Over the Rimbaud

jolie lumière

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Après avoir passé un bon temps sous terre, telle la graine, voici que je sors et monte, avec mes livres tout prêts à éclore. Le roman que j’ai terminé hier. Et puis au moins trois autres livres encore en bourgeons mais prêts à éclore, à partir de dizaines de pages de notes et autres écrits : un livre de spiritualité, un livre de politique, un livre de poésie. Plus le nouveau roman que j’ai commencé à écrire. Plus d’autres projets auxquels je pense, dans la photo, dans l’art… Et puis la suite de ce que Dieu veut, comme il voudra. « David » a pris cette photo d’arc-en-ciel au-dessus de nous juste après notre longue conversation hier, en sortant du café. La vie est splendide.

Mon voyage en religion

arbre de vie,

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J’ai été élevée sans religion, quoique baptisée bébé pour contenter mes grand-parents. Mes parents étaient farouchement athées et anticléricaux, ils nous avaient instruits sur les méfaits du clergé, qu’ils avaient connus pendant leur enfance. Mais ils étaient communistes et croyaient au progrès, à la nécessité de libérer les peuples opprimés. Ce n’était pas une religion mais cela y ressemblait, la lecture quotidienne de l’Huma et les réunions de cellule en formant la liturgie. Comme je m’intéressais à la politique mais critiquais le communisme, mon père m’emmena un jour à l’une de ces réunions afin que je puisse en parler avec les camarades. Toute gamine, j’exposai à ces messieurs mes vues, essayant de les convaincre qu’une anarchie régulée par la responsabilité personnelle et le sens de la communauté formerait un monde bien plus accompli que leur système. Ils m’écoutèrent poliment, par respect pour mon père sans doute, et nous en restâmes là.

En 6ème je commençai le latin, en 4ème le grec. Avec ces langues, je découvris la mythologie antique, qui constitua pour ainsi dire ma première religion, une religion à laquelle il n’y avait pas à croire. Cela me convenait tout à fait : un enchantement du monde, sans contraintes. Je me mis à explorer aussi la mythologie égyptienne, puis je m’intéressai à l’hindouïsme, au taoïsme, au bouddhisme. Je recopiais dans un cahier les éléments que je trouvais dans des livres, avec aussi des écritures en langues orientales, sans les connaître mais pour le bonheur des signes. Parallèlement j’explorai aussi l’esprit en lisant Freud et un peu Jung, et toujours beaucoup de littérature et de poésie, notamment française et russe, bien sûr imprégnées de christianisme.

À dix-sept ans, lors de mon premier voyage, j’eus un contact inattendu, précis et extrêmement fort avec Dieu dans l’église-mosquée de Sainte-Sophie, à Istanbul. Je me cachai pour pleurer. Pendant très longtemps je demeurai comme je le disais « mystique mais athée ». C’est-à-dire, vivant dans l’expérience de Dieu, mais sans croire en Dieu, au sens où je voyais les gens croire en Dieu un peu comme au Père Noël. Je m’intéressai à l’art pariétal, visitant des grottes préhistoriques, allant voir des spécialistes, m’interrogeant sur le sens liturgique de ces œuvres. À la montagne, et notamment au cours de mes ermitages, mes expériences mystiques devinrent de plus en plus fortes et je finis par me tourner plus concrètement vers le christianisme, d’autant que la première ville en plaine était Lourdes. Je fis des retraites au carmel, où j’appris à prier selon le catholicisme. À Paris j’allai un peu au catéchisme, puis je retournai dans mes montagnes, munie d’une Bible en hébreu, d’un dictionnaire et d’une grammaire d’hébreu, et je me mis à apprendre, seule, suffisamment de cette langue pour traduire et commenter de longs passages de la Genèse et de l’Exode. Je me remis aussi au grec, et traduisis et commentai aussi de larges passages des Évangiles. Tout cela entra dans la composition de mon livre Voyage.

