faire rebrousser chemin, pensa-t-on aussitôt, tant les coups avaient suivi de près l’alerte.

Telle n’était point, hélas ! la vérité, c’était bien des bombes et des obus qui venaient d’être lancés d’une grande hauteur, car on ne vit rien, absolument rien, dans le ciel.

Un premier projectile était tombé boulevard de Belleville, près de la rue Risson. Deux arbres furent déracinés, une excavation d’un diamètre de six mètres fut creusée mais il n’y eut là aucun accident de personne.

Une seconde bombe tomba près du 88 de la rue de Ménilmontant. Il y aurait eu là plusieurs blessés.

La plus violente explosion se produisit rue Haxo. Un obus tomba sur l’immeuble du numéro 86, qui fut en grande partie démoli et on en eut à déplorer la mort de plusieurs personnes.

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La parole du jour est au poète belge Émile Verhaeren, sur un précédent raid des zeppelins :

LES ZEPPELINS SUR PARIS

21 Mars 1915.

Sous les étoiles d’or d’un ciel ornemental
Glissent les Zeppelins dans la clarté hardie
Et le vent assaillant leurs parois de métal
En fait luire et siffler l’armature arrondie.

Un but sûr, mais lointain, les hèle et les conduit ;
Et tandis qu’ils ne sont encor qu’ombre et mystère
Leur vol énorme et lourd s’avance dans la nuit,
Et passe on ne sait où, au-dessus de la terre.

Les plaines et les bois se dérobent sous eux
Et les coteaux avec leurs fermes suspendues
Et le bourg et la ville aux étages nombreux
D’où leur présence proche est soudain entendue.

Aussitôt jusqu’au Sud, et de l’Est et du Nord,
S’émeut et retentit le télégraphe immense ;
La menace est criée et la vie et la mort
Organisent partout l’attaque ou la défense.

De toutes parts est perforé l’espace gris ;
Des foyers de lumière en tous coins se dévoilent
Et leurs barres de feu vont ramant sur Paris
Avant de remonter se cogner aux étoiles.

Ceux qui guident le vol des navires, là-haut,
Voient luire à leurs côtés la grande Ourse et les flammes
D’Hercule et d’Orion, d’Hélène et des Gémeaux,
Et s’estomper au loin le Louvre et Notre-Dame.

La ville est à leurs pieds et se tasse en sa nuit
Et se range et s’allonge aux deux bords de la Seine ;
Voici ses palais d’or et ses quais de granit
Et sa gloire pareille à la gloire romaine.

L’ivresse monte en eux et leur orgueil est tel
Que rien jusqu’à leur mort ne le pourra dissoudre.
Ne sont-ils pas à cet instant les rois du ciel
Et les dieux orageux qui promènent la foudre ?

Ils bondissent dans l’air lucide ; ils vont et vont,
Évoquant on ne sait quel mythe en leur mémoire
Et creusent plus avant un chemin plus profond,
Dites, vers quel destin de chute ou de victoire.

Les projecteurs géants croisent si fort leurs feux
Qu’on dirait une lutte immense entre les astres
Et que les Zeppelins se décident entre eux
À déclencher soudain la mort et les désastres.

Pourtant jusqu’à Paris aucun n’est parvenu.
Avant qu’un monument ne devienne ruine
Ils s’en sont allés tous, comme ils étaient venus
Avec le coup de l’échec dur en leur poitrine.

Ils n’ont semé que ci et là, de coins en coins,
La mitraille qu’ils destinaient au dôme unique
Où dort celui qui les ployait sous ses deux poings
Et les dominait tous, de son front titanique.

Et, peut-être, est-ce lui qui les a rejetés
Du côté des chemins où la fuite s’accoude,
Rien qu’à se soulever, lentement, sur son coude
Tel que pour le réveil Rude l’avait sculpté.

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texte : wikisource

Rude et la longue histoire des carnages :

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voir aussi Mémoire des lieux de la Grande Guerre dans la Somme

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« Évolution »

evolution-min*

J’ai fait ce dessin hier soir aux crayons d’aquarelle, légèrement surligné de feutre doré et argenté. Je l’accompagne de ce passage de ma thèse :

Ainsi l’amoureux du sonnet 51 du même Shakespeare parle-t-il de la course de feu (fiery race) de son désir, plus vif encore que la vitesse ailée (winged speed) que pourrait avoir son cheval pour aller à la rencontre de son aimé, comme Parménide porté à toute vitesse par les juments à la rencontre du « cœur de la vérité », passant les portes du royaume de la déesse comme Héraclite est entré dans son temple avec son texte. Si, une fois franchie la sortie, il ne reste plus personne sur scène, que reste-t-il ? La trace de l’humain : la scène, la forme du poème.

L’être s’en est allé habiter ailleurs, mais où ? Dans l’enthousiasme du public, des lecteurs, des contempleurs, qui l’ont reçu. En sortant de scène, l’homme, cette construction culturelle, s’intériorise, augmentée, divinisée, roi et reine à la fois, à la fois maison et habitant.

Ma thèse entière est disponible gracieusement ici.

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