Du ciel vient ce qui sauve

J’ai plusieurs livres en cours, dont un roman presque fini, mais à cause de la surveillance organisée depuis quelques années pour me forcer à livrer Voyage et l’ordre des Pèlerins d’Amour à qui je ne veux pas les livrer, je ne peux écrire tranquillement ni publier librement. Or voici qu’un nouveau livre m’est venu, par la grâce d’un rêve que le ciel m’a envoyé hier. Hier j’ai commencé à l’écrire et ce matin, au réveil, je suis restée longuement sans bouger, à mettre en place la suite dans ma tête. Je crois que celui-ci dénouera la situation. Du ciel vient ce qui sauve. Il sauvera non seulement ma famille et moi, mais aussi beaucoup de monde.

Vie sublime

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morceau d’oeuvre en cours

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Comme je me transporte beaucoup dans mes montagnes, où je ne peux pas être, à la place d’y marcher je peins un peu comme les Aborigènes. N’est-ce pas ce qu’on appelle sublimer ? Pourtant être là-haut dans la montagne est bien plus sublime encore. Ceux qui pensent que l’art ou l’écriture subliment la vie ne savent pas la vie. 

Notre vie douce

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une nouvelle oeuvre dans mon quartier (photo Alina Reyes)

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J’ai jeûné de littérature, j’ai faim de littérature. À lire, à écrire. Je papillonne dans les livres, je suis papillon. J’ai un grand livre en cours d’écriture, à chaque étape je dois passer des jours sans écrire, en attendant que le reste avance dans ma tête, l’ordonnancement et le but. Écrire, c’est savoir fulgurer, et c’est savoir attendre.

J’attends Ramadan, grand temps blanc, comme on attend un amant. J’ai un projet de peinture pour ce temps. Je voudrais tout d’abord, si Dieu veut bien, reprendre mon plus grand tableau, celui de l’œil, celui qui s’appelle Apocalypse. Et peut-être me remettre un peu au piano, apprendre par exemple la petite valse douce en la mineur de Chopin.

Mahmoud Darwich écrit : « C’est mort qu’ils m’aiment, afin de pouvoir dire : il était des nôtres, il était nôtre. » Je ne suis pas des leurs, des morts qui m’aiment mort. Ne suis-je pas, moi, des autres ? Des miens et puis des autres, vivants qui me cherchent parmi eux, vivant.

Sexualité, amour, pureté

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Un journaliste, Denis Robert, qui a beaucoup enquêté sur des affaires de corruption, a aussi écrit un livre érotique racontant les rendez-vous dans une chambre de deux personnes qui ont choisi de rester des inconnues l’une pour l’autre. Je n’ai pas lu le roman, qui paraît-il est très bon, mais ce qui m’intéresse c’est le rapport entre l’activité anti-corruption de cet auteur, activité très poussée qui lui a valu beaucoup de problèmes, et son fantasme, réalisé ou non, d’une pure rencontre des corps.

Quelle pureté trouva-t-il en-deçà des noms ? Qu’est-ce que la corruption ? Comment un livre peut-il contrebalancer le monde ? En-deçà des noms : la musique et le silence, qui lui appartient. En-deçà des noms : la peinture, celle qu’on trouve dans les grottes de la préhistoire comme celle d’un Van Gogh. Laver dans un livre la langue salie par des hommes qui ont corrompu le nom d’homme. Lui rendre la pureté de la musique, de la peinture, de la logique. Mathématique de l’écriture, de la lecture, comme opération de rachat de l’homme.

Compléter sa lutte contre la corruption dans la principauté virtuelle de l’argent, en écrivant l’histoire de deux êtres humains qui se rencontrent réellement, corps à corps. Mise à l’écart des identités sociales comme rejet de tout ce qui n’est pas expression directe de l’être à l’être. Voilà ce qui se passe, dans la nuit du lit. Le jour est occupé par des fantômes, les statuts et les existences des uns et des autres. Qu’ils falsifient leur nom et leurs comptes ou qu’ils se cachent derrière, ils font des uns et des autres des idoles. Des paravents du néant. Derrière lesquels il n’y a pas de chair. Pas de personne qui assume. Pas de face à face. Pas d’épreuve de la vérité. Pas de vérité.

Dans la nuit du lit, à la recherche concrète du trésor enfoui dans l’île, voici que nous sommes nus dans la vérité. Voici l’homme. La découverte du corps de l’autre vaut celle d’un Nouveau monde. Découverte, déshabillage. Une terre inconnue est toujours une terre vierge, puisqu’elle nous est inconnue. Comme on dit dans la Bible, Adam (« le Terreux ») connut Ève (« la Vivante »). Mais avant qu’il la connût, elle était vierge. Nous sommes vierges pour chaque être qui ne nous a pas encore connus.

Un corps inconnu est toujours une terre (« adama ») vierge pour qui le découvre. Même si mille autres l’ont connu auparavant. Et une fois connu, un corps, un être, restent toujours inconnus. Comme le dit Héraclite, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Parce que l’eau du fleuve change perpétuellement. Et celui qui s’y baigne aussi. Tout en restant le même, comme le fleuve. Le corps à la rencontre duquel je vais dans la nuit du lit peut être le même depuis de nombreuses années – il est pourtant toujours nouveau, toujours autre, toujours inconnu, à découvrir. Exactement comme son âme, qui y habite.