En retournant vivre à Paris, je passai régulièrement devant la Grande mosquée, tout près de chez moi. Je commençai à lire le Coran, un peu plus que je ne l’avais fait jusqu’à présent. Un jour, j’allai à la mosquée et demandai la permission d’y prier. On me demanda si je voulais me convertir. Je dis que je voulais seulement prier. C’était le milieu de la matinée, on me laissa aimablement entrer dans la salle de prière des femmes, en me disant que le Prophète avait dit qu’il était permis au musulman de prier partout. Je priai debout en silence pendant un peu plus d’une demi-heure, en compagnie des moineaux qui se faufilaient sous le toit. Quelques semaines plus tard, j’allai trouver un imam (du moins je suppose que c’en était un) dans un bureau de la mosquée, pour qu’il me fasse prononcer la shahâda.

Ainsi donc, des premières à la dernière religion, j’ai fait le parcours. Et je continue à marcher.

Ce qui fut et ce qui est

Ce matin est passé à la maison un ramoneur qui passait chaque année quand j’habitais de l’autre côté de la cour, et que je n’avais pas revu depuis cinq ans. Quand je lui ai dit mon nom, il s’est exclamé, tout content : « Ah vous êtes la fille de Mme Nardone, qui habitait dans l’immeuble ! » N’est-il pas étrange qu’aujourd’hui, malgré mes cheveux gris, on me prenne pour la fille de celle que j’étais quand j’étais plus jeune ? Ce nettoyeur des conduits du temps connaît l’ordre réel de la vraie vie.

Engendrez-vous.

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Présence

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« Une élève arrive la première pour allumer le poêle, puis ce petit homme à la présence étonnante enlève ses habits de rapin et grimpe sur la selle. L’atelier se remplit de sa masse et devient la forêt où se dresse l’arbre, le ciel d’où naît l’orage. La nature s’impose.

C’est la première heure de pose, Nardone est là (…) »

Bénédicte Garnier, Libero Nardone ou l’homme est un paysage, photographie de Luc Joubert, dans la revue de Sarane Alexandrian Supérieur Inconnu, juillet-décembre 1998

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Écouter le ciel

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Alma découvre la beauté des cocons d’étoiles
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Ordre

 

« Ils t’interrogent au sujet de l’Esprit (al-Rûh). Réponds-leur : l’Esprit procède de l’Ordre de mon Seigneur et vous n’avez reçu que peu de science [à son sujet]. »
Coran, sourate 17, Al-Isra, Le Voyage nocturne ou les Enfants d’Isrâ’il, verset 85, traduction AbdAllah Penot.

Pèlerins d’Amour, hommes et femmes, voyageurs du jour et de la nuit, pareils aux anges, pareils aux abeilles, aux papillons, humains sortis de leur cocon, essaimant dans le monde la divine miséricorde.

Transportant le pollen de tout ce qui fut écrit, depuis le premier mot de la Genèse jusqu’à la dernière parole du Coran, réalisant ce qui fut dit dans le Messie. C’est aujourd’hui que ce qui fut raconté arrive. Et ce qui fut annoncé, nous l’assumons.

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Foi

en chemin vers Saint-Justin, été 2010, photo Alina Reyes

 

O me dit combien il est impressionné par la droiture de N. (« Noé », comme je l’appelle dans mes livres depuis vingt ans, et qui est maintenant le nouveau propriétaire de la grange, dans la montagne où eut lieu le déluge), droiture de vue et droiture de vie. Et je songe à ce que nous demandons dans la prière islamique : « Guide-nous dans le chemin droit ».

Pourquoi le Christ eut-il à guérir tant de possédés ? Les démons ne sont pas des péchés. Les évangélistes ne disent pas démon à la place de péché. Quand ils veulent parler du péché, ils disent péché. Les démons sont des démons. Le diable est contagieux, il est légion. Certains hommes ouvrent leurs portes aux démons, contents d’en faire leurs alliés, de pouvoir pécher en se reposant sur des puissances célestes, fussent-elles mauvaises. D’autres se battent contre les démons qui s’en prennent à eux. Et les démons redoublent d’ardeur auprès des hommes, pour les séduire ou les détruire, quand ils sentent la présence de ce qui peut les renvoyer au néant, quand le Royaume où ils n’ont pas de place approche. « Ta foi t’a sauvé », dit le Christ. Tout juste a la foi, même s’il ne prononce pas le nom de Dieu. Avoir la foi c’est être libre de l’emprise des démons, même s’ils continuent leur action, avoir la foi c’est être indestructiblement ferme dans le chemin droit, la vérité, la vie, la joie de vivre.

