Comme chaque année en cette saison (voir les œuvres de l’année dernière), les services psychiatriques de la Pitié-Salpêtrière s’associent à une exposition dans le jardin de l’Allée haute.
Œuvre de JEANSAYA :
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Œuvre d’Yvonne Orsini :
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Œuvre d’Emma :
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Deux œuvres collectives de patients de l’hôpital de jour de la psychiatrie adultes du professeur Jouvent :
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Œuvre de Bertille Chéreau :
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Œuvre de Bernard La Rocca :
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Œuvre de Véronique Desmasures :
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Œuvre de Marie Martine Expilly :
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Œuvre de Stefan Yordanov :
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Œuvre d’Ayda-Su Neroglu :
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Œuvre de Marinette Delanné :
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Œuvre de Valérie Delamotte :
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photos Alina Reyes
Je n’ai pas tout photographié, si vous aimez l’art singulier et passez par là, allez voir, c’est jusqu’au 2 octobre !
Avec une pensée pour Jacques Chirac qui se trouve en ce moment dans cet hôpital, et une colère contre Christine Boutin qui a été infecte encore une fois.
en Grèce en 2007 avec deux de mes fils, photographiés par leur père, Olivier :)
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La frugalité et la modération grecque contrastaient, tout comme dans l’Antiquité, avec le mode de vie romain plein d’imagination dont l’épouse était le centre de gravitation. Les Grecs, quant à eux, évoluaient sur la corde raide, mus par une improvisation à la fois brillante et inventive. Les Romains développaient une discipline élaborée sans hâte, un sens de la dignité et de l’ordre dépourvu de toute panique. (…) La Grèce est par essence une créature marine et Rome un produit de la terre.
Jérôme aimait à dire que tout cela venait du paysage environnant qui détermine le caractère inhérent : les Grecs, nés sur une terre aride, étaient aguerris aux privations. Les connaissances grecque et romaine s’orientaient différemment. Le Romain, bien qu’homme de la terre, venait d’une région fertile et pleine de contrastes. Rien à voir avec le roc à nu des îles égéennes à la violente lumière améthyste à moitié aveuglante ; les plaines verdoyantes ondulaient, porteuses de toutes les récoltes imaginables : forêts et moissons, rivières et collines. Une curiosité débordante alimentait l’esprit grec, plus affamé de vérité que de profit, et superstitieux dans l’âme. De plus tout cela se retranchait derrière la syntaxe compliquée, à la fois allusive et abstraite, mais difficile à apprendre, d’une langue complexe et féconde en idées scientifiquement exploitables. L’impétuosité des Grecs se faisait jour dès qu’il s’agissait d’exploration ou d’aventure. Sans craindre les erreurs de jugement ils se laissaient entraîner par la curiosité. Leur courage allait jusqu’à la témérité : les navigateurs et les explorateurs donnaient libre cours à une soif de nouveauté. Bien sûr, ils plantèrent quelques arbres, des arbres fruitiers de toute sorte et – comme une note sur la portée – les premiers oliviers ! Ils furent les premiers à planifier le déboisement et l’agriculture, mais ils n’étaient pas fondamentalement des continentaux. Les pays où ils séjournèrent ne furent ni colonisés ni pacifiés pas plus que civilisés ; les Grecs voyageaient, simplement satisfaits d’assurer la sécurité des chemins maritimes, de faire la reconnaissance des ports et des estuaires, et d’établir solidement des comptoirs sur les réseaux de communication navale (…)
[Quant aux Romains] Leur caractère était paresseux, leur langue sérieuse et lapidaire, et leur tempérament moins celui de poètes que de grammairiens, juristes, législateurs ou moralistes. Ils montraient des dispositions pour les inventaires et le culte des ancêtres. Au fond, ils étaient des codificateurs et des géomètres, ils vénéraient les relevés cadastraux et étaient le produit de bornes milliaires ! L’infanterie de ligne se nourrissait du dévouement à l’idéal romain profondément enraciné dans sa conscience. Idéal dont la forme artistique s’exprimait dans une poésie de l’utile (le Pont du Gard). (…)
