Oliver twists in London (1). Par Olivier Létoile


une œuvre de Banksy pour les Jeux Olympiques de Londres 2012

 

Trouver une cave à vins à Londres ! Autant chercher une femme voilée dans les rues de Paris. Je n’ai rien contre le voile … seul le voile intégral me fait grincer des dents et des rotules. En revanche. J’aime trop les femmes … libres !

Ceci dit, ici, je ne sais pourquoi … ça passe … Je me suis même surpris à saluer une gente dame dont je n’apercevais que les yeux. Maquillés. On envisage mieux … non ?

Je crois que les Anglais ne connaissent pas la notion complexe et pour tout dire impénétrable comme les voies du Seigneur, d’Allah et de Bouddha réunis, de laïcité. Grand bien leur fasse, car pour ma part je trouve que l’on en fait un peu trop avec ce curieux vocable … et surtout on y met toutes nos peurs ! Pauvres républicains. Think Condorcet … sometimes !

En vain, j’en reviens au vin. De guerre lasse dans ma recherche d’une cave à vins, je mets le cap sur Waitrose, le monoprix local. Honnêtement je ne sais à quels niveaux se perchent les salaires ici, mais l’addition fut plutôt salée. De deux choses l’une, soit chacun joue en bourse, soit tout le monde gagne au bingo ! C’est Fauchon qui se serait lancé dans la lessive et le soda ! Les prix sont en total désaccord avec mon compte en banque mais le service, le service … Mazette !

J’ai vu un employé bras dessus-dessous avec un aveugle qu’il guidait parmi les étalages remplis et emplissait complaisamment son panier qui fut garni en un clin d’œil, si je puis dire.

Cherchant des œufs, je m’enquiers de leur emplacement auprès d’un autre employé. Il y en a légion. On se croirait revenu à la via sacra de Rome. Et quelle ne fut pas ma surprise de le voir me sourire et me conduire à l’autre bout du magasin qui je le précise fait à peu près la taille d’un hangar d’airbus à Toulouse. Je dois reconnaître que cela change des explications confuses que l’on vous crache à la gueule au moindre renseignement. En France.

Au Waitrose, j’ai aussi croisé une congrégation de Russes en mission de ravitaillement, venue supporter la tsarine du saut à la perche qui pour la grande histoire a fini médaille de bronze du dit concours. Un peu déçus, mais les ayant croisés au rayon alcool où je me trouvais moi-même, je gage qu’ils s’en remettront.

On voyage beaucoup au rayon des vins, beaucoup plus que dans une cave française. Afrique du Sud, Chili, Espagne, USA, Australie, Nouvelle Zélande … et France bien sûr … les olympiades de l’ivresse ! Il y a même l’Angleterre !

Bon il y a des sujets où l’on se doit de rester sérieux, où la barre est haute et doit le rester, ainsi que le sourcil. Du vin anglais … Non mais des fois … ils ne doutent de rien les Waterloo’s boys !

La plupart des bouteilles ont délaissé le bouchon de liège pour une capsule qui cède au premier tour de poignet. On croirait ouvrir une bouteille d’huile d’olive.

J’ai choisi un blanc et un rouge d’Afrique du Sud.

Aujourd’hui j’ai décidé de suivre la compétition de BMX. Seulement je me suis fié au programme paru dans L’Équipe qui donne les heures selon le méridien de Paris. Oh ! Greeenwich ! Insupportable cousin ! Pourquoi te distingues-tu ainsi ? Cela ne te suffit pas de rouler à gauche, de compter en miles, d’être européen en restant insulaire, de pondre des Pounds, de faire bouillir du bœuf !

Je suis arrivé trop tard. J’ai juste vu le site olympique, de loin. Cela vaut une chronique à lui tout seul. J’y reviendrai donc, avec les griffes acérées et la bave aux lèvres !

J’avais donc la matinée pour moi. Mon choix s’est arrêté sur Camden Market. En bus impérial. Et comme tout bons frenchies, avides de nouveautés, voire de sensations fortes, j’ai grimpé au First floor, direction Camden … afin de dominer la situation et la ville qui défile. A gauche.

Mon voisin assis sur le siège juste devant moi, écoutait très fort Iron Maiden sur son ipod tout en lisant la Bible sur son Iphone. En me penchant j’ai pu lire sur son écran : Mosiah Chapter 20.

Qui est ce Mosiah ? Moïse, Marcel ; Marcel fut-il un apôtre ? Je pense que ce Mosiah est un apôtre parce que j’ai vu défiler sur son écran Jean-John et Paul-Paul, à ne pas confondre avec Pol pot et encore moins Popaul !

Ceci dit j’ai aimé le mélange des genres. La Judée sous acide, la toge gothique, le tatouage en guise de stigmates et le miracle du aimez vous les uns les autres mixé au Heavy Métal pur et. Dur!

Nous arrivons donc à Camden Market. C’est un ancien marché aux chevaux transformé en marché aux puces. Small is beautiful !

De nombreuses sculptures très réalistes, en bronze comme les médailles, nous rappellent du reste le passé chevalin du lieu. Cela nous change des sculptures prétentieuses et absconses pour ne pas écrire moins, où l’on tord une pièce de métal pour figurer une vague encolure. De cheval.

Ici les vessies sont des vessies et les lanternes … les lanternes, elles éclairent un présent mulicolore et cosmopolite.