Être sauvé, c’est avoir la foi, ou la retrouver. Ayons foi, et la foi vaincra, d’elle-même, toutes les forces de mort. Dieu aime les hommes.

 

De la chute, mortelle, et de la descente, vitale

 

Le diable, le malin, est l’ange qui est tombé du ciel par orgueil. À l’homme aussi il arrive souvent de tomber de la même façon : refuser de se soumettre à Dieu, se croire plus fort, ou bien assez fort soi-même, c’est ce qu’on appelle le péché, c’est ce qui est la source de tous les péchés du monde. Il faut voir les choses très simplement : nous tombons sur le chemin si nous faisons les malins, si nous nous croyons plus fort que le chemin, si nous voulons ignorer la pente dans un chemin de montagne, si nous voulons ignorer le courant ou la crue dans un chemin d’eau, si nous voulons ignorer la circulation dans un chemin de ville, etc. Toutes ces situations physiques ont leurs correspondances spirituelles. Il y a une autre façon de tomber, c’est quand nous sommes poussés par un méchant ou un meurtrier, ou lorsque nous butons sur un caillou (un « scandale », c’est pourquoi Jésus a averti de ne jamais scandaliser un innocent, c’est-à-dire mettre sur son chemin un caillou pour le faire chuter), ou lorsque nous sommes accablés d’un poids que le monde a mis sur nous, comme la Croix sur le dos du Christ.

Mais en aucun cas tomber n’équivaut à descendre. Descendre n’est ni un péché ni une conséquence du péché, comme l’est tomber. Descendre est un geste d’amour. Dieu descend vers l’homme par amour. L’homme descend vers autrui et vers lui-même par amour de Dieu – même s’il l’ignore. Et si j’ai bien écrit que c’est tout au bout de la nuit que se trouve la lumière, il ne s’agissait en aucun cas d’une nuit du péché, ni d’une nuit de la perte de foi, ni d’une nuit du malheur, que nous en soyons responsables ou innocents. Mais de la nuit que constitue la descente. La descente n’est pas une chute. C’est dans la nuit al-Qadr et dans la nuit de Noël que descend la révélation de ce qui était caché, que vient la lumière de la vérité. Et quand l’homme par amour descend au fond de la nuit de l’homme, c’est dans la descente que se fait la mise à nu qui permet le passage dans la lumière.

« Lis ! » C’est le premier mot adressé par Dieu à son Prophète Mohammed. Mais lire sans descendre dans la profondeur du texte, sans descendre dans la profondeur de l’être en même temps, n’est pas lire mais mal comprendre et se tromper. La lecture est une ascèse, ou elle n’est pas. Lire engage tout l’être. Sinon, croyant lire et ne lisant pas, lisant superficiellement, l’être se perd par son erreur, répand l’erreur et la sème comme autant de scandales sur le chemin des innocents. De faux penseurs, voire de faux « mystiques » (à la façon de Georges Bataille) ont pu s’imaginer que le péché était une façon de trouver la vérité, la lumière et la grâce. Ils ont peut-être cru les trouver, alors qu’il ne leur venait que ces exclamations qu’on fait devant un feu d’artifice. « Pourquoi ? » demandait tout à l’heure Mgr Fouad Twal dans sa déchirante homélie de supplication pour le Moyen Orient, la Palestine, Jérusalem. Parce que les hommes, sur toute la terre, ne sont pas assez attentifs à distinguer entre le bien et le mal, et à rejeter le mal. Et ceci tout d’abord dans l’esprit. Car donner des gages à l’esprit du mal, ou se compromettre avec lui, c’est entraver le combat que l’Esprit Saint mène avec ses anges sur la terre comme au ciel. Tournons-nous vers le Miséricordieux, au ciel et en nous, accomplissons nuit après nuit, jour après jour, cette descente miséricordieuse qui est aussi ascension pour la Vie.