Les combats de gladiateurs sont une chose, mais que des prisonniers sans aucun secours ou des esclaves soient donnés en pâture aux fauves dans le but de se complaire de leur souffrance, c’est autre chose. Il est plus que probable que le côté philistin du caractère romain devait provoquer chez les Grecs un tiraillement de tristesse et de dégoût, de même que la grossièreté et la brutalité qui entouraient ces spectacles proposés à une assistance de citoyens moyens. Tout cela mettait manifestement en évidence la différence de mode de vie entre Romains et Grecs, illustrée au départ par les syntaxes incontestablement dissemblables des deux langues. Le tempérament romain était par essence juridique et moraliste, profondément porté sur la jurisprudence et l’instruction civique. Le tempérament grec, moins pointilleux, présentait plus de profondeur. (…)
On a pu, sans doute, discerner les mêmes variations au travers des différentes conceptions des deux théâtres. La production grecque s’inquiétait de l’identité de l’être humain dans son face-à-face avec Dieu ou de son comportement lors de confrontations avec ses penchants naturels. Une communauté tout entière s’efforçait de prendre conscience de sa personnalité mystique dans le but de purger toutes ses frayeurs en même temps, l’absolution reposant dans la purification. Le thème de préoccupation des Romains résidait dans un comportement opportun et dans la destinée du genre humain. Cela s’ancrait solidement dans la notion du temps et du moment ; le souffle de l’idéalisme d’une parfaite conduite civique. On sondait le bien et le mal avec constance et avec une rectitude immanente. Le registre d’intérêt romain, plus superficiel, plus bourgeois au sens moderne du terme, trouve son expression la meilleure dans l’attention accordée à l’attitude individuelle. (…)
Le contraste se reflète dans la composition même de leurs théâtres : le grec, abstrait à en couper le souffle, sophistiqué dans sa subtilité intellectuelle et sa quête sans fin d’une vérité métaphysique, alors que du côté de Rome on semble se satisfaire des aspirations poussant à un arrangement entre la vertu du bon citoyen et sa valeur morale selon la conjoncture humaine.
Lawrence Durrell, L’ombre infinie de César, traduit de l’anglais par Françoise Kestsman
Away ! – Away ! – BYRON, Mazeppa
En avant ! En avant !
I
Ainsi, quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure,
A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu’un sabre effleure,
Tous ses membres liés
Sur un fougueux cheval, nourri d’herbes marines,
Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines
Et le feu de ses pieds ;
Quand il s’est dans ses nœuds roulé comme un reptile,
Qu’il a bien réjoui de sa rage inutile
Ses bourreaux tout joyeux,
Et qu’il retombe enfin sur la croupe farouche,
La sueur sur le front, l’écume dans la bouche,
Et du sang dans les yeux,
Un cri part ; et soudain voilà que par la plaine
Et l’homme et le cheval, emportés, hors d’haleine,
Sur les sables mouvants,
Seuls, emplissant de bruit un tourbillon de poudre
Pareil au nuage noir où serpente la foudre,
Volent avec les vents !
Ils vont. Dans les vallons comme un orage ils passent,
Comme ces ouragans qui dans les monts s’entassent,
Comme un globe de feu ;
Puis déjà ne sont plus qu’un point noir dans la brume,
Puis s’effacent dans l’air comme un flocon d’écume
Au vaste océan bleu.
Ils vont. L’espace est grand. Dans le désert immense,
Dans l’horizon sans fin qui toujours recommence,
Ils se plongent tous deux.
Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,
Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,
Tout chancelle autour d’eux.
Et si l’infortuné, dont la tête se brise,
Se débat, le cheval, qui devance la brise,
D’un bond plus effrayé,
S’enfonce au désert vaste, aride, infranchissable,
Qui devant eux s’étend, avec ses plis de sable,
Comme un manteau rayé.
Tout vacille et se peint de couleurs inconnues :
Il voit courir les bois, courir les larges nues,
Le vieux donjon détruit,
Les monts dont un rayon baigne les intervalles ;
Il voit ; et des troupeaux de fumantes cavales
Le suivent à grand bruit !
