Le fil d’or de William Blake

J’ai évoqué une fois ici William Blake. Le revoici, avec cette peinture de lui, L’échelle de Jacob (celle par où, tandis qu’il dort la tête sur une pierre, il voit descendre et monter les anges), suivie de quelques-uns de ses Fragments de poésie que j’ai traduits.

blake
Aveugle aux fautes est toujours Amour,
Toujours à la joie il incline,
Ailé, sans lois et sans limites,
De chaque esprit brisant toutes chaînes.

 
Duplicité, au secret confinée,
Légale, prudente et raffinée ;
Aveugle en toute chose sauf à son intérêt,
Pour l’esprit forge des fers.

Abstinence sème du sable partout
Aux membres rutilants et aux cheveux de feu,
Mais Désir Gratifié
Y plante fruits de vie & beauté.

C’est une Tête de bois celui qui veut une preuve de ce qu’il ne perçoit,
Et c’est un Fou celui qui essaie de faire que cette Tête de bois croie.

Grandes choses adviennent quand se rencontrent Hommes et Montagnes ;
Et non pas au Coude à coude dans la Rue.

Je vous donne le bout d’un fil d’or :
Roulez-le simplement en pelote,
Il vous conduira à la Porte du Paradis
Bâtie dans le mur de Jérusalem.

William Blake, Fragments (ma traduction, de l’anglais)

La vache noire de Rainer Maria Rilke

Voici un autre poème de Rilke. J’aime penser à la vache noire qui retient son meuglement à la fin du texte, comme le font les vaches quand elles écoutent de la musique – je l’ai souvent vérifié quand elles s’assemblaient autour de mon ermitage en montagne pour écouter avec moi la musique souvent sacrée dont je leur faisais profiter en ouvrant la porte et les fenêtres.

Ô ce qu’il a dû coûter aux anges
de ne pas, tout à coup, fuser en chant comme on éclate en pleurs,
sachant pourtant : en cette nuit va naître
la mère du garçon, l’Un, qui va bientôt paraître.

Frémissants, silencieux, ils montrèrent du doigt
où se trouve, isolée, la ferme de Joachim.
Ah ! ils sentaient, en eux et dans l’espace, la pure condensation !
mais sans pouvoir, aucun, descendre à lui.

Car les deux se tenaient déjà si hors d’eux-mêmes.
Une voisine vint et ne sut qu’en penser,
et le vieux, prudemment, alla retenir le meuglement
d’une vache noire. Car jamais encore il n’en avait été ainsi.

Rainer Maria Rilke, Naissance de Marie (ma traduction, de l’allemand)

L’ange de la nuit

L’ange descend et monte sur l’homme la nuit.

Ses ailes grand ouvertes pleines d’écriture

Cachées dans la ténèbre se déploient sans bruit

Par la respiration d’une pauvre âme pure.

 

Ange venu d’ailleurs relever la souffrance

Comme les sentinelles au portail se relaient,

Sais-tu pourquoi ce monde est gâté de cœurs rances,

De manipulateurs et de manipulés ?

 

Oh, qui déchirera la croûte de leurs yeux ?

L’ange s’approche encore et son aile t’effleure,

T’entoure et te transporte au véritable lieu.

Les morts ne savent pas pourquoi les vivants pleurent.

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