La bonne vie

À Troumouse. Photo Alina Reyes

 

Ne sommes-nous pas tout le bestiaire du Christ ? Son troupeau, son âne, et son chien de berger ?

Berger, qui, sinon ce qui court dans ton sang, te demande

de rassembler et garder le troupeau ? Même

si tu n’as jamais vu une brebis, transporté dans la prairie

tu commences à courir, aboyer, ramener les bêtes éloignées,

aller, venir, tracer sur le sol la secrète écriture

qui finalement réunit, fait avancer comme la nuée

les âmes qu’un mystère t’a confiées.

Cependant le Maître nous conduit, il va devant,

nous mène le soir à la bergerie et le matin aux pâturages.

Quand nous serons tous entrés dans sa maison, dans sa lumière,

nous serons sur cette terre et dans les cieux

l’agneau et la colombe de Dieu.

 

Noces

En allant chez nous. Photo O

 

La Résurrection, ce sont les noces. L’Amour pénètre le mystère comme l’homme la chair de la femme. Des braises, la flamme prend, la ténèbre se transforme en lumière.

La Résurrection est virile. Ni femme ni homme en Christ, ni en la Résurrection, seulement la virilité de l’être dans la matrice du monde. Les prêtres doivent être des hommes, pour que l’eucharistie puisse être une pénétration du corps humain par le corps de Dieu.

La Résurrection prend en elle tout l’être, déploie l’être en l’Être.

La Résurrection est l’accomplissement d’un chemin de relation. Vivre dans la lumière la relation aux hommes et aux enfants est le chemin de la Résurrection.

La Résurrection n’est pas une renaissance ici-bas, comme on le croit trop, mais le travail opéré par qui accueille Dieu en son corps ici-bas, la transformation et l’élévation de ce corps dans la lumière, son passage invisible (comme nocturne) à un autre être en lequel ont lieu les noces de Dieu, par où il crée le monde et engendre la vie.

Pas de Chemin sans Vie dans la Vérité. Tant que l’être se tient dans le chemin de la vérité, il arrive à la maison de Dieu, dans la vie éternelle.

 

« Voilà ce que vous raconterez : ‘Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions. ‘»

Photo Ulf Andersen

 

Les soldats ont menti. Le corps n’a pas été volé.

Les formes sont le voile du chemin de la nuit.

Il passe à travers corps, s’insère dans la chair. Dieu y envoie son Esprit travailler dans l’ombre. La nuit d’amour monte jusqu’aux pupilles où elle se devine : elles seules saisissent la lumière.

Qui écoute la voix de l’ange lui demander son corps pour y faire son oeuvre, se donne sans compter.

L’homme aussi creuse en la femme une voie pour l’Esprit. L’homme qui écoute en la femme l’ange, lui aussi s’abandonne à l’ordre de s’aventurer sans peur dans le chemin ombré.

Pourquoi ? Qui ne voit que les surfaces et les formes l’ignore, prend peur et agit mal.

Dieu oeuvre dans l’intérieur du monde comme les hommes préhistoriques au fond des grottes. Jaillis de leurs visions, de leurs mains, les animaux dansent ensuite à la flamme des torches : ce ne sont pas des animaux.

À peine retrouve-t-on les os des hommes et des animaux. Mais ce qui a été peint dans les grottes nous habite toujours.

Combien plus et plus longtemps est vie et lumière, de notre vivant même et bien après que nous sommes redevenus poussière, ce qui a été peint par Dieu dans l’ombre de notre corps, si nous l’y avons laissé entrer et faire. Quoi ? Toute la Genèse, toute la lumière, tout le Livre, tout l’univers, toute l’histoire du salut, qui consiste justement à opérer en nous cette discrète et grandiose Résurrection dans l’éternité.

 

Lumière du monde

Photo Alina Reyes

 

Écoutez, îles lointaines ! Mes petits enfants, venez,

voyez et demeurez entre les bras de ma lumière !

Au tout début du monde, je verse pour vous l’eau de ma vie donnée,

voyez comme elle abonde, vous nourrit de poissons et vous lave les rives et les coques,

comme elle vous porte et vous transmet l’appel du ciel, de l’au-delà des horizons !

Au tout début de tout, je verse pour vous le sang de mon amour puissant, qu’il coure dans vos veines et vous mette debout !

Oh, voyageons ! La brise souffle, les tempêtes nous laisseront vivants, nous rendront à la douce caresse ! je vous promets l’éternité.

 

En pleine vie

Photo Alina Reyes

 

Avant le début du monde je suis partie et les dauphins dans mon sillage sont apparus
traçant des cercles ouverts, distinguant dans l’union l’onde et la flamme des cieux
ô mes gracieux animaux, traçant la voie je vous sentais bondir
à mon côté, flots de sang bleu que je lâchais pour féconder la vie

Je suis Voyage
à bord de moi fleurissent les arbres et les bêtes, les hommes
qui sortent de mon coeur en procession sans fin
jusqu’au-delà des horizons.

Un enfant sur le pont d’un bateau contemple :
il entend ma voix qui vibre au fil de l’eau
et quelque chose en lui comprend.