Voici la réponse que je viens d’envoyer à un metteur en scène qui voulait adapter La jeune fille et la Vierge pour le théâtre à Avignon. Je préserve l’esprit de Bernadette, que l’Église a envoyée à la mort quand elle était en chair et en os, comme je prends soin aujourd’hui de mes élèves, qui ont son âge et celui de Rimbaud.
J’ai parcouru votre projet.
J’ai quitté le catholicisme car FONDAMENTALEMENT il est négatif, destructeur, nihiliste. J’ai essayé de le changer, de lui apporter la vie. Il ne sait pas changer, il ne sait que mourir. Je le laisse donc mourir seul.
Votre adaptation se termine de façon sinistre quoique voilée, comme tout dans cette religion adoratrice d’un cadavre aux plaies apparentes et au sexe caché. Ce faisant, elle trahit l’esprit de mon livre, dont les derniers mots sont une ouverture sur, de nouveau, la lumière, la vie. Je pense que nous ne pouvons pas nous rencontrer. L’abîme est là, et je sais par expérience que vous resterez toujours ses prisonniers. Vous n’êtes pas la religion qui peut tirer les hommes de l’abîme, mais celle qui les y attire. Ceux qui en sortent n’y retournent pas, ils ne sont plus de ce monde mortel qui est le vôtre.
Je dois donc vous dire que je vous refuse le droit d’adapter mon livre La jeune fille et la Vierge, je vous refuse le droit de le jeter dans la Géhenne avec tout ce et tous ceux que vous récupérez abusivement, selon votre habitude séculaire.
Alina Reyes
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Et voici ces derniers mots de mon livre, que le metteur en scène en question voulait trahir en les occultant et en les remplaçant par d’autres :
« C’est ainsi, il faut que tout finisse, afin que rien ne meure. »
(N’est-ce pas la philosophie de Dom Juan, que je commence à enseigner avec tant de bonheur ?)
Puis il y a un saut de ligne, et ces phrases finales :
« Il arrive que, par un petit matin d’hiver, vous partiez, misérable, ramasser vos os et votre bois mort, et que vous rencontriez la vie.
De nouveau, là où vous ne l’attendiez pas, et dans une lumière que vous ne lui connaissiez pas encore. »
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Si vous voulez lire le livre, il est ICI. (J’ai fait la photo de la couverture un jour de neige à Lourdes)
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