Une histoire de rééducation et de neutralisation des marginaux

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Quand j’étais bénévole dans une petite association paroissiale qui accueillait des personnes sans abri, j’ai proposé au président de l’association d’y faire un atelier d’écriture. Je me sentais très proche des personnes qui venaient là, et je savais qu’elles avaient beaucoup à dire, et que cela ferait grand bien d’aller chercher les mots tout au fond, pour le dire. J’étais allée un soir chez les Compagnons de la Nuit, où ont lieu régulièrement des ateliers d’écriture pour les sans-abri ou autres personnes du quartier désireuses d’y participer. Ce fut une expérience extrêmement simple et extrêmement forte – je l’ai racontée dans Voyage. J’aurais pu faire quelque chose de semblable dans notre association.

Mais au lieu de me laisser faire à ma façon, le président de l’association contacta un animateur d’atelier d’écriture – un gars qui n’était pas écrivain, donc ignorait le travail de profondeur de l’écriture, et ne connaissait pas les sans-abri. Il vint avec son petit attirail, ses petits jeux pour employés de bureau ou autres bobos en mal de « créativité ». Quelques jours après, je dus quitter l’association, parce qu’il s’avéra que, comme ailleurs, j’y étais trahie au profit d’un harceleur qui me poursuit partout en utilisant les autres. C’était il y a quatre ans à peu près.

Hier j’ai reçu le bulletin de l’association, avec l’appel aux dons. J’ai vu ce qu’ils font maintenant. Ils ont emmené les sans-abri en pèlerinage au Mont Saint-Michel, et à Rome voir le pape. Ils les emmènent voir des expositions, ou au théâtre. Les gars se laissent trimballer, du moins certains. J’imagine bien que certains autres ne marchent pas là-dedans. La société du spectacle. L’argent utilisé pour la vitrine. Tout dans la surface, l’apparence, le divertissement. Spiritualité et culture en mode consommation. Ils publient un recueil de poèmes de l’un des « accueillis », préfacé par un grand nom. Un « accueilli » que je connais, c’est moi qui avais remarqué l’intérêt de ses textes lors de l’atelier d’écriture chez les Compagnons de la Nuit, où il se trouvait aussi – et l’avais dit dans Voyage. Mais pourquoi publier lui plutôt qu’un autre ? Pourquoi, sinon pour la vitrine ? Pour éviter de faire le travail de fond qui aurait pu être fait avec chacun et tous, au bénéfice profond de chacun et tous ?

Une telle entreprise me rappelle l’analyse de Muray dans Festivus Festivus : « lorsqu’elle est au pouvoir, la crée, elle, sa clientèle, l’invente, la fabrique en vidant les individus de toute possibilité d’initiative personnelle, comme on sectionne les nerfs d’un animal de laboratoire, et en les rendant ainsi absolument dépendants d’elle, jusques et y compris pour les gestes les plus simples, et cela probablement sans retour. » Ou encore, dans L’Empire du bien : « Ce Bien réchauffé, ce Bien en revival que j’évoque est un peu à l’ « Être infiniment bon » de la théologie ce qu’un quartier réhabilité est à un quartier d’autrefois, construit lentement, rassemblé patiemment, au gré des siècles et des hasards ; ou une cochonnerie d’« espace arboré » à de bons vieux arbres normaux, poussés n’importe comment, sans rien demander à personne ; ou encore, si on préfère, une liste de best-sellers de maintenant à l’histoire de la littérature. »

Les guides spirituels véritables (ils sont rares) font augmenter la liberté de l’homme. Les faux guides (ils sont légion) réduisent la liberté de l’homme. Je dis qu’infantiliser des hommes en les embarquant dans des « activités » « créatives » ou récréatives, comme on dit dans les clubs de vacances, et en les prenant en charge à condition qu’ils suivent docilement, c’est les faire reculer dans leur dignité et dans leur liberté, en même temps que se servir d’eux « pour la bonne cause ». Ces hommes qui connaissent la rue, l’exclusion, la marginalité, la nécessité de survivre, possèdent une expérience et un savoir qui dépassent infiniment le fait d’aller voir les sculptures de Niki de Saint Phalle au Centre Pompidou ou le pape sur la place Saint-Pierre. Or, prétendre leur apporter la culture et la religion sur un plateau, c’est idolâtrer la culture et la religion et surtout, leur laver le cerveau. À quand les camps de rééducation soft pour tous les sans-abri, pour les Roms, pour les étrangers, pour les marginaux, pour les artistes, pour tous ceux qui n’avaient pas vocation à rentrer dans le rang, à devenir de gentils toutous entre les mains de gentils animateurs ?

