Madame Terre chez Patrick Modiano et le Pr Labrousse à Jouy-en-Josas et rue de Vaugirard à Paris

 Bauen, wohnen, denken (bâtir, habiter, penser) ont des racines communes
Habiter poétiquement le monde, éd LAM, 2010
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D’habitude j’écris les petits textes de présentation pour accompagner les photos prises par O lors de ses périples et actions poélitiques avec Madame Terre. Pour cette dix-neuvième de la série, il a écrit aussi quelques lignes – à lire après les images.

mme terre chez modiano et pr labrousse à jouy

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prise de glycine modiano jacobs

mise de glycine modiano jacobs

mme terre jacobs vaugirardet rue de Vaugirard à Parisjacobs vaugirard

Fiction ou Réalité ?

Il y a une maison à Jouy-en-Josas ; une maison construite sur le versant sud de la vallée de la Bièvre, légèrement en hauteur, dans une rue tranquille, presque provinciale. Rien ne la distingue des autres maisons, si ce n’est l’énorme massif de glycine qui déborde de la grille.

Mais en s’approchant, et en soulevant les longues lianes de glycines, on découvre une plaque sur laquelle on peut lire que le 38 rue du docteur Kurzenne fut la maison d’enfance de l’écrivain Patrick Modiano [ici présent] en 1952 et la résidence du professeur Labrousse, personnage de la BD SOS Météores d’Edgar P. Jacobs paru en 1958.

A priori rien de commun entre l’écrivain de Rue des boutiques obscures et le directeur de la météorologie nationale dans SOS Météores. Modiano est grand, imberbe et balbutiant de timidité ; Labrousse est plutôt petit, porte une barbe digne de la troisième république et ne se départ jamais d’une ferme politesse en toutes circonstances. l’un est un écrivain, l’autre est un scientifique. La seule chose qui les relie semble être la fiction. L’un en fait profession tandis que le second y est né.

La fiction et une autre adresse. En effet l’auteur et le professeur ont partagé la même adresse rue Vaugirard à Paris.

Alors je me demande est-ce l’écrivain qui finit par se confondre avec ses personnages de fiction ou bien est-ce le scientifique qui est plus vrai que nature ?

O

labrousse modiano

Sortir de soi

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Je suis allée voir Snowpiercer, qui m’a fait une forte impression. Avec ses thèmes du passage de portes (comme dans Derrière la porte), du chemin dans la neige (comme dans Voyage), du mal et du monde gelé (comme dans Forêt profonde), de l’avalanche (comme dans La Chasse amoureuse), de l’arche de Noé (comme dans Le Boucher, entre autres), d’un(e) grand(e) ours(e) (comme dans Lucy au long cours et À la Grande Ourse, texte ici présent), ce film coréen tiré d’une bande dessinée française rencontre ma sensibilité comme elle a rencontré celle de millions de spectateurs et de la quasi-totalité des critiques, tant en Corée qu’en France. Or il n’est pas encore distribué aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que le producteur américain qui en détient les droits pour le monde anglophone veut pouvoir le couper et l’arranger de façon à ce qu’il puisse rencontrer le public américain. Ce que le réalisateur refuse. Nous voici devant l’un de ces cas d’enfermement des dominants dont je parlais il y a quelques heures. Ils ne peuvent pas rencontrer l’altérité, il leur faut d’abord la manipuler pour la rendre moins étrangère, moins universelle, plus assimilable, plus contenable entre leurs murs. Une telle humanité est une humanité en train de se nécroser.

Tout cela est bien imagé dans le film – et je me rappelais aussi, en le voyant, le jour où par erreur je suis entrée dans un train vide, qui est parti aussitôt. J’ai remonté interminablement tous les wagons déserts, jusqu’à la locomotive, où je suis entrée dans la cabine du conducteur. Le train s’est arrêté dans une lointaine banlieue, où il est passé au lavage automatique, comme les voitures – sauf que l’opération est évidemment beaucoup plus longue pour un train. Enfin j’ai pu descendre, traverser les voies, monter dans une draisine à bord de laquelle des mécaniciens m’ont ramenée à Paris. J’avais raté mon train mais j’ai pris le suivant et je suis arrivée à bon port, en Normandie, sur une plage du Débarquement. Ce fut une bonne expérience.