Bienvenue à Casablanca, Marrakech ! Camden c’est la médina by Thames. Une médina aux accents asiatiques, indiens et rastas … le temple du t-shirt, la Mecque de la jacket, le nirvana du beatnik et le paradis du chineur. En plein Londres.

Je ne puis m’empêcher d’avoir un pincement au cœur quand je repense au double gâchis des halles de Paris. Un autre cœur de cité qui lui se meurt.

Il ne leur a pas suffit- nous parlons présentement de nos élus- de tout foutre en l’air pour creuser un trou dans lequel des millions de doryphores s’entassent depuis une quarantaine d’années d’obscurité à la lueur des néons, il a fallu qu’ils remettent ça, dans une version écologique prétentieuse de la canopée. Une espèce de monstrueux papillon figé en plein vol par la vanité de ses concepteurs totalement hors du monde, déploie ses ailes sur des arbustes rabougris sans pour autant vous protéger des intempéries.

Pardi fait toujours beau à Paname c’est bien connu ! Résultat … les dealers ont encore de beaux jours devant eux et les clochards vont rester les pieds dans l’eau. Je connais le quartier.

Ici, à Camden, ça grouille, on sent encore le siècle révolutionnaire des machines et de la brique et on lève les yeux sur un siècle technologique qui est déjà là. On passe un bon moment. On se sent vivre en harmonie avec les siècles passés et les gens d’aujourd’hui.

J’ai croisé un groupe de supporters français à Candem. Ils sont venus de Besançon. En car et résident dans un camping en périphérie. Un Nouveau concept pour le mois d’aôut … Oubliez les plages de l’Atlantique ou celles de la côte d’Azur … Venez planter de la sardine à Londres !

Faut dire que nos supporters du jour sont des fondus de gymnastique. Bon à les voir c’est plutôt le genre d’agrès que l’on pratique devant sa télé sur un divan ou au bar, mais la flamme olympique les grille de l’intérieur. Passer sa journée peinturluré comme un indien du Doubs en agitant un drapeau large comme un drap de lit king size, faut oser, faut y croire … Mais chanter à tue-tête la Marseillaise dans les ruelles remplies de rastas se figurant être à Kingston en étant physiquement à Londres, cela tient de la volonté, du courage … du prodige ou de l’inconscience c’est selon.

Ils sont bien sympathiques néanmoins. Ces supporters. J’adore les gens qui vous racontent leur vie en moins de deux minutes : On aime la gym, nous faisons partie du club de Lyse dans le Doubs, à moins que ce ne soit le Haut Doubs, nous ne sommes pas des tendres, la preuve on -j’aime le on- on donc, on a remporté une médaille de bronze.

Et on est passé à la télé … la folie quoi … on a même été au club de France qui jouxte le studio de France télévision … sans invitation !

Son voisin qui est du Doubs aussi : « si, moi j’en avais une ! »

« Ouais toi t’en avais une ! Nous -toujours le nous- nous donc … nous, on a poireauté deux heures devant l’entrée ! Mais une fois dans la place on a foutu une sacrée ambiance … Avant qu’on arrive, ils veillaient les morts ! »

Je n’en doute pas un instant.

Ah j’ai ouvert le blanc d’Afrique du Sud. Fleuron du Cap, 2009, Sauvignon … paraît-il. À mon premier verre j’ai eu l’impression de lécher du fer rouillé tout juste passé à l’antimoine. Au second verre j’ai regretté que ce n’en fût point !

Y’a pas du blanc dans le Haut Doubs …? et même en bas …? C’est bon à boire la France … at least !

See you O

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le deuxième twist d’Oliver in London, avec Abbey Road, est ici ; le troisième .

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Imaginaire

Même du toit de la tour Montparnasse, les étoiles à Paris restent cachées, mais on peut contempler la ville, c’est très beau, et on peut aussi, avec un petit appareil photo, s’amuser à inventer des ciels profonds imaginaires…

et une tour Eiffel prête à décoller, entourée de petites flammes douces

photos Alina Reyes

 

Bonne nuit, bonjour !

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Les animaux désincarnés

photo Alina Reyes

 

J’étais assise sous un arbre en train de lire cette phrase de Triangle de pensées, d’Alain Connes : Étant donné un système logico-déductif non contradictoire, on ne peut pas formaliser sa cohérence de l’intérieur mais on peut formuler une proposition du type « la présente proposition est indémontrable ». En même temps exactement que je lisais ces derniers mots, une femme près de moi dit : « il n’y a vraiment pas un nuage aujourd’hui ». Et dans ma tête les deux propositions se chevauchèrent, si bien que je crus un instant que celle que je venais d’entendre était celle que je venais de lire. Je poursuivis ma lecture. La phrase suivante était : Une telle assertion n’est démontrable que si elle est fausse. Je levai les yeux vers le ciel et en effet je vis qu’elle était fausse, il y avait bel et bien des nuages dans le ciel bleu, quoique blancs, fins et discrets comme de la soie.

Depuis le début j’ai été mal interprétée, mal comprise, soupçonnée à tort de toutes sortes de choses, et je le dis dans l’espoir d’éviter cela à autrui une autre fois. Car cette misère aurait pu être évitée tout simplement par un vrai face à face avec mes interlocuteurs, un face à face d’homme à homme, où la présence réelle parle suffisamment pour que la vérité paraisse et prenne la force des relations d’honneur, telles que les hommes peuvent en connaître quand ils ne comptent pas sur la technologie et autres artifices de communication où mijote à son aise le diable. Incarnation, incarnation !

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