« Le spectacle, écrit Guy Debord (dont je ne suis pas plus inconditionnelle que de Muray ou de n’importe quel autre auteur, mais dont la pensée vaut aussi d’être (re)lue, surtout en ces temps de falsification de la pensée), est… l’effacement des limites du vrai et du faux par le refoulement de toute vérité vécue sous la présence réelle de la fausseté qu’assure l’organisation de l’apparence. (…) Le besoin d’imitation qu’éprouve le consommateur est précisément le besoin infantile, conditionné par tous les aspects de sa dépossession fondamentale. »

Certes j’ai toujours su ce que je faisais en refusant de laisser les mêmes personnes, ou des personnes animées d’un même esprit, mettre la main sur Voyage et sur mes Pèlerins d’Amour. Le résultat eût été le même : affadissement, récupération, dé-signification totale. Tout cela est infiniment triste. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’ils n’auront pas tout le monde. Loin de là.

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Brève revue de presse

4527908_7_6200_la-station-de-ski-de-habuka-au-japon-a-ete_7119259878d0f10f96473083971f94fdTremblement de terre hier au Japon, plusieurs dizaines de blessés. Station de ski de Habuka, photo AP trouvée sur le site du Monde

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« Comment rester classe quand arrive l’addition ? » En lisant ce titre rapidement sur le site du Figaro, j’ai lu : « Comment rester classe quand arrive l’édition ? »
Ah oui, c’est un problème pour les auteurs.
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Lu sur le site du Point : « Huit mois après la perte de son bébé, l’actrice se résout à l’adoption pour fonder la famille dont elle rêve. »
Les journalistes sont-ils responsables ? Et si le futur enfant adopté lisait cela ? Et si les lecteurs s’habituaient à lire des choses de ce genre, qui manquent totalement de respect pour l’humain ?
On ne se résout pas à adopter un enfant, on en rêve, on le désire, on en rend grâce.

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Lu sur le site de L’Express : « Manifestations en hommage à Fraisse : interpellations à Nantes et Toulouse »
À croire que la victime, nommée par son seul nom, serait un criminel, et ceux qui demandent la vérité sur le crime, interpellés, seraient ses complices.
Le monde à l’envers.
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Entendu l’autre jour en passant sur KTO : le pape sermonne les pasteurs, ils ne doivent pas être l’attention de tous.
Cela ne risque pas d’être le cas des prêtres de chez nous, pauvres bougres si rares qu’ils doivent prendre en charge des dizaines de paroisses et courir çà et là donner des messes pour quelques vieilles dames, les seules qui les regardent encore. Que ce pape, idolâtré grâce à une com payée à prix d’or, les sermonne, explique assez pourquoi, avec une telle hiérarchie, ils sont en train de mourir.
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Lu sur le site de L’Express : « EN IMAGES. Les couples du PAF »
Encore des histoires de violences conjugales ?
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Lu sur le site de L’Express : « Photo de François Hollande et Julie Gayet : l’Elysée soupçonne une taupe. »
À tort, car la photo a été prise d’en haut, où les taupes ne vont pas.
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En Une du Times : « Sex, secrets and president’s lies »
Sexe, secrets et mensonges : voilà les taupes, et elles habitent dans l’intérieur des hommes, qu’elles rongent et où elles creusent leurs galeries.
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Manifestants à Paris en 2014