 

En lisant « Le Sceau des saints », de Michel Chodkiewicz (10 et fin)


cet après-midi, sortie de la prière du vendredi par le Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

 

J’y étais aussi, selon la demande pressante qui m’a été faite en rêve cette nuit. Après qu’il m’avait été demandé de rester plusieurs semaines sans prière rituelle, ni islamique ni chrétienne, pour faire le point.

L’islam c’est la lumière, l’évidence du vrai, la perfection. L’accomplissement de la paix. Ibn Arabî dit qu’à la fin des temps, Jésus revient, apporter la paix dans le monde, et suivant la règle de Mohammed. C’est ce qui se passe. Je ne suis pas Jésus, mais je suis de lui, je suis chrétienne, il vient à travers moi, musulmane. Comment l’expliquer, c’est bien plus fort que tout, il est impossible qu’il en soit autrement, voilà tout. Sans doute est-ce difficile pour beaucoup de monde, c’est pourquoi il faut plus que jamais avoir la foi, être sûr que Dieu va tout guider pour qu’il en soit selon Sa volonté, en gardant à chacun de ses peuples son charisme, tout en œuvrant pour les unir tous, réunir tous ses enfants.

Le point est fait. Terminons notre lecture de ce livre (éd tel gallimard) sous-titré Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî. Voici le chapitre 10, intitulé La double échelle.

C’est écrit dans Voyage, cela y fut écrit bien avant que je n’entre à la mosquée : la fête d’avenir, c’est celle de tous les saints. Le ciel veut la sanctification de la terre. Ensuite il emportera la planète et nous tous au lieu où nous sommes attendus.

« Comment devient-on un saint ? Si elle s’inscrit nécessairement dans une économie spirituelle qui en régit les formes et en distribue les fonctions, la sainteté est d’abord le fruit d’une quête personnelle et toujours sans précédent : « À chacun de vous Nous avons assigné un chemin et une voie » (Cor. 5 : 48). Ibn Arabî insiste constamment sur l’irrépétabilité absolue des théophanies et donc des êtres, des choses, des actes. Jamais deux « voyageurs » (sâlik) ne passeront par la même route. L’aventure de l’un ne sera jamais l’aventure de l’autre.
Il n’en reste pas moins que tout voyage initiatique, quelles qu’en soient les particularités, connaît des étapes et des périls dont la nature et la répartition se conforment à un modèle à défaut duquel, d’ailleurs, la notion même de « maître spirituel » n’aurait aucun sens. Cet itinéraire type, enrichi d’innombrables variantes, fait partie des topoi de la littérature du soufisme. Comme ailleurs, mais plus qu’ailleurs parce que, en Islam, le mi’râj du Prophète est une référence majeure, il se présente souvent comme la description d’une ascension. » (pp 151-152)

Michel Chodkiewicz décrit ensuite le voyage spirituel d’Ibn Arabî, en suivant son ouvrage L’Épître des Lumières (Risâlat al-anwâr), sous-titré « Sur les secrets qui sont octroyés à celui qui pratique la retraite cellulaire ». Nous n’en reprendrons pas ici le détail, mais notons ces passages :

« Une autre formulation de ce passage, celle relative à la « circularité » des chemins, peut paraître énigmatique. Ibn Arabî en éclaire le sens dans un chapitre des Futûhât où il représente symboliquement la manifestation par une circonférence dont le point initial (l’Intellect premier, ou le Calame, qui est la première des créatures) et le point final (l’Homme Parfait) coïncident. Le « chemin » qui conduit du Principe à l’ultime frontière de la création (« le plus bas de l’abîme » : asfal sâfilîn, Cor. 95 : 5) reconduit de cette limite extrême au lieu originel (symbolisé dans la même sourate par le « Pays sûr » – al-balad al-amîn) dont les âmes ont la nostalgie. (…) en raison de l’infinitude divine, qui exclut toute répétition, le retour [à Dieu] ne peut être une simple inversion du processus d’éloignement : les créatures ne reviennent pas sur leurs propres pas. C’est la courbure de l’espace spirituel où elles se meuvent qui les ramènent à leur point de départ. » (pp 166-167)