Et le ciel, où déjà les pas du soir s’allongent,
Avec ses océans de nuages où plongent
Des nuages encor,
Et son soleil qui fend leurs vagues de sa proue,
Sur son front ébloui tourne comme une roue
De marbre aux veines d’or !
Son oeil s’égare et luit, sa chevelure traîne,
Sa tête pend ; son sang rougit la jaune arène,
Les buissons épineux ;
Sur ses membres gonflés la corde se replie,
Et comme un long serpent resserre et multiplie
Sa morsure et ses nœuds.
Le cheval, qui ne sent ni le mors ni la selle,
Toujours fuit, et toujours son sang coule et ruisselle,
Sa chair tombe en lambeaux ;
Hélas ! voici déjà qu’aux cavales ardentes
Qui le suivaient, dressant leurs crinières pendantes,
Succèdent les corbeaux !
Les corbeaux, le grand-duc à l’oeil rond, qui s’effraie,
L’aigle effaré des champs de bataille, et l’orfraie,
Monstre au jour inconnu,
Les obliques hiboux, et le grand vautour fauve
Qui fouille au flanc des morts où son col rouge et chauve
Plonge comme un bras nu !
Tous viennent élargir la funèbre volée ;
Tous quittent pour le suivre et l’yeuse isolée,
Et les nids du manoir.
Lui, sanglant, éperdu, sourd à leurs cris de joie,
Demande en les voyant qui donc là-haut déploie
Ce grand éventail noir.
La nuit descend lugubre, et sans robe étoilée.
L’essaim s’acharne, et suit, tel qu’une meute ailée,
Le voyageur fumant.
Entre le ciel et lui, comme un tourbillon sombre
Il les voit, puis les perd, et les entend dans l’ombre
Voler confusément.
Enfin, après trois jours d’une course insensée,
Après avoir franchi fleuves à l’eau glacée,
Steppes, forêts, déserts,
Le cheval tombe aux cris de mille oiseaux de proie,
Et son ongle de fer sur la pierre qu’il broie
Éteint ses quatre éclairs.
Voilà l’infortuné, gisant, nu, misérable,
Tout tacheté de sang, plus rouge que l’érable
Dans la saison des fleurs.
Le nuage d’oiseaux sur lui tourne et s’arrête ;
Maint bec ardent aspire à ronger dans sa tête
Ses yeux brûlés de pleurs.
Eh bien ! ce condamné qui hurle et qui se traîne,
Ce cadavre vivant, les tribus de l’Ukraine
Le feront prince un jour.
Un jour, semant les champs de morts sans sépultures,
Il dédommagera par de larges pâtures
L’orfraie et le vautour.
Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,
Grand à l’oeil ébloui ;
Et quand il passera, ces peuples de la tente,
Prosternés, enverront la fanfare éclatante
Bondir autour de lui !
II
Ainsi, lorsqu’un mortel, sur qui son dieu s’étale,
S’est vu lier vivant sur ta croupe fatale,
Génie, ardent coursier,
En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l’emportes
Hors du monde réel dont tu brises les portes
Avec tes pieds d’acier !
Tu franchis avec lui déserts, cimes chenues
Des vieux monts, et les mers, et, par delà les nues,
De sombres régions ;
Et mille impurs esprits que ta course réveille
Autour du voyageur, insolente merveille,
Pressent leurs légions !
Il traverse d’un vol, sur tes ailes de flamme,
Tous les champs du possible, et les mondes de l’âme ;
Boit au fleuve éternel ;
Dans la nuit orageuse ou la nuit étoilée,
Sa chevelure, aux crins des comètes mêlée,
Flamboie au front du ciel.
Les six lunes d’Herschel, l’anneau du vieux Saturne,
Le pôle, arrondissant une aurore nocturne
Sur son front boréal,
Il voit tout ; et pour lui ton vol, que rien ne lasse,
De ce monde sans borne à chaque instant déplace
L’horizon idéal.
Qui peut savoir, hormis les démons et les anges,
Ce qu’il souffre à te suivre, et quels éclairs étranges
À ses yeux reluiront,
Comme il sera brûlé d’ardentes étincelles,
Hélas ! et dans la nuit combien de froides ailes
Viendront battre son front ?