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photos Alina Reyes

Visite à mon banquier

26 27 28 29 30Paris 13e, photos Alina Reyes

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Il s’intéresse beaucoup à tout ce qui concerne l’argent, c’est son métier, on ne va pas le lui reprocher. Il me parle même de la TVA sur les livres, celle que paie l’éditeur. Je n’en sais rien. Pour ma propre activité d’éditeur, je suis autoentrepreneur, tout est prélevé automatiquement, c’est bien plus simple. Mais il y aura toujours des gens pour aimer se prendre la tête avec ce genre de choses. Bref, il s’y connaît sans doute en affaires d’argent, mais moi je m’y connais dans mon propre métier. « Pour écrire il faut surtout de l’inspiration, non ? », me dit-il. Ah le vieux mythe romantique. Non, lui ai-je répondu, c’est un travail comme les autres, il faut du travail, c’est tout. Mais tant de gens, surtout ceux qui travaillent dans les domaines non concrets, comme la banque et tous les emplois du secteur tertiaire, ne savent pas ce qu’est vraiment le travail. Beaucoup de gens travaillent pour remuer du vent – ainsi ce rendez-vous inutile tout à l’heure avec mon banquier, qui aurait pu être remplacé par un mail en trois phrases ou un coup de téléphone de deux minutes. Ceux qui produisent savent ce qu’est le travail, parce que s’ils ne font pas le travail, il n’y a rien à l’arrivée, il n’y a pas de légumes, pas de céréales, pas de moyens de transports, pas de musique, pas de texte dont on puisse faire un livre. Les intermédiaires se contentent de gérer le produit du travail des travailleurs. Ils peuvent se permettre de le faire sans grand effort, de toutes façons le produit est là, la demande est là, et de toutes façons ils s’engraisseront là-dessus plus que tout autre. Ils travaillent en surface, ils se livrent à des manipulations, tandis que le vrai travailleur travaille la terre, mine, bêche, invente, crée. Non cher monsieur, ce n’est pas l’inspiration qui peut manquer. Le monde entier comme le plus infime événement est source d’inspiration. Soi-même est source d’inspiration. La source ne tarit jamais, elle surabonde. Ce qu’il faut, c’est le travail. Je n’ai jamais entendu aucun vrai artiste dire autre chose.

La fausse lettre

Un coursier m’apporte ce matin un courrier venant de mon éditeur Robert Laffont, portant son étiquette. Il ne me fait rien signer, s’en va aussitôt. Le courrier contient un journal sur la Bourse, qui n’a rien à voir ni avec l’éditeur ni avec moi. J’appelle chez mon éditeur : personne, dans aucun service, ne m’a envoyé un courrier par coursier. J’en conclus qu’il s’agit encore de l’une de ces manœuvres destinées à me signaler la présence occulte des gens qui surveillent mon activité, au quotidien mais aussi chez mes éditeurs, m’empêchant ainsi de publier tant que je ne me rends pas à leur raison, tant que je ne leur livre pas Voyage et la règle des Pèlerins qui va avec. Voilà des années que cela dure, en vain.

National, municipales… mon étoile : la gratuité

Des anarchistes taguent le Sacré-Cœur. Un responsable de la basilique, interrogé sur ces faits, déclare qu’ils se produisent régulièrement au fil des ans, « environ un mois avant Pâques ». Falsifiant ainsi le sens de ces actes (que je ne cautionne pas pour autant), destinés en fait, lors de l’anniversaire de la Commune, à rappeler que le Sacré-Cœur a été construit en partie pour « expier » la révolution plutôt douce du peuple, qui fut écrasée dans le sang.

Il semble que nous pourrions être débarrassés de Sarkozy pour 2017. Mais toujours personne de valable en vue pour la mission. Reste à naviguer à l’étoile.

Municipales à Paris. Tous ces candidats qui veulent, à grands frais, réaliser toutes sortes d’aménagements dans la ville, se comportent comme des chargés de famille qui ne songeraient qu’à refaire les peintures de l’appartement ou changer les meubles, sans se soucier de l’éducation, du bien-être et des études des enfants. Au lieu de s’occuper des choses, ils feraient mieux de penser aux gens, aux gens du peuple. La priorité n’est pas d’apporter plus de choses, mais de rendre plus de choses gratuites ou moins chères. Dans l’éducation, les services, les transports, la culture, la solidarité. Moins de dépenses, plus d’investissement de l’argent public dans la gratuité, telle est la philosophie qui aura ma voix.

Avalanche Sharks

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tout à l’heure rue Mouffetard, photo Alina Reyes

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J’ai mis plusieurs de mes livres numériques, dont Voyage et Francis K, sur Amazon, où ils apparaîtront dans quelques jours. Puis j’ai voulu les mettre sur la FNAC, mais je ne l’ai pas fait car ces requins prennent presque deux fois plus de droits : 55 %, contre 30 % pour Amazon.

On nous annonce comme si c’était une découverte que Marilyn Monroe est passée elle aussi par la chirurgie esthétique. Le fait est déjà mentionné dans Une nuit avec Marilyn, je l’avais lu dans des biographies d’elle. Rien à voir cependant avec ce qu’on fait aujourd’hui, lèvres, pommettes et mamelles gonflées comme celles des poupées… dégonflables.

Ainsi que dans ce film qui sort, où les requins font du ski. Enfin, presque.