« C’est, dit Ibn Arabî, parce que Moïse était à la recherche d’un feu, comme le mentionnent ces versets [Cor. 28 : 29-30], que la Voix de Dieu a surgi pour lui d’un arbre en feu. Chaque fois que nous nous représentons ce dont nous avons – matériellement ou spirituellement – besoin c’est, que nous le sachions ou non, une représentation de Dieu que nous nous formons car « tout besoin est besoin de Dieu ». Celui qui désire une chose pour sa beauté, c’est la Beauté divine qu’il aime en elle. Mais il ne connaîtra de la Beauté divine que ce que cette chose peut en contenir. (…) les théophanies seront à l’image et à la mesure de nos désirs. » (pp 170-171)

« La perfection spirituelle implique la hayra – la stupéfaction, la perplexité, un éblouissement perpétuel accordé au renouvellement incessant des théophanies dont chacune apporte une science nouvelle qui n’est jamais le nec plus ultra. «  (p. 173)

« … la différence entre le walî  [saint, rapproché] et l’homme ordinaire est tout entière dans le regard qu’ils portent sur les choses. (…) Cette cécité de celui qui regarde les théophanies sans les voir est la racine du péché et la substance même de son châtiment. Seul y échappe celui qui connaît « sa propre réalité », son haeccéité éternelle (ayn thâbita) » (p.176)

« Le walî, s’il a su, à chaque étape successive, résiter à la tentation de s’arrêter en chemin – chaque paragraphe de l’Épître s’ouvre sur un rappel lancinant de ce péril -, est donc parvenu à la « station de la Proximité » (maqâm al-qurba), à la sainteté plénière, que Jésus scellera à la fin des temps. (…) L’homme, au terme de ce mi’râj, se réduit à l’indestructible secret divin sirr ilâhi) déposé en lui au commencement des temps par l’insufflation de l’Esprit (nafkh al-rûh) dans l’argile adamique. (…) Cependant, si l’ « arrivée » à Dieu (al-wusûl) est le point final de l’ascension, elle n’est pas, pour les plus parfaits, la fin du voyage. Le mi’râj, en arabe, est un mot qui peut se traduire par « échelle » : mais il s’agit, en l’occurrence, d’une échelle double. Parvenu au sommet, le walî doit redescendre par des échelons distincts mais symétriques de ceux qu’il a gravis. (…) Mais les choses auront « d’autres formes » car ce qu’il regardait « par l’œil de son ego » (bi ayn nafsihi), il le contemple « par l’œil de son Seigneur » bi ayn rabbhi). À chaque stade de la descente, il reprendra cette part de lui-même qu’il y avait laissée. Cette récupération progressive de ce qu’il avait abandonné derrière lui n’est cependant pas une régression : selon une belle image qu’emploie le commentateur, chaque « tunique » dont il s’est défait à l’aller a été par là même retournée comme une robe qu’on enlève en la saisissant par le bas. Ainsi ce qui était à l’envers est devenu l’endroit, ce qui était caché est devenu apparent. Le walî se « revêt » au retour de tous les éléments constitutifs de son être qu’il avait initialement restitués à leurs mondes respectifs, mais ces éléments ont été métamophosés par cette rétroversion. » (pp 177-179)

« Ibn Arabî identifie l’Homme Parfait à l’arbre « dont la racine est ferme et la ramure dans le ciel » (Cor. 14 : 24) (…) il est l’ « isthme » (barzakh) des « deux mers ». S’il est le garant de l’ordre cosmique, et donc éventuellement l’instrument de la Rigueur divine, sa fonction, quel que soit son rang dans la hiérarchie initiatique, est d’abord d’être l’agent de « la Miséricorde qui embrasse toute chose » (Cor. 7 : 156) : c’est pourquoi sa « génération héroïque » (futuwwa) s’étend « aux minéraux, aux végétaux, aux animaux et à tout ce qui existe ». (p.184)

À bientôt.