Il crie épouvanté, tu poursuis implacable.
Pâle, épuisé, béant, sous ton vol qui l’accable
Il ploie avec effroi ;
Chaque pas que tu fais semble creuser sa tombe.
Enfin le terme arrive… il court, il vole, il tombe,
Et se relève roi !
Nous voici au deuxième chapitre de la première partie de ce fameux livre.
« Cameron utilisait l’électricité pour provoquer des chocs ; Friedman, lui, préconisait la stratégie politique – le traitement de choc qu’il prescrivait aux politiciens audacieux. » (p.67) « Comme toute foi intégriste, la science économique prônée par l’école de Chicago forme, pour ses tenants, une boucle fermée. La prémisse de départ, c’est que le libre marché est un système scientifique parfait (…) Il s’ensuit inéluctablement que toute défaillance – inflation élevée ou chômage en hausse spectaculaire – vient du fait que le marché n’est pas entièrement libre. » (p.69)
« La nature de cette prospérité, ses origines ainsi que la polarisation qu’elle crée entre nantis et déshérités – fait l’objet de contestations. Ce qui est irréfutable, c’est que le libéralisme économique défendu par Friedman et les brillantes stratégies qu’il préconise pour l’imposer procurent à quelques-uns une extrême prospérité et une liberté quasi-totale – laquelle leur permet de contourner les règlements et la fiscalité, de faire fi des frontières nationales et d’accumuler de nouvelles richesses. » (p.69)
« Au premier stade de l’expansion capitaliste, le colonialisme – « découverte » de nouveaux territoires, confiscation de terres, exploitation des richesses minérales sans dédommagement pour les populations locales – avait assouvi l’appétit vorace des entreprises. La guerre de Friedman contre l’ « État-providence » et le « gouvernement tentaculaire » promettait une nouvelle ère d’enrichissement rapide. Au lieu de conquérir de nouveaux territoires, on s’attaquerait cette fois à une nouvelle frontière, l’État, dont les services publics et les actifs seraient bradés pour une fraction de leur valeur. » (p.76)
« En 1953 et 1954, la CIA organisa ses deux premiers coups d’État [en Iran et au Guatemala]. (…) Éradiquer le développementalisme du cône sud (politique de développement indépendant en Amérique du Sud), où il s’était enraciné beaucoup plus en profondeur, se révéla nettement plus difficile. » (p.78)
« En choisissant l’école de Chicago – dont les professeurs prônaient avec obstination le démantèlement quasi total du gouvernement – pour assurer la formation des Chiliens, le secrétariat d’État des États-Unis tira une salve dans la guerre qu’il livrait au développementalisme. Dans les faits, il indiquait au Chili qu’il avait l’intention de décider des notions que ses élites étudiantes devaient apprendre, à l’exclusion des autres. C’était une ingérence si flagrante dans les affaires intérieures du pays que le doyen de l’université du Chili, lorsque Albion Patterson lui offrit une subvention pour mettre en place le programme d’échanges, refusa tout net. (…) Patterson alla trouver le doyen d’un établissement moins prestigieux, l’université catholique du Chili, école beaucoup plus conservatrice qui n’avait pas de département de sciences économiques. Le doyen en question sauta sur l’occasion. Le « projet Chili », ainsi qu’on le désignait à Washington et à Chicago, était né. » (pp79-80)
« Aussitôt Allende élu, l’Amérique corporatiste lui déclara la guerre, avant même son entrée en fonction. Le principal foyer d’activités était le comité spécial sur le Chili de Washington, groupe auquel appartenaient les grandes sociétés minières américaines ayant des intérêts au Chili (…) Le comité avait pour unique objectif de forcer Allende à renoncer aux nationalisations « en l’acculant à l’effondrement économique ». Ses membres n’étaient pas à court d’idées pour faire souffrir le nouveau président. » (pp 84-85)
« Pourtant, malgré des années de magouillages de la part des Américains (…), Allende, en 1973, demeurait au pouvoir. Des dépenses occultes de huit millions de dollars n’avaient pas suffi à affaiblir sa base. Aux élections parlementaires de mi-mandat, le parti d’Allende obtint même un appui populaire supérieur à celui qui l’avait porté au pouvoir en 1970. De toute évidence, l’envie d’un modèle économique différent avait des racines profondes au Chili. » (p.86)
