Îles

Photo Alina Reyes

 

Jaillissent de mes mains des îles, fleurs dans le monde pour le repos des voyageurs de l’être !

Le ciel s’y couche dans les landes, oreille pour les âmes errantes, sonate pour les coeurs qui crépitent.

Je fais jaillir des îles, habitations fugaces ou éternelles pour les états de l’être qu’à chaque instant j’invente, crée, déploie !

Tables dressées où vous pouvez monter pour me toucher, manger et boire à même moi la vie.

L’être je vous le donne et vous le multiplie, que toujours vous ayez du pays où naviguer, que votre coeur vous soit un bateau plein d’aimés, et que nous échangions dans le chant silencieux des herbes les souffles et les baisers qui tiennent à la vie et emportent plus loin.

 

En pleine vie

Photo Alina Reyes

 

Avant le début du monde je suis partie et les dauphins dans mon sillage sont apparus
traçant des cercles ouverts, distinguant dans l’union l’onde et la flamme des cieux
ô mes gracieux animaux, traçant la voie je vous sentais bondir
à mon côté, flots de sang bleu que je lâchais pour féconder la vie

Je suis Voyage
à bord de moi fleurissent les arbres et les bêtes, les hommes
qui sortent de mon coeur en procession sans fin
jusqu’au-delà des horizons.

Un enfant sur le pont d’un bateau contemple :
il entend ma voix qui vibre au fil de l’eau
et quelque chose en lui comprend.

 

La porte du ciel

au jardin des Plantes, à Paris. Photo Alina Reyes

 

Il s’apprête. Ses yeux dans le ciel ouvrent la fenêtre, d’où descend, blanc ruban dans le bleu, sa voie.

Sur terre, les animaux, les océans frémissent. La rouille des vaisseaux fantômes ensanglante les eaux. Une toute jeune femme sent dans son ventre clair bouger le Fils de l’homme sur le point d’entrer dans la cité. Au milieu des métros elle lève la tête : voici, elle voit dans la voûte la lumière passer par sa fenêtre ouverte.

Les enfants jouent, les époux s’enlacent, les esseulés chantent. Je suis le Dieu Vivant, disent leurs courses, leurs chairs, leurs voix.

Mon corps est la cité céleste où vous vivez, en plein sur terre.

 

l’amour au jardin

au jardin des Plantes, à Paris. Photo Alina Reyes

 

Au jardin les arbres fleurissent, les amoureux s’embrassent.

Qui a commencé ? Les arbres, ou les amoureux ?

Leurs baisers sont des brassées de fleurs qu’ils se donnent à manger l’un à l’autre.

Leurs fleurs sont des baisers que le ciel nous fait. Les arbres dans leur tronc, dans leurs branches, s’en réjouissent comme l’homme en ses membres embrassant sa fiancée.

Verticale ouverte, j’embarque et monte du secret à l’ardente lumière les arbres et les hommes.

 

déchirer le sable

à Soulac-sur-mer. Photo Alina Reyes

 

Le sable se déchire plus doucement que la soie. Le sable s’ouvre, recevoir dans sa chair l’eau, le sel et la lumière.

Sable des bords de mer, chair du monde où se tracent les voies de l’accomplissement. Peuple du ciel, sable, peuple du temps qui broie la pierre d’être, la fluidifie, qu’elle devienne

chemin qui embrasse très doucement les pieds. Sable mon peuple traversant

les siècles des siècles, unissant les vivants et les morts, sable de communion des petits grains humains,

viens là miroir que je t’épouse, viens prendre et recueillir et boire à mes chemins l’eau et le sang que j’ai versés le tout-premier,

viens au baiser d’amour.

 

Venir

à Soulac-sur-mer. Photo Alina Reyes

 

Sel et lumière
je les mets dans ma bouche ma langue l’océan déferlant par mes yeux Dieu

je suis. Vagues mes doigts qui vous apportent depuis la source que vous ne voyez pas le don,

la vie. Ô mes poissons mes cailloux mes grains de sable voyez je déploie la tente bleue de la consolation mes corps d’hommes avec vos têtes je vous prends contre moi sous le voile

venez petit troupeau venez mes âmes que je libère les larmes que vous tenez dans vos sombres cachots venez mes amours je vous

aime voyez comme j’avance en suppliant vos pieds venez, que mon eau vous les lave, que ma lumière vous les essuie et vous enlève au ciel où sans arrêt je viens.