Objets doués d’âme, une écriture

Chez moi il y a beaucoup d’objets récupérés, notamment dans la rue, et d’objets – surtout des tableaux – faits maison. Le tout dans un grand « désordre ordonné », comme me l’a dit hier un jeune homme, une sorte de musée vivant. Certains sont des objets d’art (trouvés gratuits ou achetés à tout petit prix, car on peut collectionner ou collecter des objets d’art sans budget, l’art n’est pas forcément synonyme de prix élevés), d’autres des objets tout simplement, notamment des objets naturels, cailloux, pommes de pins, glands… J’ai moins de moyens que n’en avait André Breton pour constituer son merveilleux musée-atelier-appartement, mais c’est un peu l’esprit. L’essentiel est de donner la vie à ces objets par les relations mentales qu’ils supposent, par le sens qu’ils acquièrent en constituant un espace à vivre, par la pensée et l’amour que leur assemblement figure. En fait, ils constituent une écriture. Et vivre à l’intérieur, c’est le bonheur.

Dans la ville aussi, des écritures animent les murs et les objets, comme ces quelques graffs que j’ai photographiés hier au passage :

graff 1-min graff 2-min

graff 3-min

graff 4-minhier à Paris, photos Alina Reyes

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Au milieu du génie de Léonard

joconde*

J’ai commencé aujourd’hui à écrire un texte, un livre, sur Léonard de Vinci. Quel immense honneur, immense bonheur. Pourquoi ne pas se contenter de l’honneur et du bonheur que donne la contemplation de son œuvre ? Parce que, comme lui, à ma façon, je suis une chercheure. Je suis en route, j’ai toujours été en route, comme dit Cendrars. J’aime cette phrase de Léonard :

« Un vase en terre crue qui se casse, on peut le reformer ; en terre cuite, non. »

Il y a là de quoi méditer pour longtemps, ou de quoi trouver une illumination.

Cette phrase dit ma méthode, et c’est pourquoi je trouve.

Et j’ai mon roman en cours.

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La vie bonne

J’ai grandi au bord de l’océan, j’aime me promener sous la pluie. Je mets ma capuche comme Forest Whitaker dans Ghost Dog : la Voie du samouraï, de Jim Jarmusch, et j’y vais. Toute sourire à l’intérieur, en ce moment songeant à l’action excellente du kundalini yoga en moi, à mon travail en cours, et contemplant, photographiant, rendant grâce pour la vie douce qui nous est chaque jour gracieusement offerte.

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feuilles-min

fred le chevalier-min

invader-min

paille-min

vélo-min

vigne vierge-minCet après-midi à Paris 13e, photos Alina Reyes

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Dédale

oiseau blanc

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Le tapuscrit de travail pour mon DEA que j’ai retrouvé hier s’accompagnait d’une dizaine de pages manuscrites, notes de lecture et réflexions pour la recherche. C’était il y a trente ans, et mon écriture est toujours la même, on dirait que ces notes ont été prises hier. Il y a là un beau départ de feu. Une note sur le labyrinthe par exemple retient mon attention. Il semble qu’elle soit tirée d’une notice du Dictionnaire des mythes littéraires (livre resté avec presque toute ma bibliothèque dans la montagne). La voici :

Antiquité = l’un et le multiple

Moyen Âge = l’horizontalité et la verticalité

Renaissance = l’extérieur et l’intérieur

Époque classique = la réalité et l’apparence

Époque moderne = le fini et l’infini

traversé et annulé par le fil

danse rituelle

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Je remarque combien fidèle est l’esprit au développement de sa pensée. Je résumais ainsi mon projet de thèse dans mon tapuscrit :

« Un fil poétique et philosophique vers une définition de l’identité, qui prend successivement une valeur morale, mythique, et métaphysique. »

Et je constate que c’est ce qu’a réalisé ma thèse, reprise près de trente ans plus tard avec un autre intitulé. J’ai aujourd’hui élargi le corpus à de nombreux auteurs, mais le seul fait que Schwob et Borges fussent deux des trois auteurs envisagés à l’époque eût nécessairement fait entrer la bibliothèque universelle dans ma thèse, dont le plan eût évidemment évolué aussi, tout en conservant cette structure annoncée en deux grandes parties, cette structure en miroir qui est aussi celle de ma thèse d’aujourd’hui et qui est une façon de donner pouvoir, dans le labyrinthe et au-delà, d’entrer, d’aller et venir, de sortir librement, grâce à la métaphysique de la création, grâce aussi à ce fil qui existe dans ma thèse actuelle entre ses nombreux éléments, ses nombreux détours, ses hypothèses et ses fictions, non pas grosse ficelle artificielle comme on en fait dans la littérature industrielle mais fil d’or ténu, requérant l’attention de celle et de celui qui fait le travail de lire, qui accomplit ainsi le travail de l’aventure en soi, comme disait Sarane Alexandrian. Et il ne s’agit pas d’une introspection, d’une affaire psychologique même si la psychologie en est, mais bien d’une aventure métaphysique, poétique, philosophique, l’aventure la plus haute qui soit, l’aventure qui détruit l’effroi mortel devant l’être qui mène l’homme à sa perte. Je suis follement amoureuse de la littérature, qui donne la vie éternelle.

Ayant rêvé hier que j’étais un oiseau blanc, c’est cette fois cet ancien dessin que, dans la continuité des jours précédents (et tout en écoutant Roger Caillois sur l’INA, où il vaut d’être abonné) j’ai repris, en superposant à la gouache originelle des couches de feutre, de crayons de couleur, d’acrylique, de stylo, qui lui donnent un caractère de costume d’Arlequin, aux multiples et divers tissus cousus. Et cette nuit j’ai rêvé que, sous ma forme humaine, je me déplaçais dans les airs, très naturellement.

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Figure et cœur

figure*

Dans la continuité du travail d’hier, deux nouvelles œuvres, réalisées à partir d’œuvres anciennes. J’ai d’abord repris ce visage végétal que j’avais peint sur bois en y collant du sable, des coquillages, de petits pétales, pour augmenter sa royauté et son écoute (intérieure).

Puis un vieux dessin sur papier de fleurs-étoiles-moulins à vent à la gouache, dont j’ai redessiné les contours  et recouvert le fond, initialement peint de façon compliquée, qui rendait l’ensemble moins lisible, avec des feutres – de couleur, doré et argenté . J’aime bien le mélange peinture-encre, elles se donnent du relief l’une à l’autre.

 

coeur*

Poème en bois, coquillages, plumes, peinture

Je l’appelle poème parce qu’on peut le regarder sous plein de faces et y voir librement. J’ai utilisé les coquillages dont je parlais hier et un bout de bois mort que j’avais peint il y a longtemps.

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poème 1Le duvet aussi, je l’ai ramassé sur la plage

poème 2

poème 3J’ai laissé le sable au fond de la coquille en cours de fossilisation, j’ai verni par-dessus

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poème 4

poème 5

poème 6J’ai utilisé l’ocre rouge en pensant à nos ancêtres préhistoriques

poème 7

poème 8

poème 9

poème 10Posé ainsi, on dirait un saxophone, j’adore

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poème 11

poème 12

poème 13Langue, œil, oreille, et les trous des coquilles comme de multiples narines, et les corps ventousés cachés comme toucher

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