« Les opposants d’Allende avaient étudié de près deux modèles de « changement de régime ». Le premier s’inspirait du Brésil, le second de l’Indonésie. Lorsque la junte brésilienne soutenue par les États-Unis et dirigée par le général Humberto Castello Branco prit le pouvoir e 1964, l’armée avait l’intention de mettre un terme aux programmes de lutte contre la pauvreté de Joao Goulart, certes, mais aussi d’ouvrir toutes grandes les frontières aux investissements étrangers. (…) En 1968 (…), la junte militaire abolit toutes les libertés et recourut massivement à la torture. Selon la commission brésilienne de la vérité constituée plus tard, « les meurtres d’État devinrent monnaie courante ». (p. 87)
« Le coup d’État indonésien suivit une trajectoire très différente. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le pays était dirigé par le président Sukarno, véritable Hugo Chavez de l’époque (moins l’appétit électoral de ce dernier). Sukarno provoqua l’ire des pays riches en protégeant l’économie indonésienne, en redistribuant la richesse et en chassant le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qu’il accusa de servir de façade aux intérêts des multinationales occidentales. (…) Les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne étaient résolus à mettre un terme à son règne, et des documents déclassifiés montrent que, en haut lieu, on avait donné à la CIA l’ordre « de liquider le président Sukarno lorsque les circonstances s’y prêteraient ». Après quelques faux départs, l’occasion se présenta enfin en octobre 1965 : soutenu par la CIA, le général Suharto entreprit alors de se hisser au pouvoir et d’éradiquer la gauche. (…) Les massacres aveugles qui marquèrent aussi le règne de Suharto furent pour la plupart délégués aux étudiants religieux. Ces derniers, après avoir été sommairement entraînés par des militaires, furent envoyés dans les villages. Le chef de la marine leur avait donné l’ordre de débarrasser les campagnes des communistes. « Ravis, ils appelèrent leurs disciples, écrivit un reporter, puis ils glissèrent leurs couteaux et leurs pistolets dans leur ceinture, prirent leurs gourdins sur les épaules et se lancèrent dans la mission qu’ils avaient attendue avec impatience. » En à peine un peu plus d’un mois, au moins 500 000 personnes (et peut-être jusqu’à un million) furent tuées, « massacrées par milliers », selon le magazine Time. Dans la province de Java-Est, des voyageurs rapportèrent avoir vu des petites rivières et des ruisseaux littéralement obstrués par les cadavres, au point que la navigation était par endroits impossible ». (pp 87-88)
« Ils [les membres de la mafia de Berkeley] firent adopter des lois autorisant les sociétés étrangères à posséder 100 % des ressources et octroyèrent des exonérations d’impôt temporaires. Moins de deux ans plus tard, les plus grandes sociétés minières et énergétiques du monde se partageaient les richesses naturelles de l’Indonésie : le cuivre, le nickel, les bois de feuillus, le caoutchouc et le pétrole. (…) Ralph McGehee, l’un des agents principaux de la CIA en poste à l’époque du coup d’État, déclara qu’il s’était agi « d’une opération modèle. […] Ce sont les grands événements sanglants orchestrés depuis Washington qui ont permis l’arrivée au pouvoir de Suharto. Cette réussite signifiait que l’expérience pourrait être répétée, encore et encore ». (pp 90-91)
« Ces trois formes de choc convergèrent sur les corps des Latino-Américains et sur le « corps » politique de la région, et soulevèrent un ouragan irrépressible de destructions et de reconstructions, d’annihilations et de créations qui se renforçaient mutuellement. Le choc provoqué par le coup d’État pava la voie à la thérapie de choc économique ; les chocs de la salle de torture terrorisaient quiconque aurait pu songer à faire obstacle aux chocs économiques. » (p.93)
Bien entendu il est aisé de reconnaître dans tous ces événements ce que nous voyons maintenant à l’œuvre au Moyen Orient. Aux dépens des peuples, toujours.